Chapitre 90 : L E T T E R

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Alix traversa les couloirs en reniflant. Il ne cherchait même plus à se cacher aux toilettes pour pleurer. C'était inutile. Il y passerait toute la journée de toute façon s'il s'écoutait. Dans un silence morne, il rejoignit ses amis à la cantine. Il resta un moment à fixer son assiette, poussant simplement ses légumes du bout de la fourchette. Par intermittence, chacun se jetait des regards un peu perdus. Aucun d'entre eux ne savait quoi dire, toutes les discussions semblaient dérisoires, personne ne savait par où commencer, et le silence devenait simplement gênant.

« Tu manges pas ? » S'enquit Élias.

« Pas trop faim. »

« Tu devrais quand même manger un peu. »

« Ouais. »

Sa voix tremblait et il avait les larmes aux yeux. Prune prit sa main dans la sienne, en un geste de réconfort. C'était tout ce qu'elle pouvait faire. Alix lui lâcha un petit sourire pas tellement assuré, ni très vrai d'ailleurs. Lior joignit sa main à celles d'Alix et de Prune. Et c'était peut-être pas grand-chose, mais Alix se savait chanceux d'être si bien entouré. De son autre main, Alix saisit celle d'Elias, parce qu'il ne voulait pas qu'il se sente seul lui non plus. Surtout en ce moment, alors qu'il avait tout juste entreprit les démarches contre son père. Alix se rendit compte qu'il ne l'avait même pas encore convenablement félicité pour cela. Il savait que malgré les événements, il se devait d'être là pour le blond, parce que ce qu'il traversait était une épreuve, une de celle qui influerait sur tout le reste de sa vie. Il avait promis qu'il serait là pour lui, pour l'épauler, et il comptait bien s'y tenir.

Après le repas, Élias n'en menait pas large. Le principal du lycée lui avait demandé de lire une lettre, la dernière lettre d'Andrea, qui leur était à tous adressée. Et il était loin d'être sûr d'en avoir la force. Pourtant il n'avait pas pu refuser. Il lui devait bien ça, à Andrea. Mais il avait déjà eut tant de mal à aller au bout de celle qui lui était adressée. Il ferma les yeux, les derniers mots qu'Andrea avait eut pour lui tournant en boucle dans son esprit. La lettre n'était pas bien longue, pourtant elle l'avait retourné tout entier.

Si tu veux tout savoir, Élias, je ne t'en veux pas. Je sais d'ailleurs que tu as été autant, voire plus touché que moi par toute cette histoire. Après tout c'est vrai, ce n'est pas moi dont la photo embrassant un autre garçon à circulé pendant plusieurs semaines au lycée. Je n'ai d'ailleurs, extérieurement aucun rapport avec tout cela... Mais le fait est que je suis amoureux. Et comme tous les garçons amoureux, je suis un peu con parfois. C'est pour cela que j'ai arrêté de vous parler, à toi et Alix, parce que je ne digérais pas ce qu'il se passait. Mais maintenant c'est bon, maintenant ça va.

Tu es quelqu'un de bien Élias, le premier à m'avoir tendu la main avec ton magnifique sourire. Et tu es peut être le cliché du mec parfait, mais tu es aussi bien plus que cela. Tu es drôle, attentionné, courageux. Et si tu veux mon avis, je préfère de loin le Élias naturel à celui qui se masque sous des couches de convenances. Tu n'as besoin que d'être toi-même, pas d'être parfait. De toute façon tu l'es déjà sans rien faire alors cesse de te forcer. Et surtout, libères-toi de tes démons, tu es génial, reste-le, quoi qu'en dise ton père. S'il n'est capable que de voir au travers de ton bulletin scolaire alors laisse-le, contentes-toi d'être heureux pour toi. Je sais ce que c'est d'avoir des parents qui tentent de diriger ta vie, les miens cherchent à le faire, même depuis un autre continent. Mais si tu ne veux pas que cela te bouffe toute ta vie, alors choisi de ne pas avoir de problème avec cela et prend le large, sans faire de vagues, c'est ce que j'aurais tellement aimé réussir à faire.

Il avait raison. Tellement raison. Andrea avait cette faculté inouïe à comprendre les gens. Il aurait dû le détester, lui envoyer une lettre pleine de ressentiments, de reproches, mais à la place il lui avait envoyé des mots doux et réconfortants. C'était peut-être ce qu'il y avait de plus douloureux. Cette culpabilité qui le rongeait. Au final, si Andrea ne lui en voulait pas, c'était peut-être parce que toute la haine, toute la colère qu'il aurait dû avoir contre Élias, il se les était répercuté sur lui même, parce qu'il ne supportait pas d'être en froid avec qui que ce soit. Et c'était ce qui l'avait détruit.

Les Derniers Pétales Des FleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant