CHAPITRE IV

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Lewis ouvrit une paupière après l'autre. Les images de sa chute défilaient dans sa tête. Au fur et à mesure qu'il tombait, la lune et sa lumière s'éloignaient. La peur lui arrachait des cris horrifiés. Les objets les plus improbables étaient coincés entre les racines des arbres : lampes, chaise, violon, couffin, pendule... Puis il avait percuté le sol et s'était évanoui. Ayant reprit ses esprits, le garçon tenta de comprendre ce qu'il s'était passé.

"Mais où ai-je atterri ? Se demanda-t-il à haute voix."

Il était dans une salle ronde et bordeaux où il n'y avait aucune ouverture. Aucune à l'exception d'une porte. Petite certes mais assez grande pour qu'il y passe à quatre pattes. Il tourna la poignée mais la porte était verrouillée. Il se rendit alors compte qu'il tenait toujours son calepin. À choisir, peut-être aurait-il dû le laisser au lapin. D'ailleurs où était-il passé celui-là ? Peu importait, Lewis ne voulait pas rester coincé ici. Il chercha alors une clef ou un objet qui y ressemblerait. Il n'y avait rien, la salle était vide. Il retourna près de la porte et essaya de l'enfoncer. Rien à faire. Même en prenant son élan il n'y arrivait pas. Il reprit alors son cahier et se releva. Puis le bruit d'un choc entre sol et verre résonna dans l'immense salle dépourvue de meuble. Une clef de rubis à l'embout en forme de cœur avait glissée d'entre les feuilles de son calepin et était tombée. Lewis se pencha et la ramassa. Son rouge était profond et n'aurait laisser filtrer aucune lumière s'il y en avait eu. Il se dirigea vers la porte et glissa la clef dans la serrure. La porte s'entrouvrit, laissant s'échapper un filet de lumière. D'une main, il l'ouvrit complètement. D'abord éblouit, il se cacha les yeux avec son bras, puis s'habitua à la clarté. Enfin il passa la porte et contempla le paysage qui s'offrait à lui.

"Mais où ai-je atterri, répéta-t-il cette fois le souffle coupé."

La porte l'avait conduit au centre d'une clairière peu ordinaire. L'herbe qui recouvrait le sol était bleu-vert. Les fleurs, dont les pétales étaient de multiples couleurs et tout autant de formes, attiraient des insectes étranges, sorte de papillons dont les ailes étaient similaires à de la brioche ou quelques abeilles vertes aux rayures rouges. L'une d'elle passa devant Lewis, s'arrêta lui tourna autour puis s'en alla, le tout sous le regard ahuri du garçon. La porte claqua derrière lui ce qui le fit sursauter. Il commença à marcher, tout en s'extasiant sur chaque élément. Tout était démesurément démentiel. Les champignons pouvaient être plus petit que le plus petit des rongeurs ou plus grand que le plus imposant des éléphants. Certains étaient tachetés, d'autres rayés, parfois même avec des formes d'animaux. Lewis s'arrêta brusquement au moment où une biche avec des cornes de taureau et une queue de lion passa à vive allure juste sous son nez. Il soupira et reprit la marche. Le son d'un grelot lui parvint. Le lapin blanc de tout à l'heure jaillit des fourrés. Il sembla l'attendre un instant, puis se précipita dans la direction opposée. Lewis se lança à sa poursuite.

"Décidément, ce lapin m'aura fait courir, pensa-t-il."

Le lapin le guida à travers la forêt, s'arrêtant parfois pour laisser le temps au jeune anglais de reprendre son souffle. Enfin, ils arrivèrent devant un immense château. Deux tours dont les pointes se terminaient par des cœurs renversés. Une façade blanche d'où se détachait une gigantesque baie vitrée encadrée de rouge. Le pont levis, rouge lui aussi, était décoré de cœurs blancs et de cœurs noirs. Le lapin s'arrêta juste devant, suivi de Lewis. Deux gardes en armure rouge luisante barraient le passage. Le chiffre 9 était inscrit en noir sur leur buste. Sitôt qu'ils les virent arriver, ils écartèrent leurs lances et l'un d'eux lança en direction du château :

"Pour la Reine !"

Le pont s'abaissa et plus il se rapprochait du sol, plus Lewis était anxieux. S'il allait voir la reine, peut-être pourrait-elle lui dire où il se trouvait. Et même l'aider à rentrer chez lui. Car à présent, il le regrettait, son "chez-lui". Le jeune garçon eut des remords. Jamais il n'aurait dû s'enfuir. Il aurait au moins pu tenter de convaincre ses parents. En vain, ça aussi il le savait bien. Perdu dans ses pensées, il ne se souciait même pas des tableaux et tapisseries qui ornaient les murs. Du carrelage, là encore, rouge et blanc. Il ne réagit que lorsque que le lapin se glissa dans une petite ouverture dans un mur près de l'immense porte rouge et or. Lewis était maintenant seul. Il s'approcha de l'imposante porte. Hésitant, il poussa l'un des battants. Entrant, il vit que toute la pièce était couverte de tapisserie rouge. C'aurait pu être oppressant, s'il n'y avait pas eu l'immense baie de verre pour illuminer l'endroit. Il passa la tête et vit une femme assise sur un trône dorée dont le dossier devait bien faire le triple de la taille de son occupante.

LewisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant