Chapitre 7 - regrets

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Midorime avait couru.
Chuuya l'avait vue depuis la baie vitrée de son appartement. Une vitre d'apparence fine et fragile, qui était pourtant blindée en cas d'attaque. Après tout, Chuuya était un capitaine de la Mafia. Ses ennemis étaient nombreux, et même si son adresse n'était pas une information facile à avoir, des petits chanceux trouvaient toujours la solution. Enfin, déjà fallait-il avoir le courage de se rendre sur le territoire de la Mafia.
Mais en y pesant, le rouquin se rendit compte que Midorime avait toutes ces clés en main. Et il était prêt à parier son titre qu'elle savait crocheter une serrure.
"Peut-être que je devrais faire renforcer la mienne", pensa-t-il sur le coup.

Mais cette idée passa au second plan. Il avait d'autres chats à fouetter aujourd'hui.
S'il avait déclaré à l'informatrice qu'il n'avait pas de travail ce matin, il devait tout de même se rendre à son bureau. La paperasse n'attend pas, elle.
Le jeune exécutif avait autrefois géré le trafic de pierres précieuses à lui seul, et ce, avec brio. Il était plus connu pour son talent sur le champ de bataille, mais comme quoi il savait s'occuper du côté administratif de certains réseaux.

Aussi, il ôta son tablier, et rangea les œufs brouillés tous frais au frigo. Il n'avait plus aucun appétit. Si Midorime était restée, il aurait volontiers partagé un petit-déjeuner avec elle... mais cette dernière avait préféré partir, abandonnant le jeune homme. Le roux avait l'impression d'avoir été lâché comme une vieille chaussette. Le regard de la blonde lui avait bien fait comprendre qu'elle n'avait aucune envie d'être avec lui, et qu'elle avait des tâches bien plus importantes à traiter.
Pas un merci pour l'invitation. Pas un merci pour l'avoir ramenée chez lui. Pour s'être occupé d'elle.

C'était sur ces pensées négatives que Chuuya enfila ses chaussures et sortit de sa demeure.
Réticent à l'idée de voir du monde, il passa par les sous-sols de la ville pour se rendre au QG. Les fameux passages secrets que la Mafia Portuaire occupait.
Il rencontra évidemment des gardes, mais personne ne l'interpella. Tous baissèrent la tête en le voyant. Quelle idée aurait un subordonné d'interrompre son supérieur, aussi ?
Enfin, la mine déconfite du cadre devait y être pour quelque chose...

Une fois arrivé à destination, le rouquin prit l'ascenseur pour monter au bon étage. Déjà, plus de monde le saluait, dont il répondait par un vague signe de la main en poussant un soupir las. Ce fut lorsqu'il arriva devant la porte de son bureau qu'il fut intercepté par Akutagawa, qui semblait l'attendre depuis un moment déjà.

- Nakahara-san ! Commença-t-il en se courbant légèrement, signe de respect. Je devais vous transmettre de nouvelles informations vis-à-vis de Shitokutsuu. Kôyô-san n'a rien obtenu de son interrogatoire avec le prisonnier.

- Mais, il n'est pas mort, si ?

- ... Ses hommes faisaient attention à ne pas le tuer. Mais il est mort lorsqu'on l'a déplacé.

- Déplacé ? Mais pourquoi Kôyô ferait déplacer un prisonnier ? Elle ne quitte jamais les cachots du quartier général !

- Justement. L'ordre de transfert ne vient pas d'elle. Le boss a ordonné de trouver le coupable d'ici la fin de la journée.

- Génial...

- Ah, et... il vous a demandé. Dans son bureau, maintenant.

Et mieux valait ne pas le faire attendre plus longtemps.
Dans un énième soupir, Chuuya tourna les talons sans prendre la peine de remercier Akutagawa.
Lui qui pensait passer une journée plutôt calme... C'était raté.
Les mauvaises nouvelles semblaient tomber une à une comme un début d'averse.

Le roux ne mit pas longtemps à se rendre au dernier étage de la tour principale. Déclinant son nom et son titre aux deux hommes qui gardaient la porte, comme d'habitude, il poussa les battants et pénétra dans l'immense bureau tamisé.
La porte se referma derrière lui calmement.
S'avançant de quelques pas, il fixait son seul et unique supérieur, assis dans un luxueux fauteuil à admirer la vue d'un air joueur.
Chuuya retira son chapeau, le portant sur sa poitrine. Dans un silence quasi parfait, il mit un genou au sol, et baissa la tête.
Un simple signe de respect... mais un oubli pouvait être facilement synonyme de mort. Alors, même s'il était capitaine, le rouquin aussi devait saluer le Parrain.

