Chapitre 8 - Méfiance

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Une semaine d'écoulée depuis la dernière transaction.
Midorime s'était de nouveau rendue dans l'entrepôt, sur le port. Assise sur une caisse en bois, elle avait bien attendu au moins dix minutes sans voir un signe de vie. Détail intéressant, elle n'avait croisé aucun homme de main à l'entrée. Alors que, d'habitude, il y en avait toujours deux, au minimum, pour assurer la sécurité de l'exécutif roux. Mais pas cette fois-ci.
La patience n'était pas une des qualités de la jeune femme, aussi, elle avait vite fini par s'énerver. Proférant des insultes à voix haute, elle n'avait pas hésité à donner un violent coup de pied dans une caisse. Heureusement qu'il n'y avait personne pour la prendre sur le fait.
Pourquoi Chuuya ne venait pas ? Ça, elle l'ignorait.
Il ne pouvait, en toute logique, pas lui poser de lapin, puisque la blonde était payée pour obtenir ces informations, et que la Mafia savait qu'elle risquait de perdre ses services. Peut-être y avait-il un problème au cœur de l'organisation. Que tous les capitaines avaient été convoqués d'urgence. Mais Mori n'était pas bête à ce point. Il aurait annulé la transaction ou envoyé Chuuya quand même. Jamais il ne prendrait le risque de faire croire à une informatrice que la Mafia avait des problèmes. Après tout, Midorime ne vendait pas que des faits, mais aussi des rumeurs. Et malgré son importance réduite, le prix de celle-ci valait beaucoup plus qu'un nom ou une adresse.

Malgré tout, si la sans-abri s'imaginait déjà tout ce qu'elle pourrait se payer avec l'argent d'une telle rumeur, elle ne chercha pas à en savoir la cause. Elle était bien trop concentrée sur la douleur qui persistait au fond de son cœur.

- Chiisai ose me foutre un lapin ? Il va voir ce que je lui réserve, la prochaine fois !

Elle se mettait à parler toute seule, essayant d'atténuer la vague d'angoisse qui la submergeait.
D'accord, elle était bien contente de recevoir sa paie et de pouvoir s'acheter quelque chose de frais pour son repas de ce soir. Mais plus elle y pensait, plus l'idée que Chuuya puisse avoir des problèmes la rendait mal à l'aise. Elle craignait qu'il lui soit arrivé quelque chose.
Mais en même temps...

L'idée de le voir juste en face d'elle la faisait paniquer plus qu'autre chose.
La dernière fois qu'ils s'étaient vus, elle l'avait quitté en mauvais termes. Et vu ce qu'il s'était passé, aussi bien dans la soirée que le lendemain matin, elle appréhendait sa réaction.
S'ils avaient effectivement couché ensemble...
Alors Midorime ne donnait pas cher de sa peau. Surtout vis-à-vis de la façon dont elle l'avait laissé. Il devait certainement avoir envie de la tuer.

Et ça, la jeune femme ne supportait pas cette idée.
Juste le fait qu'il la déteste... malgré ce qu'ils avaient fait ensemble... lui faisait l'effet d'un coup de poignard en plein cœur.
Et c'était bien la première fois qu'elle ressentait ça pour quelqu'un.
Elle en avait vu, des hommes, dans sa vie. Elle en avait partagé, des lits. Mais à chaque fois, c'était purement et simplement pour subvenir à ses besoins. Pour obtenir une belle somme par là ou gagner quelques informations en échange d'une petite partie de plaisir. Ce genre de travail ne la dégoûtait plus. La vie ne lui avait pas fait de cadeau, et tous les moyens étaient bons pour survivre.
Mais alors pourquoi ? Pourquoi avait-elle honte, tout d'un coup ? C'était bien le dernier sentiment qu'elle s'attendait à ressentir, après tout ce qu'elle avait vécu. Elle n'avait plus d'honneur, elle était déjà salie.
Alors pourquoi ses joues terreuses la brûlaient, pourquoi son cœur battait à tout rompre, et pourquoi avait-elle cette boule au fond de la gorge, qui l'empêchait de crier ?
Elle voulait s'enterrer six pieds sous terre et éviter tous les regards de dégoûts qu'on lui lançait.
Éviter celui que Chuuya lui lancerait lorsqu'il apprendrait tout ce qu'elle faisait.
Parce qu'elle prêtait de l'importance à l'opinion du mafieux.

- Depuis quand...

Son marmonnement se perdit dans l'entrepôt.

S'il y avait une chose qu'elle avait apprise, c'était de ne jamais se soucier du regard des autres. Leur avis n'avait pas d'importance. C'était le seul moyen pour ne pas subir la honte. Pour continuer de vivre de cette façon sans vomir une fois seule.
Elle s'était habituée. Plus aucune pique ne l'affectait. Plus aucun rire moqueur ne l'atteignait. Plus aucune rumeur ne comptait à ses yeux.
Mais l'avis de Chuuya, si.
Mais Pourquoi ?

- Depuis quand je lui accorde de l'importance... ? Chuchota-t-elle.

Elle ne savait pas. Mais la réponse qu'elle attendait n'était pas celle de cette question. Elle convenait à une autre. Une autre qu'elle refusait de formuler. Ou plutôt qu'elle n'était pas capable de prononcer.
Mais la réponse était juste là, sur le bout de sa langue.
"Je me suis attachée à Ch-"

- Mademoiselle Noriaki ?

La jeune femme sursauta à l'entente de son nom.
Elle se rendit compte alors qu'elle serrait son poing sur sa tunique, prête à la déchirer si elle y mettait plus de force. Elle relâcha aussitôt sa prise, et détendit ses muscles au passage.
Quoique. Mieux valait qu'elle reste sur ses gardes. Après tout, si quelqu'un l'avait appelée, ce n'était sûrement pas la voix de Chuuya.

Ainsi, la jeune informatrice posa ses yeux sur trois individus.
Le premier, un peu avancé et plus grand que les autres, avait l'air assez âgé. Il portait un long manteau noir et une écharpe aux couleurs ternes, ainsi qu'un monocle sur un œil.
Le second était roux, avec une veste verte à fourrure et un pansement sur le nez. Il tenait deux armes de poings.
Et enfin le dernier, avec de longs cheveux noirs relevés et un masque lui cachant la moitié du visage. Enfin "il"... plutôt "elle", d'après les informations de Midorime.
Même si elle leur posa la question, elle connaissait déjà leur identité.
Respectivement Ryûro Hirotsu, Michizô Tachihara, et Gin Akutagawa.

- Vous êtes les Lézards Noirs ? Questionna-t-elle en fronçant les sourcils.

Le fameux Hirotsu s'avança davantage. Son menton baissé, il montrait qu'il restait sur ses gardes.

- Nakahara-san ne peut pas s'occuper de la transaction d'aujourd'hui. Notre boss nous a donc confié cette tâche. Nous souhaiterions procéder à l'échange rapidement, si possible.

- Ah oui ? Et où est-il, Chiisai ? Sur une autre affaire ? Ce n'était pourtant pas ce qui était prévu au départ. Y a-t-il eu un imprévu, par tout hasard ? Demanda-t-elle en esquissant un rictus amusé.

Tant qu'elle y était, autant en profiter. Elle pourrait toujours revendre quelques informations à d'autres organisations, même avec si peu de détail.
Le chef des Lézards Noirs, de son côté, fronça les sourcils et mit un temps avant de répondre. Il fit une impasse sur le surnom peu qualitatif du capitaine, et finit par formuler une phrase correcte sans trop en dire. Il savait d'expérience qu'il fallait se méfier des informateurs.

- Nakahara-san est sur une autre mission.

- Mmh... étrange. Un capitaine est subitement envoyé sur une autre affaire, et ce, malgré les ordres de Mori qui l'obligeaient de s'occuper des transactions... peut-être à cause d'une urgence ? Mais si la Mafia Portuaire avait un problème de ce genre, elle annulerait le rendez-vous d'une simple informatrice, non ? À moins que... Les informations sur Shitokutsuu que je possède concernent votre problème ? Et qu'elles sont indispensables pour le bien de votre organisation ?

Si elle avait raison, alors le prix de ses dossiers valaient bien plus que ce qu'elle gagnait habituellement. Elle aurait volontiers négocié, mais le visage de plus en plus sombre de Hirotsu l'en dissuada.

- J'espère ne pas avoir à me répéter, Noriaki, mais cette transaction doit s'effectuer le plus rapidement possible, nous n'avons pas que ça à faire.

- Oh, mais je serais certainement plus coopérative si vous me donniez quelques renseignem-

BRAAAM !!

Une explosion. Puissante, surprenante, et imprévue.
La plus jeune des Lézards Noirs dégaina un sabre, et regarda de tous côtés silencieusement. Tachihara, le roux, écarquilla les yeux et serra sa prise sur ses armes.

- Je croyais qu'ils étaient occupés aux bureaux du quartier Nord !? S'écria-t-il.

- Les communications sont coupées, déclara Hirotsu en tentant de contacter on ne sait quel collègue. Les capitaines sont en dehors du quartier général. Ils les ont attirés pour les éloigner. Nous n'avons pas le temps de réunir nos hommes !

Un vrai bourbier.
Midorime n'y comprenait pas grand-chose, si ce n'était que la Mafia avait un sérieux problème. Ses entrepôts Est étaient attaqués, à en juger par les cris des Lézards Noirs. Et ce après une autre attaque visant à éloigner les plus puissants mafieux du territoire. Fourbe, certes, mais c'était comme ça qu'une organisation criminelle fonctionnait. Et Shitokutsuu en était une.

Pour tes beaux yeux, je ne chanterai pas - BSDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant