Chapitre 9

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Max était parti à la soirée rassemblant tous les pilotes, pour fêter le Grand Prix d'Emile-Romagne, même s'il n'avait sûrement pas autant la tête à la fête que d'habitude. J'avais eu plaisir à courir sur ce circuit et à faire hurler le moteur à pleine haleine, apprivoisant le bonheur d'être là où j'avais toujours voulu être.

Il était vingt-deux heures. Un silence de mort s'était installé dans l'hôtel.  

Moi aussi j'étais invitée à cette soirée, mais comme d'habitude, j'avais reçu des menaces de la part de mon père, qui me tuerait, peut-être au sens propre du terme, si je daignais y mettre les pieds. 

J'en avais terriblement assez de me plier à ses exigences. Pour la première fois, je ressentais cette sensation interne à mon corps qui me poussait à lui désobéir, quitte à en payer les mornes conséquences. 

Moi aussi, j'avais le droit de vivre. 

Demain, je devais déjeuner avec Andrés de Rosalía, l'homme à qui j'étais injustement promise. Il vivait à Madrid et menait des études de philosophie politique dans la capitale ibérique. J'avais peur de cette rencontre, peur qu'il ne me plaise pas, peur que nos deux vies ne se révèlent comme une pure antithèse, peur que dans ses yeux, il n'y eut pas la même lueur que dans ceux de Pierre. 

Pierre dégageait quelque chose que je n'avais vu nulle part ailleurs. 

Moi aussi, j'avais le droit de vivre. 

Martina m'avait acheté une robe et une paire de talons, je ne savais même plus quelle excuse je lui avais trouvé pour qu'elle le fasse. La robe était noire à manches longues, cachant merveilleusement bien l'entierté de mon buste et des épaules, plutôt courte et moulante, surmontée de deux cordons serrées sur les côtés. Les talons étaient de la même couleur que la robe, avec un joli aspect lustré. Ils étaient hauts, légèrement trop pour moi, mais je n'en avais que faire. 

J'enfilai ma tenue, calmement, avec l'intime vœu que mon père ne débarque pas, mais également l'intime conviction que cela n'arriverait pas. Perchée sur plusieurs centimètres, je mis de l'ordre à mes cheveux que j'avais cependant décidé de garder naturels.

Devant le reflet du miroir, je me mis à sourire. 

J'étais belle. 

J'envoyai un dernier message à Martina et laissai mon téléphone sur le rebord de ma table de chevet, au cas où mon père déciderait de regarder la localisation GPS. 

« J'arrive dans deux minutes. » 

Je sortis de ma chambre, étonnamment plutôt à l'aise avec mes talons. Je rejoignis ma coach, qui avait commandé une voiture afin que l'on se rende sur les lieux de la soirée, au bord de la mer. Elle portait une robe fuchsia, moulante également. 

— Quelle beauté ! me complimenta-t-elle. 

— Tu l'es encore plus que moi, reconnus-je. 

Je montai à l'arrière du véhicule et laissai mon regard divaguer sur mes jambes. A vingt ans, c'était la première fois que je les dénudais en public. La sensation était étrange et terriblement excitante en même temps. 

Une bonne demi-heure plus tard, nous arrivâmes sur le lieu escompté. Je sortis au moment où le chauffeur m'ouvrit la porte, puis m'avançai jusqu'à l'entrée du club privatisé avec Martina. Je communiquai mon nom, ayant bien évidemment l'autorisation d'entrer. 

Je descendis plusieurs escaliers. Une musique latino-américaine retentissait dans l'établissement, et je compris qu'il n'y avait pas seulement des pilotes ici, mais une multitude d'autres invités. J'observai l'endroit pendant quelques secondes. Des corps dansaient, s'entrechoquaient, alors que l'alcool coulait à flot. Dans un coin, je pus remarquer mon frère, entouré de deux femmes. 

ANATHÈME ; Pierre GaslyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant