Le matin arriva bien trop tôt, et Élias s'éveilla, entouré des bras d'Alix. Il n'avait pas l'habitude d'être la petite cuillère. Ni de dormir avec quelqu'un d,'ailleurs, mais contre toute attente, c'était loin d'être déplaisant. Comme dans un petit cocon protecteur qu'il voulait ne jamais avoir à quitter. Le bleu, endormi dans son dos, avait de lourdes cernes sous chaque paupière, et Élias s'en sentit coupable. Il n'aurait jamais dû l'appeler le soir dernier, mais il s'était retrouvé seul et le cœur douloureusement plein et Alix lui était apparut comme seule échappatoire.
Tout en douceur, il quitta l'étreinte du bleu, et renfila sa chemise, puis un gilet à Alix, et enfin il sortit de la chambre, refermant la porte sans un bruit. Il partit comme un voleur. Il avait peur de se retrouver face à Alix. Il ignorait la façon dont il pourrait bien réagir quand il se retrouverait en face de lui. Au détour du couloir, il croisa Léo qui lui lança un regard un peu étrange mais ne dit rien, puis il sortit définitivement de la petite maison bleue.
L'air frais matinal lui fit le plus grand bien, et il se décida à repasser chez lui, pour récupérer ses affaires de cours. Il aurait préféré se rendre directement au lycée, mais il ne pouvait y aller les bras ballants, et de toute façon, il n'avait cours que dans une heure et quart.
Il ne prit pas le bus, remontant jusque chez lui à pieds. Au moins, ainsi il pourrait retarder l'heure de l'affrontement avec son paternel. Pas après pas, il repensa à la soirée qu'il avait passé. Comment tout avait basculé au point qu'il se retrouve complètement mis à nu dans la chambre d'Alix, lui exposant ses plus lourdes fêlures. Il rentrait tout juste d'une après midi avec Nuccya. Elle avait tenu à ce qu'il l'accompagne à l'élevage équin de ses parents, c'était sur un immense domaine où plusieurs autres grandes familles avaient leurs chevaux, Élias ne savait même pas qu'il existait un si grand endroit boisé et herboré si proche de la ville. Elle lui avait fait rencontrer un certain A-C de Ponchâtel, leur champion local selon ses dires. Élias n'était pas le moins du monde habitué à ce milieu, il ne connaissait rien au chevaux, mais il avait trouvé en ces imposantes et majestueuses créatures quelque chose de profondément apaisant. Il avait passé une très bonne après-midi, tant et si bien qu'il n'avait pas vu le temps passer, oubliant complètement le dîner que son père avait prévu, pour le présenter à un de ses amis, haut fonctionnaire dans l'armée, il ne savait plus très bien quel était son grade, pour tout dire, cela l'importait peu, Élias détestait les armes et avait en horreur la violence, alors l'armée représentait tout ce qu'il exécrait, son père militaire de carrière, réformé à cause d'une blessure à l'épaule entrant en tête de liste. A son retour chez lui, son paternel était seul, son ami parti, et a son regard dur, débordant de rage et de déception, Élias avait comprit quelle avait été son erreur. Le premier coup était partit sans même qu'il ne le voit venir, un poing dans l'abdomen qui l'avait fait se plier en deux, presque vomir. Puis un deuxième l'avait suivit, dans l'épaule, et si Élias avait d'abord juste voulu attendre que l'orage passe, sans rien dire, sans rien faire, son père ne l'entendait pas de cette oreille, puisque tout en continuant à faire pleuvoir ses coups, il avait commencé par le sermonner, puis avait exigé des explications.
Réfléchissant du mieux qu'il pouvait malgré la douleur, Élias avait fini, une fois de plus par se servir de sa relation avec Nuccya comme d'un bouclier, vantant le fait qu'elle lui avait fait visiter une propriété familiale -ce qui n'était pas entièrement vrai, car le domaine n'appartenait pas réellement à sa famille, mais à la lignée De Ponchâtel de laquelle elle était assez proche néanmoins- et rencontrer des personnes influentes, là encore il s'agissait d'un demi mensonge, parce que ce n'était pas tellement des personnes influentes dans les domaines qui intéressait son paternel. Toutefois, cela sembla le calmer, du moins un petit peu, puisqu'après un dernier coup, il délaissa Élias, sans rien dire, sur le sol en bois laqué du salon. Il monta les premières marches de l'escalier, et, sans se retourner, ni même s'arrêter, il ajouta :
« Tu nettoieras toutes les saletés que tu as faites. »
Il devait sûrement parler des quelques goutes de sang qui le blond avait craché au sol après un énième coup en plein ventre. Jamais encore son paternel ne s'était montré si violent.
La respiration laborieuse, les larmes aux yeux, Élias avait ramené ses jambes contre lui, avec un glapissement d'animal blessé mais il avait refuser de pleurer, parce que ça ne ferait qu'augmenter la fureur de son père. Au bout de quelques minutes, il s'était relevé, avait essuyé le sol de la manche de sa chemise et avait fuit. Sans réfléchir, il s'était rué hors de cette maison maudite et avait erré dans les rues, ne se laissant aller aux larmes et au chagrin qu'une fois loin de chez lui. Sans qu'il ne s'en rende compte, il avait atterrit devant chez Alix, une fois de plus. Ses pas le portaient bien trop souvent devant cette maison bleue quand il n'y faisait pas attention. Il avait traversé le petit jardin, s'était apprêté à sonner, mais au dernier moment, s'était ravisé. La dernière fois qu'il était venu un soir à l'improviste, Alix n'avait pas été là. C'était à partir de ce moment qu'ils avaient commencé à s'éloigner. Et c'était entièrement de sa faute, Élias le savait. Alix l'avait appelé plusieurs fois, lui proposant de se voir avec ses amis, et Élias n'avait eut de cesse de le repousser, parce qu'il crevait de peur à l'idée que son père puisse s'en prendre à ce garçon qui, sans un bruit avait réussi à conquérir son cœur.
Puis Alix avait finit par le rejoindre, après trois appels dans le vide, et il avait découvert. L'image de ses prunelles bleues profondément choquées hantait l'esprit du blondinet qui ne pouvait s'empêcher de repasser la scène dans son esprit, il aurait pu tout faire, n'importe quoi pour l'empêcher de découvrir, mais il s'était contenté de rester impassible et de laisser Alix le déshabiller avec la crainte certaine de ce qu'il allait indubitablement savoir.
Élias rouvrit les yeux, qu'il ne s'était pas rendu compte avoir fermé, et devant lui se dressait son imposante demeure. La noirceur de ce qui se passait entre ses murs donnait à la bâtisse un air redoutable, oppressant, presque meurtrier. Il en frissonna avant de tourner le bouton de la porte. Il découvrit avec surprise que celle-ci était déverrouillée, et sur la pointe des pieds il s'engouffra dans le hall, puis monta dans sa chambre en quatrième vitesse, il attrapa son sac à dos d'une main, sans même vérifier son contenu, et il repartit en courant, ignorant la douleur aiguë toujours présente à son épaule et son ventre.
La confrontation avec son père avait encore été repoussée, et ce n'était pas plus mal. Il se rendit au lycée presque l'esprit léger. Il l'aurait totalement été si Alix n'avait pas été détenteur de son secret. À lui aussi, il devrait tôt ou tard faire face.
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[EDIT (22/10/21) : Version révisée]

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Les Derniers Pétales Des Fleurs
Novela JuvenilAlix sourit. Toujours. Alix est heureux. Toujours. Parce qu'Alix il s'en fout, toujours aussi, de tout. Il a les cheveux bleus, il rigole trop fort et finit toujours dans les bras d'inconnus les lendemains de soirée. Alors oui, il n'est pas comme t...