Dragonniers - Harold

Chapitre 8

Le temps semblait passer plus vite sur ces bateaux. Les jours et les semaines et les mois s'enchainèrent sans qu'Harold ne les voit passer. Plus ça allait, plus il se rapprochait d'Eret. Il avait finalement pardonné au chasseur de l'avoir descendu lui et Krokmou. Il avait compris qu'il n'avait pas eu le choix. Après tout, Eret n'avait fait que chasser des dragons et obéir aux ordres toute sa vie. Et la seule fois où il avait failli à sa tâche, Drago l'avait puni de la plus douloureuse des manières qu'il soit.

La plaie d'Harold s'était d'ailleurs rapidement refermée. Ou du moins, plus rapidement que ce à quoi il s'attendait. La peau était encore fragile et il garderait une cicatrice à vie, tout comme Eret mais au moins, cela ne lui faisait plus mal.

Les journées étaient froides dans cette partie de l'Archipel et les nuits plus encore. Eret lui avait fourni des vêtements plus chauds que ceux qu'Harold possédait auparavant. Mais malgré que sa nouvelle fourrure en peau d'ours lui tienne incroyablement chaud, Harold la haïssait chaque jour un peu plus. Cette peau était semblable à celle que tous les chasseurs de Drago portaient. Sauf qu'il n'avait rien en commun avec ces hommes-là. Tandis que d'autres auraient fini par vraiment rejoindre Drago, le cerveau lavé par ce qu'il voyait et entendait tous les jours, Harold ne faisait que s'enfoncer un peu plus dans sa propre idée, sans que rien ne puisse le faire changer d'avis. Là où d'autres auraient fini par trouver cela normal de traiter ainsi des dragons, sa détermination se renforçait à chaque fois qu'il passait près d'un de ces pauvres reptiles apeurés.

Harold avait raconté son histoire à Eret. Et à vrai dire, cela lui avait fait énormément de bien. Il n'avait jamais partagé avec quiconque ce qui lui était arrivé et enfin le laisser sortir l'avait soulagé au-delà des mots. De plus, son récit avait eu le mérite de faire réfléchir le chasseur. Eret avait du mal à croire que Krokmou, malgré son handicap, ait accouru pour sauver Harold d'une mort certaine dans l'arène, des années plus tôt. Harold avait insisté, lui avait raconté toutes les autres fois où son dragon lui avait sauvé la vie, aussi bien physiquement que moralement. Après des heures et des heures d'argumentation, Eret s'était finalement laissé convaincre. Harold lui avait décrit tous les endroits merveilleux qu'il avait découvert grâce à Krokmou, lui avait montré la carte que son dragon et lui avaient pu mettre au point, lui avait raconté comment ils avaient découverts telles ou telles espèces.

Eret s'était amusé du comportement de Krokmou qu'Harold lui décrivait, il avait ri aux plaisanteries et aux ronchonneries d'Harold quand il s'agissait de la salive du dragon. Finalement, Harold et Eret étaient rapidement devenus de très bons amis.

Mais le jour où Eret dut repartir en chasse vint rapidement. Harold ne pouvait pas rester sur les bateaux de Drago, il le refusait. Il dut donc partir avec Eret. Ce fut au tour du chasseur de lui montrer en quoi consistait sa vie. Poser des pièges, attendre, tirer sur des dragons en vol, vérifier les pièges, attendre, dormir sur place, se défendre contre quelques attaques, relever les pièges. Endormir les dragons, les ligoter, les transporter jusqu'au bateau, les enfermer dans les cales. Tout cela, jusqu'à ce que le bateau soit rempli. Puis revenir pour livrer les dragons à Drago.

Cela fendait le cœur d'Harold de voir cela mais il ne pouvait pas faire autrement que d'y participer. L'équipage d'Eret pourrait très bien aller rapporter à Drago qu'il restait sur le bateau, qu'il aidait les dragons à s'échapper. Dans ce cas-là, s'en était fini de lui. Drago ne serait pas clément deux fois. Alors, il chassait. Toujours avec ce nœud au ventre, son cœur broyé, il chassait.

Et pendant les huit mois qu'il avait passé chez Drago, jamais il n'avait revu Krokmou. Il l'avait cherché de partout sur le bateau principal de Drago, en vain. Il n'avait pas eu l'occasion de chercher dans les autres mais il comptait bien s'y mettre. Il refusait d'abandonner Krokmou. Il lui avait promis qu'il le sortirait d'ici, il tiendrait sa parole.