Jeddah avait été une vraie catastrophe.
La William d'Alex Albon m'était rentrée dedans, et j'avais été contrainte d'abandonner le Grand Prix après seulement quelques tours. Aujourd'hui, à Melbourne, mes temps étaient mauvais, alors je le sentais mal pour les qualifications de demain. Je détestais avoir cette amertume naissante au fond de ma trachée et ce démon qui hurlait à l'intérieur de mon esprit pour me dire que ce week-end allait être tout aussi difficile que Jeddah.
Je sortis de la voiture, la mort dans l'âme. Je n'adressai aucun mot à mon ingénieur, ni à ma stratégiste. Le casque vissé sur la tête, je marchai jusqu'à la salle de repos et m'asseyai à même le sol, le dos collé contre le sofa. Je finis par retirer tout mon attirail, poussant un long soupir de découragement.
Lorsqu'on toqua à la porte, je fermai les yeux. Je n'avais pas envie de voir mon père, je voulais qu'il me lâche et me laisse encaisser seule, pour une fois. Il m'en avait assez balancé pour la dernière course, j'étais essoufflée, j'aurais abandonné mon corps juste pour avoir la paix, la paix infinie. Néanmoins, la porte s'ouvrit, sourde de toute réponse de ma part et je mordis fortement l'intérieur de ma joue.
Mais un sentiment intense de soulagement me parcourut quand je me rendis compte que c'était Pierre derrière la porte.
Sans un mot, il s'assit sur la table en face de moi.
— Je te mentirais si je te disais que tout va bien dans l'équipe, commença-t-il en français.
Interrogée, je l'incitai du regard à continuer son discours.
— Je pense qu'en tant que team, on fait les mauvais choix. C'est pas possible qu'un week-end on ait des bons chronos, et qu'un autre ce soit la descente totale.
— T'es classé combien en FP3 ? demandai-je.
— Quinzième, ça craint.
— Je suis dix-septième, c'est encore pire.
Il se leva et vint s'accroupir à ma hauteur. Son parfum m'enivra soudainement les narines, il y avait un mélange de musc et de jasmin. Je pensai qu'il en avait peut-être abusé ce matin, mais ça lui allait parfaitement bien.
— Melbourne est un bon circuit pour nous, il y a moyen qu'on se démarque en qualif.
— Comment tu fais Pierre ?
Il arqua un sourcil, sans réellement comprendre où je voulais en venir. J'avais posé cette question d'un seul coup.
— Comment tu fais pour toujours garder la tête haute ?
Il baissa les yeux. Je me sentis instantanément coupable, comme si je n'avais pas pu comprendre qu'il se battait depuis des années.
— Je vis pour ça en vrai. Je vis pour garder un siège et espérer m'accomplir, confia-t-il. Les années passent et la situation ne change pas. Mais je continue d'espérer, parce que c'est ce qui me fait vivre.
Je me perdis dans son regard, ayant le sentiment de revivre la même situation que la dernière fois, lorsque Max nous avait surpris. Il s'ouvrait à moi, profondément, comme s'il en avait besoin et qu'il n'avait jamais pu se confier. Je posai ma main sur son bras et lui offris un sourire, un simple sourire qui voulait dire beaucoup.
Je suis là pour toi Pierre. Si tu en as besoin, je suis là, même si l'orage ne cesse de gronder pour moi, je suis là.
A l'intérieur de mon être, je ressentais l'évidence, l'évidence de le soutenir et de l'aider, parce qu'en un sens il le faisait pour moi. Il était mon coéquipier, mais il pouvait être aussi un ami, l'épaule sur laquelle j'aurais enfin le droit de me reposer.
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ANATHÈME ; Pierre Gasly
FanfictionDans le feu qui brûlait ses veines, elle n'avait qu'un mot : la liberté. - Amaryllis Verstappen, au nom de toutes ces femmes qui, dans le monde, ne sont pas libres de leurs choix.