Chapitre 3

579 36 6
                                    

Comme promis, le chapitre de cette semaine :)


-Waouh, Krokmou, c'est génial ! s'exclama Harold en approchant sa main des œufs, sans pourtant oser toucher les coquilles.

Ces œufs de dragon avaient l'air si paisible, si fragiles, ainsi installés confortablement dans le nid, qu'il avait peur de les briser s'il avait le malheur de les toucher. Harold se redressa et embrassa l'île du regard dans son entièreté.

-Voilà pourquoi vous n'attaquez jamais pendant l'hiver, comprit-il, observant les quelques dragons déjà présents. Voilà pourquoi tous ces attroupements de dragons passent toujours au-dessus du village certaines nuits avant Snoggletog. Par Thor, jamais je n'aurais imaginé cela ! C'est une découverte extraordinaire ! Qui aurait pu penser que vous aussi vous preniez des vacances !

Krokmou ronronna avec joie alors qu'Harold caressait sa tête.

-Merci de m'avoir emmené ici mon grand, dit le brun.

Ainsi sur le sol d'une île appartenant uniquement aux dragons, il se sentait entouré et respecté pour ce qu'il était. Et dire qu'il avait pensé toute sa vie qu'il lui fallait mettre une de ces merveilleuses créatures à mort pour gagner la considération des autres. Aujourd'hui il se rendait compte que la considération ne se gagnait pas par nos actes mais par ce qu'on était vraiment au fond de soi-même. Son village était aveugle et n'avait pas su voir le brillant garçon derrière sa silhouette chétive et fine. Et ici, il était respecté comme tous les autres. Encore une preuve que les dragons étaient bien plus intelligents, compréhensifs et tolérants que les Vikings.

Harold s'assit sur le sol, laissant ses jambes pendre dans le vide. Le nid des Vipères se trouvait en hauteur, sur une des marches de roche qui semblaient constituer cette île. Il était plongé dans ses pensées. Pensées entièrement tourner vers son village. Enfin, son ancien village. Krokmou eut soudain peur que le jeune garçon s'enfonce de nouveau dans la douleur mais il fut étonné de voir un étrange sourire flotter sur les lèvres d'Harold. Il poussa un grognement interrogatif, la tête penchée sur le côté. Harold tourna des yeux pétillants de joie et de libération vers lui. C'est en voyant le regard de son petit Viking que Krokmou comprit qu'il avait réussi.

-Le village ne me prend pas au sérieux, dit Harold. Je n'ai pas besoin d'eux. Ce qui compte maintenant, c'est le jugement des dragons. Krokmou, je veux que tu me promettes que si je deviens comme eux, tu me préviendras. Je ne veux pas être un Viking.

Krokmou sourit largement et se mit à lécher joyeusement le visage d'Harold.

-Je prends ça pour un oui, rit Harold en essayant de se soustraire à la langue baveuse de son ami. Non, Krokmou ! s'exclama-t-il ensuite alors que le dragon tirait sur sa manche.

Le dragon ne l'écouta pas et continua à tirer.

-Qu'est-ce que tu veux ? interrogea Harold.

Cette fois, Krokmou lâcha la tunique d'Harold et ramena sa queue devant lui, l'agitant devant les yeux d'Harold.

-Tu pouvais pas tout simplement demander au lieu de baver sur ma manche ? râla Harold en grimpant sur la selle.

Le dragon rit de bon cœur avant d'écarter les ailes et de décoller puissamment. Harold poussa un cri de joie en sentant l'adrénaline parcourir ses veines. Ce qu'il avait dit à son père était vrai et le resterait toujours. Il n'était pas un Viking. Mais bien un dragonnier.

•••

Harold observa attentivement la centaine de dragons qui nichaient là. Des Gronks, des Braguettaures, des Vipères, des Cauchemars Monstrueux, des Terreurs Terribles, il avait même aperçu quelques Ebouillantueurs dans la baie d'eau chaude. Mais il ne voyait pas de Furie Nocturne. Aucune, nulle part. Pas une seule écaille noire dans toute cette masse de dragons. Il commençait à désespérer d'en voir arriver. Voilà presque deux semaines que Krokmou et lui étaient arrivés sur cette île et depuis, les dragons n'avaient cessé d'affluer. Les nouveaux couples construisaient leur nid, les anciens récupéraient celui de l'année précédente. Et en quelques jours à peine, les œufs avaient commencé à éclore. A présent, Harold devait faire attention sur où il mettait les pieds, sous peine d'écraser la queue ou l'aile qu'un dragonneau distrait avait laissé trainer là.

Harold et Krokmou s'étaient installés près de la source d'eau chaude. La chaleur de l'eau semblait réchauffer toute l'île et ainsi, ils n'avaient pas froid la nuit. Harold avait très vite fait ami-ami avec tous les dragons qui avaient atterri ici et ceux-ci ne faisaient à présent plus attention à lui. Le dragon et son dragonnier partaient pêcher régulièrement, essayant toujours d'en ramener plus que nécessaire. Ils s'étaient fait surprendre la première fois par des petits Terreurs Terribles chapardeurs, ils n'allaient pas tombés deux fois dans le même panneau. Ainsi s'étaient déroulées les deux premières semaines de bannissement d'Harold. Lui qui était persuadé qu'il allait mourir en seulement quelques jours, abandonnant sans le vouloir Krokmou, il se surprenait à penser qu'il avait des chances de survivre. Il avait trouvé un endroit chaud et sûr pour passer l'hiver. La baie et les alentours de l'île regorgeaient de poissons succulents et la compagnie des dragons et de leurs dragonneaux hyperactifs était la seule chose dont Harold avait réellement besoin. Tous ces bébés sur une même île rendaient les lieux joyeux et animés. Il y avait toujours des dragonneaux courant quelque part, de petits couinements résonnaient aux oreilles d'Harold toute la journée alors que les petits jouaient ensemble. Cet endroit était vivant et pour l'instant, c'était chez lui.

-Krokmou ? appela Harold.

Le dragon s'approcha de lui, un poisson dans la gueule. Il l'avala rapidement avant de jeter un regard interrogatif à son ami.

-Où sont les autres Furies Nocturnes ? demanda Harold. Ne sont-elles pas supposées venir se reproduire ici comme les autres ? N'attends-tu pas ta compagne ?

Il s'était figuré que Krokmou l'avait amené ici pour retrouver quelqu'un. Sûrement une autre Furie Nocturne. Mais le temps passait et Harold ne voyait aucun dragon noir arriver.

Le regard de son dragon s'assombrit et il baissa tristement la tête. Harold observa avec stupeur son dragon s'étendre avec lenteur sur le sol, les yeux dans le vague.

-Ils ne viendront pas, pas vrai ? fit Harold en comprenant d'où venait la tristesse de son dragon.

Pour toute réponse, Krokmou poussa un long hurlement qui ne ressemblait à rien qu'Harold ait déjà entendu venant de son dragon. Krokmou produisait une multitude de son mais celui-là était nouveau. Cela ressemblait à un hurlement de loup, en plus guttural et saccadé par moment. Les muscles de la poitrine de Krokmou se contractaient alors que ses poumons se vidaient progressivement et les oreilles du dragon se dressèrent, comme pour mieux capter une possible réponse. Harold comprit facilement qu'il s'agissait d'un appel, certainement le genre d'appel qu'un dragon Furie Nocturne lançait pour se trouver une compagne. Mais le hurlement de Krokmou resta sans réponse, noyé par l'agitation qui régnait sur l'île. Le dragon tourna ensuite la tête vers Harold, les yeux tristes.

-Je suis désolé mon grand, s'excusa Harold. Je ne pensais pas que tu étais le dernier.

Krokmou eut un grognement étouffé qui semblait signifier « tu ne pouvais pas savoir » avant de reposer sa tête sur ses pattes avant, le regard plongé dans l'observation de la baie. Krokmou regardait les vagues s'écraser paresseusement contre la berge sans vraiment les voir.

-Je suis sûr qu'il reste des Furies là-dehors, reprit Harold, refusant de perdre espoir si facilement. On va les chercher et les trouver. Je te le promets Krokmou. On retrouvera les tiens.

Harold caressa les écailles de la tête de Krokmou alors le dragon poussa un ronronnement faible et triste.

Harold se sentit soudain terriblement mal pour son dragon. Il savait ce que cela faisait de n'avoir personne. Il l'avait ressenti toute sa vie. Ce sentiment qui avait dominé son être pendant 15 longues années s'était cependant effacé peu à peu lorsqu'il avait rencontré Krokmou. Il ne pourrait jamais exprimer la profonde reconnaissance qu'il avait envers son extraordinaire dragon. Mais il était déterminé à lui rendre la pareille. Krokmou avait chassé sa solitude, à lui de chasser la sienne.

Harold s'assit près de la tête de Krokmou et s'appuya sur celle-ci, sa joue collé contre les écailles alors qu'il essayait tant bien que mal de réconforter son meilleur ami. Il se promit intérieurement de tout faire pour retrouver la trace des congénères de Krokmou. Il devait bien survivre encore quelque part non ? Krokmou ne pouvait pas être le dernier, c'était impossible. Il restait des Furies Nocturnes dans la nature, Harold en était intimement persuadé. Et il allait les trouver, coûte que coûte.

Dragonniers - HaroldOù les histoires vivent. Découvrez maintenant