Dans ma tête [Link x Esme]

21 - LE VILLAGE GORON

   21
LE VILLAGE GORON

La première chose qu'elle pu distinguer fut la chaleur écrasante qui mettait à mal son corps. Elle se remémora instantanément le malaise qu'elle avait fait dans le désert Gerudo quelques semaines auparavant, il lui sembla que c'était il y a des milliers d'années. La deuxième chose qu'elle distingua parfaitement fut le vide dans sa tête, mais aucun autre flot de pensées n'accompagna cette constatation. Sa tête était vide, point, il n'y avait rien à dire ou penser d'autre. Enfin, la troisième et dernière chose qu'elle réussit à percevoir furent les secousses qui faisaient trembler son corps.

   Elle avait tout juste assez de force pour remuer un doigt, ce qu'elle fit du mieux qu'elle pu. En voulant relever son index, elle rencontra la mâchoire dure du chevalier, mais elle ne le comprit pas de suite. Elle ne savait pas où elle était, ni pourquoi elle n'avait même pas la force d'ouvrir les yeux. Elle avait du mal à rassembler ses souvenirs, elle ne pensait qu'à Zelda. Suite à son mouvement, les secousses cessèrent puis après un temps, elles reprirent de nouveau. Elle concentra de nouveau ses forces pour tenter de bouger sa main entière. Elle se sentait lourde, elle avait envie de vomir, et elle avait l'impression que son dos était transpercé par des milliers de lames acérées.

   Link reprit sa marche en tentant de faire encore plus attention. Il l'avait sentit remuer ses doigts, puis ses mains. Il avait senti son souffle s'accélérer dans sa nuque, mais c'était tout. Elle était encore beaucoup trop faible, pourtant, il n'avait pas pris la peine de les faire s'arrêter pendant plusieurs jours pour qu'elle puisse se reposer convenablement. Elle l'aurait tué pour avoir fait une chose pareille. Il poussa un long soupir de fatigue quand il leva la tête et constata que le chemin allait bientôt devenir une pente rude qu'il allait devoir escalader, le poids mort de Esme toujours sur ses épaules.

   Entre-temps, Esme venait de comprendre que c'était sur le dos de Link qu'elle reposait ainsi et lentement, les derniers évènements lui revinrent en mémoire. Elle était quasiment sûre qu'elle ne se trouvait pas dans un espèce d'au delà. Pourquoi l'au delà ressemblerait-il à cela ? Non, elle était définitivement toujours vivante, mais pour combien de temps ? Elle remua de nouveau les doigts, les passa de nouveau sur la mâchoire du chevalier et sentit celle-ci se contracter.

— Si tu me déconcentres encore, je risque de te lâcher.

   Elle était bien trop faible pour répondre ou même rire. Mais rien ne l'empêchait de renifler à sa guise son odeur. Son odeur de soleil et de pin. Il sentait autre chose encore à présent, son odeur à elle s'était ajoutée aux deux autres. Elle se dit que c'était agréable. Elle savait que le chevalier lui parlait normalement pour ne pas l'énerver. Elle aurait détesté qu'il lui demande comment elle allait, ou qu'il tente de s'occuper d'elle comme d'un bébé.

— Je ne sais pas si tu es assez consciente pour m'entendre parfaitement, je répéterai aux besoins.

   Son souffle était court. La porter et continuer à avancer tout en lui parlant devait lui demander de monopoliser une énorme quantité de force et d'énergie. Elle eut envie de sourire davantage. Oui, elle avait définitivement revu son jugement à propos de Link.

— Tu as un bras et une épaule en moins. Broyés et déboîtés. Plusieurs côtes fêlées aussi. Sans oublier les cicatrices énormes qui ornent maintenant ton dos. Franchement, je ne sais pas à quoi tu pensais, cracha-t-il finalement sous la colère.

   Elle comprit alors que ses jambes avaient été épargnées et tenta de les remuer, ce qu'elle réussit avec succès, mais Link l'immobilisa immédiatement en resserrant ses mains autour de ses cuisses.

— Arrête de gesticuler.

   Il était en colère. Elle l'entendait au timbre de sa voix, mais elle le connaissait suffisamment pour savoir qu'il était aussi soulagé. Elle ne sut pas vraiment pourquoi, mais cette position inconfortable et les réactions de Link firent naître un espoir nouveau en elle. Finalement, elle en était sûre, rien n'était perdu. Elle avait eu un moment d'égarement, elle avait déraillé. Pour la première fois depuis longtemps, elle se dit qu'elle pouvait peut-être se reposer sur quelqu'un, qu'elle adorerait que ce quelqu'un soit le chevalier. Elle lui faisait entièrement confiance.