Lewis

Chapitre IX

Lorsqu'il arriva au village, Lewis passa pratiquement inaperçu. Les habitants ne semblait pas prêter attention à lui. Le village n'avait rien d'extraordinaire. Ses occupants non plus. Même si jusqu'à présent il ne voyait que des femmes. Mais Lewis ne contait pas s'y attarder. Il comptait bien trouver quelqu'un qui pourrait l'aider à quitter cet endroit avant d'être retrouvé. Or il ne connaissait personne ici, alors il se contentait de déambuler. Il approchait de la place centrale puis entendit des éclats de voix. Sur la place, un homme parlait à un groupe de jeunes filles. Elles étaient très belles et portaient beaucoup de perles. Leurs robes étaient drapées et parsemées de coquillages comme leurs cheveux. L'homme avec qui elles étaient n'avait pas l'air aussi délicat qu'elles. Il portait une salopette rayée qui tombait maladroitement sur ses bottes, une chemise blanche mais tachée et une ceinture de cuir à laquelle étaient accrochés plusieurs outils. Les cheveux roux et la moustache en batailles. Les jeunes filles semblaient s'amuser de ses dires. Lewis s'approcha discrètement.
"Je ne sais pas si mes parents me laisseront y aller, dit une jeune fille en jouant dans ses cheveux.
-Moi je ne dirais rien aux miens, dit une autre en souriant. Tu devrais en faire autant sinon tu n'auras pas de place.
-Écoutez votre amie mademoiselle, tenta de la convaincre l'homme. Il n'a rien de mal à sortir un peu. Et puis vous serez en bonne compagnie.
-C'est vrai, nous serons là, ajouta une troisième fille. S'il te plait ce sera amusant.
-Je dois vous laissez, reprit l'homme. Mes occupations me rappellent, mais sachez que je vous attendrais ici ce soir. Mesdames."
Et sur ce, il quitta le groupe de jeunes filles qui s'éloignèrent également. En partant, il fit tomber une feuille de papier. Lewis la ramassa et l'observa rapidement. Il s'agissait d'un dessin d'enfant. Le papier avait jauni. Cela rappelait à Lewis qu'il n'avait plus sa sacoche. Il représentait trois personnes, trois enfants. Souriants. Une petite fille, un grand garçon et un autre, à peine plus petit garçon. Après l'avoir brièvement examiné, Lewis tenta de rattraper son propriétaire.
"Monsieur ! l'appela-t-il en se dirigeant vers lui."
L'interpelé se retourna et parut surpris de voir le jeune garçon avec son bien.
"Vous avez fait tomber ceci, poursuivit Lewis en lui tendant le dessin.
-Merci, lui répondit-il doucement comme s'il semblait ne pas comprendre. Je te remercie. Mais, dis, tu ne viens pas d'ici.
-Non.
-Ça se voit. En tout cas c'est très généreux de ta part. Je m'appelle William. Et toi ?
-Lewis, monsieur.
-Ne m'appelle pas monsieur s'il te plait. Alors, si tu n'est pas de ce village, d'où viens-tu ?
-C'est compliqué, je...
-N'en dis pas plus. Je ne tiens pas à avoir de détails. Et puis je dois y aller. Au revoir mon garçon."
Il s'éloigna, une mine satisfaite sur le visage où perçait tout de même de la contrariété. Lewis avait espéré un instant que cet homme aurait pu l'aider. Il le regarda s'éloigner. Le garçon songea qu'il devrait se débarbouiller un peu. Même sa salopette était tachée. Mais celles-ci étaient plus foncées. Comme la salopette était gris sombre cela ne se remarquai pas trop. Or, Lewis était sûr qu'il ne s'agissait pas de tâches de terre ou de suie. Les bottes étaient boueuses certes mais uniquement jusqu'aux chevilles. Un doute s'insinua dans les pensées du garçon. Il se décida à suivre William. Sa filature le conduisit en dehors du village, dans une forêt, jusqu'à une bâtisse en bois. Elle n'était pas grande, mais pas petite non plus. L'homme pris un seau près de l'entrée et passa la porte de la maison. Lewis sortit de sa cachette, hésitant. Il s'approcha prudemment de la porte d'entrée. Comme il n'entendait pas de bruit de l'autre côté, Lewis se risqua à entrer. Derrière cette porte, il y avait un long couloir sombre. Il n'y avait qu'une lampe à huile pour éclairer l'endroit et deux portes. L'une proche de l'entrée. L'autre au fond du couloir. Cette dernière l'intrigua. Il se rapprocha jusqu'à ce qu'elle ne soit bientôt plus qu'à quelques centimètres. Il entendit alors une voix de l'autre côté. C'était William. Lewis entrouvrit la porte de sorte à entendre ce qu'il disait.
"Je sais, je sais, dit-il doucement. Mais je t'apporterais quelque chose de mieux plus tard...s'il te plait. Je te le promets."
Pendant qu'il parlait, le jeune garçon portait également son attention sur les grognements qu'il entendait. Il y avait un animal dans cette pièce.
"Ne t'en fais pas, poursuivit William, patiente jusqu'à mon retour."
Le temps que Lewis réagisse, l'homme avait déjà ouvert la porte. En découvrant ce que contenait cette pièce, le garçon dû se retenir de hurler. Affalé sur un monticule de couvertures usées, entouré d'os et de crânes humains et animaux confondus sur un plancher tâché de de sang, un animal. Un morse. Une bête monstrueuse par sa taille. Grosse comme trois vaches avec des défenses gigantesques et les babines et les moustaches ensanglantées. Lewis était terrorisé par cette créature. William arborait un visage effaré, puis furieux.
"Qu'est-ce que tu fiches là, gamin ! hurla-t-il. Dégage, fiche le camp !"
La peur paralysait le garçon. Le morse prit conscience de sa présence et chercha à se dégager de son nid pour rejoindre la porte. William réagit immédiatement.
"Non ! Ne t'approche pas ! Il n'est pas pour toi ! Recule !"
L'animal n'était pas prêt d'obéir et semblait sur le point de charger.
"Fiche le camp gamin ! cria-t-il en poussant Lewis dans le couloir."
Comme un rappel à la réalité, le jeune garçon se mit à courir vers la sortie. Tandis qu'il s'enfuyait, Lewis entendait William tenter de calmer la bête. Dehors, il ne songea même pas à refermer la porte par laquelle il était entré plus tôt en venant. Il courut jusqu'à ce qu'il tombe essoufflé et tremblant au pied d'un arbre. Il entendit le bruit d'une course et sentit une main sur son épaule. Lewis se retourna en sursaut et fut prêt à hurler en reconnaissant William. Mais l'homme posa sa main sur la bouche du garçon. En un rien de temps, il attacha les mains de Lewis derrière son dos.
"Toi, t'en as trop vu."