CHAPITRE XIX

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La pièce, lumineuse, dévoila toute son horreur. Elles étaient alignées derrière des vitrines de verres. Chacune se trouvant dans un compartiment. Flottant dans un liquide que Lewis ne sut identifier. Des têtes tranchées. Des têtes d'enfants. Lewis était paralysé tant ce qu'il voyait le choquait. Des noms étaient inscrits sur des plaques en dessous des vitrines. Lewis marcha, sans pouvoir détourner le regard. Il remarqua que plusieurs emplacements étaient vides. Cependant, les plaques en dessous ne portait aucun noms. Il en aperçut un, vide, mais qui affichait un nom. Il s'élança vers celui-ci et lût : "Alice Liddell". Cet emplacement était destiné à Alice. L'emplacement qui suivait arborait aussi un nom. Son nom : "Lewis Caroll". Cet endroit était réservé à sa tête. Le garçon recula dans un sursaut de dégoût. Le simple fait d'y penser le faisait frémir. Il s'aperçut alors qu'il y avait un autre emplacement vide parmi les autres. Il s'en approcha, plus hésitant cette fois.
"James Griffin". Était-ce bien ce à quoi il pensait ? Dans le compartiment à la gauche se trouvait la tête d'une fille. Elle semblait avoir dix ans. Ses cheveux bruns flottaient autour de son visage. Sur la plaque se trouvant en-dessous était inscrit "Victoria Griffin". Oui, c'était ça. L'emplacement vide était destiné au Chapelier. Et cette "elle"...celle qui se trouvait face à lui...c'était sa sœur. C'était elle qui s'était sacrifiée pour lui. Lewis était à la fois ému et choqué. Mais son objectif primaire lui revint. Au fond de la pièce se trouvait un piédestal. Là se trouvait un coffre. Il n'était pas verrouillé. Quand il l'ouvrit, il vit la clé. La petite clé de rubis qu'il avait utilisé en arrivant ici. Il la prit et la rangea dans une de ses poches. Il se dépêcha de ressortir. Le Chapelier n'était plus là. Lewis regarda autour de lui et vit un garde se diriger vers lui. Le garçon tenta de s'enfuir mais se fit rapidement rattraper. Le garde l'emmena dans la salle du trône. Il y retrouva le Chapelier qui était entravé par les lames des lances croisées sous sa gorge. La pointe des armes étant en forme de cœur, symbole que l'on retrouvait sur les uniformes des gardes. Lewis fut jeté au sol. Face à eux se tenait la reine. Grande, imposante et jubilante.
"Eh bien, en voilà au moins un qui ne s'échappera cette fois-ci."
Elle s'approcha du garçon et plongea son regard dans le sien.
"Ils ne sont pas parfaits...mais je m'en contenterais."
Elle tourna ensuite la tête vers le guide de Lewis.
"Et qui est ton ami ? poursuivit-elle en se dirigeant vers l'intéressé. Je ne crois pas le connaître. Mais je me demande si ce n'est pas lui qui est responsable de la disparition de la fillette qui t'a précédée."
Le Chapelier restait silencieux, gardant la tête baissée.
"Allons monsieur, pourquoi ne me regardez-vous pas ? Je ne suis pourtant pas désagréable à regarder."
Le Chapelier redressa la tête. La regardant droit dans les yeux. Ses cheveux s'ébouriffèrent.
"Vous êtes...répugnante !"
Le visage de la reine s'empourpra.
"Comment osez-vous ! Je..."
Elle s'arrêta prenant le temps d'observer son interlocuteur.
"Ces yeux...un bleu pareil...je n'en ai vu que..."
Elle se mit à trembler tant elle était nerveuse. Mais elle ne redevint pas moins rouge.
"Mais toi...je te connais..."
Son visage ne pouvait plus rougir d'avantage.
"C'est toi...c'est toi !"
Elle agrippa le Chapelier par le col.
"Comment as-tu réussi à m'échapper ? Tu n'as pas pu survivre ! Tu devrais...être mort !"
Elle se recula. Un sourire narquois se dessina sur son visage.
"Coupez-lui la tête."
L'un des gardes sortit son épée et la leva.
"Non pas maintenant, objecta calmement le Chapelier."
Au moment où la lame s'abaissa le Chapelier fit une roulade vers l'arrière.
"C'est l'heure du thé, votre Altesse.
-Je ne crois pas, répondit-elle en détachant chaque mot.
-C'est toujours l'heure du thé quand je vais mourir."
Le deuxième garde voulut le transpercer avec sa lance mais le destinataire sauta et la coinça sous ses pieds. Lewis profita de l'inattention du soldat qui avait relâché son emprise pour se dégager. Il fut tiré en arrière par le Chapelier. Tout en reculant, l'homme tira le mouchoir de sa poche et prit les fleurs noires. Les gardes pointaient leurs armes vers eux tout en avançant d'une marche rapide.
"Lewis, avale ça, vite.
-Mais pourquoi ?
-Elle a besoin de tes yeux. La magie dans ce pays se promène librement. Celle présente dans ton monde est plus facile à récupérer parce qu'elle est contenue. Celle que tu contiens, lorsque tu mourras ira dans tes yeux. Elle veut tes yeux pour obtenir ta jeunesse."
Lewis avait obtenu la réponse qu'il attendait tant. Seulement, ce n'était pas celle qu'il attendait dans l'immédiat. Le Chapelier avait répondu. Mais le garçon ignorait pourquoi maintenant. Sur ses ordres, il avala les fleurs qu'il lui présentait. Il frissonna. Quelque chose changea en lui. Les gardes se firent plus hésitants. La reine prit une expression effarée.
"Non...non...non !"
Elle poussa un long cri suraigu en frappant le sol du pied, telle une enfant capricieuse qui s'était vue refuser l'objet de son désir.
"Qu'on lui coupe la tête !"
Le Chapelier et Lewis quittèrent la pièce en courant. Les gardes était à leur trousse.
"Tu ne m'échapperas pas cette fois ! Tu finiras comme elle !"
Les deux garçons parcouraient les couloirs, le plus âgé guidant le plus jeune. Ils empruntèrent une porte qui déboucha sur le jardin. Une grande haie se dressait devant eux. Cette dernière ne présenta qu'une seule ouverture.
"Le labyrinthe, souffla le Chapelier. Reste près de moi petit. Ne te retourne pas. Ne t'arrête pas."
Ils s'élancèrent vers l'ouverture. Lewis entendait les bruits de pas de leurs poursuivants. Le Chapelier le menait dans le dédale sans hésitation. Le chemin à suivre lui revenait en mémoire au fur et à mesure qu'ils progressaient. Ils arrivèrent sur une grande allée.
"Quand je te le dirais, plaque-toi à droite, puis à gauche, puis arrête-toi."
L'allée menait sur une impasse.
"Il faudrait être fou pour foncer là-dedans, fit Lewis entre deux inspiration.
-Et alors ?
-J'ai juste du mal à croire que je vais le faire.
-Maintenant !"
Ils se mirent à droite et passèrent au travers de la barrière de feuille. Une seconde se présenta. Ils passèrent à gauche et la traversèrent comme la précédente.
"Stop !"
Ils s'arrêtèrent net, juste avant d'être transpercés par les épines dressées devant eux.
"C'est bon, maintenant il faut longer le mur."
Ce qu'ils firent, car les longues aiguilles effilées se dressaient tout le long de l'allée.
"Fais attention. Si tu en touche une, toutes les autres vont nous passer au travers.
-D'accord."
Ils durent longer l'allée jusqu'à la sortie. Cela prit un certain temps, mais ils furent soulagés de pouvoir enfin quitter ce labyrinthe. Ils prirent l'initiative de s'éloigner rapidement du château.
"C'est étrange, dit le Chapelier. Ce labyrinthe était plus dangereux dans mes souvenirs.
-Ce n'est pas grave, je suis bien content d'en être sorti.
-C'est vrai, c'est le plus important. Je suis désolé pour..."
Le Chapelier le regarda étrangement. Décidément, quelque chose avait changé chez lui.
"Vous êtes désolé pour quoi ?"
Le Chapelier hésita un instant.
"Non rien."

LewisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant