Pour tes beaux yeux, je ne chanterai pas - BSD

Chapitre 16 - Jeu

Midorime connaissait cet endroit comme sa poche.
Après tout, elle y avait vécu une bonne partie de sa vie. Mais ça, elle préférait le garder secret autant que possible. Pas question de révéler à ses nouveaux collègues qu'elle n'était qu'une prostituée sans honneur.
Et encore moins à Chuuya. Elle avait beau le détester depuis leur dernier tête à tête, elle craignait son regard de dégoût quand il apprendrait les détails.
Mais si elle avait eu l'espoir qu'il ne soit pas mêlé à cette affaire, elle s'était trompée lourdement.
Car Chuuya l'accompagnait.

Mori avait choisi, à la suite d'une longue discussion entre Kôyô et lui, d'envoyer son plus jeune capitaine pour représenter la Mafia Portuaire. Midorime avait évidemment été mise sur le coup, puisque son pouvoir permettrait de soutirer des informations à Kôseki. Et Rintaro, fidèle partenaire de la jeune femme, avait donc dû venir aussi.
Voilà comment les trois mafieux se retrouvèrent à la maison de passe Aoi Hana, quelques jours après les révélations du traitre.

Rintaro était sans doute celui qui se sentait le plus mal à l'aise.
À peine arrivés dans l'établissement, en se faisant passer pour des clients, les trois jeunes gens s'étaient installés dans un grand canapé en velours, en essayant de ne pas penser à ce qui avait bien pu se passer dessus. Ils assistaient au spectacle, dans une vaste salle qui faisait office de hall et de bar. Les chambres devaient être à l'étage.
Le brun ne pouvait qu'exprimer sa déception en voyant la clientèle masculine : tous des vieux riches, sûrement célibataires, qui n'avaient rien d'autre à faire de leur vie. La seule personne susceptible de l'intéresser se trouvait à sa gauche, sur le canapé. De longs cheveux roux bouclés, un regard bleu océan, et d'adorable sourcils froncés. Mais malheureusement, Rintaro savait qu'il n'avait aucune chance, pour la simple et bonne raison qu'il tenait déjà la chandelle.

Enfin, il en avait l'impression.
En soi, s'étant retrouvé au milieu de ses deux collègues, il ne faisait que les séparer. Il voyait bien que Midorime faisait tout pour éviter le regard de son supérieur. Chuuya, lui, semblait vouloir lui parler, mais faisait semblant d'être énervé.
Tout tenait dans le "semblant".
Le jeune bourreau avait rapidement compris qu'il y avait quelque chose entre ces deux-là. Et il aurait été ravi d'écouter leur histoire s'il n'avait pas autre chose à faire de sa journée.

Le plan était simple.
S'introduire dans la maison de passe et trouver Kôseki Shôtaro. Le but était d'appréhender le directeur et de le ramener vivant dans les sous-sols de la Mafia Portuaire. Pour pouvoir le torturer après, évidemment.
La sécurité était élevée, surtout pour protéger les belles demoiselles qui rapportaient tant d'argent à leur propriétaire, mais les trois mafieux étaient passés sans problème. Chuuya n'avait fait que décliner son identité pour rentrer gratuitement. Une fois dans la grande salle, ils avaient rapidement trouvé Kôseki, entouré de tout un harem avec plusieurs bouteilles de champagne à ses côtés. Les clients étaient nombreux, mais ce n'est pas ça qui gênerait le trio.

Midorime, de son côté, était la plus stressée.
En tant que femme, elle avait dû rattacher ses cheveux de façon à faire croire qu'ils étaient courts, et porter un plus long manteau à capuche en guise de cape pour cacher ses formes. Tout ça pour se faire passer pour un homme. Sans ce déguisement, la sécurité ne l'aurait pas laissé entrer.
Mais ce n'était pas ça, le problème.

Elle avait travaillé ici pendant un bon bout de temps.
Jusqu'à que l'ancien propriétaire, Gôchi Mindo, soit subitement assassiné par une main inconnue. Personne n'avait jamais retrouvé le coupable.
Mais la blonde était bien responsable de tout ça.
Aussi, elle craignait que des anciennes collègues la reconnaissent. Même si c'était peu probable, puisque que Midorime avait bien grandi depuis.

La jeune femme voulait donc en finir au plus vite.
Mais ses deux collègues, eux, se contentaient de fixer leur cible pour trouver la meilleure occasion de l'appréhender. Ils n'avaient pas bougé depuis quasiment une demi-heure, à refuser en bafouillant les propositions des filles et à jouer le rôle de client.
Midorime en avait marre.
Aussi, elle décida de passer à l'action.