- Chuuya. Prononça ce dernier sans même lui lancer un regard. J'aurais préféré te voir ici plus tôt. Je me demande ce qui a bien pu te retenir.

Il n'avait pas posé de question. L'interpellé hésita donc à répondre. En soi, Mori ne le lui avait pas demandé. Mais s'il restait silencieux à entendre les mouches voler, ce n'était pas mieux non plus.
Toutefois, le quadragénaire ne laissa pas le temps à son subordonné de répondre.

- Peut-être est-ce l'œuvre d'une jeune femme. J'ai cru comprendre que tu n'étais pas seul chez toi, hier soir.

Chuuya releva la tête en sursaut. Il ne s'attendait pas à ce que son boss soit au courant. Higuchi avait-elle tout raconté ?

- Je... il ne s'est rien passé, hier soir.

Évidemment, le roux parlait des éventuels événements qui auraient pu influencer sa relation avec Midorime. Rien de plus. Mais sachant que Mori n'était sûrement pas au courant de ces derniers détails, il pouvait penser que son exécutif venait de lui mentir.

- Rien d'intéressant, tu es sûr ? Questionna le brun en se levant de son fauteuil.

- ... J'ai invité Mino dans un bar, c'est tout. Vous m'aviez demandé de me rapprocher d'elle, c'est ce que je fais. Elle a... fini ivre, et je l'ai ramenée chez moi. Rien de plus.

- Justement. Midorime est une sans-abri. Elle n'a pas de lieu où déposer ses affaires en sécurité. Ses dossiers doivent donc être en permanence sur elle, non ? Tu n'as pas pensé à vérifier ?

Chuuya se retint de se mordre la lèvre. Montrer un signe d'anxiété n'était vraiment pas la chose à faire. Surtout que le regard perçant de son boss lui donnait déjà des frissons.

- Elle est partie précipitamment ce matin, non ? Avait-elle un rendez-vous ? Une transaction, peut-être. Tu n'as même pas cherché à savoir avec qui ?

Le jeune homme baissa toujours plus le regard.

- ... Avec... le Département...

Un long silence.

- Chuuya. Relève-toi.

L'interpellé s'exécuta.
Mais il n'osa toujours pas croiser le regard grenat du Parrain.

- Cela fait plus d'un mois que je t'ai donné cette mission. Tu n'es encore arrivé à rien de ce que je constate. Tu n'en sais pas plus que moi sur Midorime. Mais en plus, tu l'as laissé partir pour donner des informations à l'ennemi. Tu as raté une occasion en or de l'arrêter. Tu aurais pu profiter de son ivresse pour lui demander la nature de son pouvoir. Mais tu n'as rien fait.

- Je...

- Peut-être pensais-tu que ça serait trop lâche de ta part ? Dois-je te rappeler dans quelle organisation tu travailles ? Que tous les moyens sont bons pour arriver à nos fins ? La lâcheté n'est qu'une solution.

Le rouquin ne sut quoi répondre.
Il s'attendait aux pires châtiments, à être démis de ses fonctions de capitaine, voire à être tué. La Mafia était un monde sans pitié. Son titre actuel lui apportait de l'assurance, mais il n'avait aucune autorité sur son seul et unique supérieur.
Mais étrangement, Mori n'en fit rien.

- Par ailleurs... "Mino" ? Prononça ce dernier, un fin sourire aux lèvres.

- Hum. C'est... c'est un surnom. Mais ça n'a rien d'affectif ! C'est... une longue histoire.

- Que je serais ravi d'écouter. Mais je n'en ai pas le temps maintenant. Akutagawa t'as mis au courant pour le prisonnier ?

- ... Oui, Mori-san.

- Bien. Je souhaite que tu te rendes dans un de nos bureaux, au Nord de la ville. Un intrus a décidé de nous importuner. Tu iras avec Kôyô. Je veux cet homme vivant le plus tôt possible. Et ne me fais pas patienter un mois, cette-fois-ci.

- "Cet" homme ? Il n'y en a qu'un ?

- D'après les courtes images que nous avons, oui. Mais ne te fies pas aux apparences, Chuuya-kun. Cet homme serait le fondateur de Shitokutsuu...

Le jeune cadre aussi les sourcils, tout de suite plus attentif.
Mais il ne s'attendait pas vraiment à ce qui allait suivre.

- ... Et il possède un pouvoir.

Pour tes beaux yeux, je ne chanterai pas - BSDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant