CHAPITRE II

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Six ans après, Lewis est devenu un jeune garçon de treize ans. Alice ayant été emmenée, il était devenu un enfant solitaire. Son père a bien essayé de l'emmener à la chasse avec des amis et leurs fils, mais Lewis n'aimait pas la compagnie des autres garçons de son âge. Alors sa mère lui a présenté ses cousines et les filles de ses amies. Mais cette fois, Lewis trouvait que les filles étaient trop envahissantes à jouer dans ses cheveux mi-longs bruns foncés, à se pencher sur lui pour s'assurer que ses yeux étaient bien noisettes et à regarder ses livres et ses dessins sans les remettre à leur place. Alice n'était pas comme ça. Il se rappelait qu'elle lui demandait toujours pour prendre quelque chose dans sa chambre ne serait-ce qu'un coussin. Elle a été la seule enfant avec qui il aimait passer du temps. Mais depuis qu'elle a été internée -ce qui est d'ailleurs exceptionnel pour une enfant de sept ans- il ne cesse de se rappeler ce qu'elle lui avait raconté. Après tout il est normal pour un enfant d'inventer des histoires ou de penser voir des choses. Mais dans ce cas-là, la fillette s'était accrochée fermement au fait que ce qu'elle disait est vrai. Tant et si bien qu'elle en était devenu violente. Ne supportant même plus qu'on la touche, elle hurlait qu'elle avait raison. Ses parents ont d'abord fait venir des médecins pour la sortir de sa folie, mais rien n'y faisait. De plus, elle imaginait des explications trop détaillées et terrifiantes pour qu'il puisse seulement s'agir d'une invention de son esprit. Finalement, comme elle défendait farouchement sa théorie, on a dû la séparer de ses parents. Et jusqu'à présent, elle n'est jamais revenue. Depuis son départ, Lewis s'est réfugié dans la lecture qui permettait à son esprit de quitter son monde et le dessin par lequel il donnait une forme à ses pensées. Enfin, il préférait la solitude à la compagnie. Ce matin, il avait choisi un petit moineau comme sujet. Le volatile picorait les graines qu'il avait déposé sur le rebord de la fenêtre pour l'attirer. La porte de sa chambre s'ouvrit, l'oiseau s'envola et sa mère entra.

"Lewis débuta celle-ci. Puis-je te parler un moment.

-Oui mère, répondit-il agacé de voir son œuvre inachevée."

La mère fit signe à son fils de s'asseoir sur le lit. Il s'exécuta et elle s'assit à son tour.

"Ton père et moi nous sommes rendus compte qu'il devenait nécessaire que tu te fasses des amis et...

-Je me sens très bien seul, la coupa son fils.

-Quoi que tu puisses en dire, un jour viendra où tu auras besoin de connaissances pour t'en sortir dans les affaires.

-Et si je ne veux pas être dans les affaires.

-Lewis soit raisonnable, tu ne crois quand même pas que tes petits croquis te feront vivre. Il faudra bien que tu reprennes le flambeau après ton père ou que tu t'associes à un de tes cousins. Bon je disais, il faut que tu fréquentes des enfants de ton âge et c'est pourquoi nous avons pensé à t'envoyer en pension."

Lewis fixa sa mère d'un regard qui ne laissait rien paraître.

"Je sais ce que tu te dis, reprit sa mère. Mais ça n'est pas si terrible, tu t'y feras très vite et tu reviendras à la maison pour les fêtes."

Il continua de la fixer sans répondre.

"Bon, je te laisse au moins le soin d'y réfléchir, dit-elle mal à l'aise face au silence de son fils."

Elle se leva, arrangea sa robe et se dirigea vers la porte. Juste avant de la refermer, elle se tourna vers le jeune garçon.

"Je ne fais pas ça pour te rendre malheureux. Je fais ça pour ton bien."

Puis elle sortit. Lewis n'en voulait pas à sa mère. Il savait déjà qu'elle n'avait pas de mauvaises intentions. Il savait qu'il déstabiliserait sa mère en restant silencieux. Ainsi, il ne donnait à sa mère aucune raison de s'inquiéter, ni aucune raison de se rassurer. S'il avait dit à sa mère qu'il était d'accord elle se serait méfier et s'il avait signalé son mécontentement elle aurait pris ses précautions. Mais Lewis s'était décidé. Il n'irait pas en pension.

LewisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant