Chapitre 14

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Le lendemain, j'étais incapable de me lever, incapable de résister à mes blessures qui s'étaient réveillées et qui me faisaient souffrir comme des coups de poignard. 

Je ne voulais pas voir de médecin. Je n'étais pas prête encore à accuser mon père, à cœur ouvert. Pierre n'en avait fait qu'à sa tête. Il avait convoqué le médecin qui s'occupait de lui, en m'assurant qu'il ne serait là que pour apaiser ce mal physique qui me rongeait, de manière un peu trop inquiétante selon lui. 

En ce début d'après-midi, le plafond me paraissait intéressant, tandis que j'espérais que le temps se soit arrêté et que le médecin ne pénètre jamais dans cette chambre. 

En premier lieu, ce fut Pierre qui entra, un sac en tissu sur l'épaule. Il s'assit au bord du lit et sortit de son sac quelques affaires. 

— Martina va nous rejoindre d'ici peu, mais je me suis dit que ce serait mieux que tu aies autre chose à mettre que mes vieux t-shirts Toro Rosso. 

Je tentai de me redresser, en vain. Il fallut que le jeune homme me soutienne par la taille pour que je puisse m'adosser contre la tête de lit. Il déposa une tenue près de moi, composée d'un débardeur et d'un pantalon. 

— Tout est en coton, je crois. En tout cas, c'est une matière qui gênera pas tes bobos. 

Je pouffai légèrement. 

— Mes bobos ? 

— Je croyais que vous saviez parler français mademoiselle Amaryllis, s'étonna-t-il. 

— Mais c'est pas les enfants qui disent ça ? demandai-je. 

Il fit une petite moue et déplia les vêtements. 

— J'aime bien ce mot, marmonna-t-il

Je le regardai faire, faussement vexé. Lorsqu'il finit par me regarder à son tour, je le vis sourire doucement. 

— Merci Pierre. Tu n'étais vraiment pas obligé, articulai-je. 

— C'était le dernier merci que j'acceptais, raconta-t-il. Tu sais que tu peux compter sur moi, j'ai pas besoin que tu me remercies. 

Je ne sus quoi répondre à ses paroles. Il était incroyable, en avait-il conscience ? 

— Je t'aide ? demanda-t-il, se référant aux vêtements. 

J'acquiesçai et il attrapa le t-shirt que je portais par le bas. Avant de le retirer, il me regarda, attendant une nouvelle approbation que je ne tardai à lui donner. Il remplaça ce haut par la tenue qu'il avait préparée, puis glissa ses mains dans mes cheveux. Je le vis hésiter et oser ensuite déposer ses lèvres sur les parties saines de mes deux épaules. 

Je fondis dans ses bras, ou plutôt devrais-je dire que je m'y laissai tomber. La force, aujourd'hui, s'en était allée. 

— Tout ira bien, chuchota-t-il. 

Il me serra un peu plus contre lui, et ce fut ce moment que choisit la sonnette pour résonner dans tout l'appartement. 

Un homme en chemise blanche, stéthoscope autour du cou, pénétra dans la chambre précédé du français. Il se mit à m'osculter, de la tête aux pieds en s'attardant sur mes épaules, comme je l'avais imaginé. Je laissai étaler un corps gras sur mes brûlures, qui paradoxalement faisait autant de mal que de bien. 

Il observa mes autres blessures, qui étaient moindres disons. J'avais des bleus sur les flancs et sous la poitrine, et j'étais convaincue qu'il savait d'où ils provenaient. Néanmoins, il ne posa pas de question personnelle. Il ne me demanda pas d'engager une procédure non plus. En réalité, il se contenta simplement de savoir où j'avais mal. 

ANATHÈME ; Pierre GaslyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant