Les yeux rivés dans le vide, j'avais ce trou béant qui se creusait dans ma poitrine, à mesure que les reproches de mon père fusaient.
Aujourd'hui, c'était le Grand Prix de Bahreïn. Ma qualification de la veille avait été mauvaise, j'allais démarrer la course à la quatorzième place sur la grille. Pourtant, j'avais le sentiment d'avoir donné tout ce que je pouvais, mais visiblement ce n'était pas suffisant.
Qu'est-ce qui l'était, au final ?
Je ressentais un profond dégoût vis-à-vis de moi-même, peut-être n'étais-je pas faite pour frôler le bitume de la catégorie reine. Papa m'attrapa fermement par la main.
— Déjà que depuis toutes ces années tu me fais chier à vouloir faire comme ton frère, t'es en plus pas capable de performer, cracha-t-il. Tu salis le nom de Max, c'est tout ce que tu fais.
Je ravalai ma salive et osai le confronter du regard, tandis que mon sang avait cessé de circuler dans ma main droite.
— Papa, est-ce que tu as déjà gagné en Formule 1 ? soufflai-je.
Il se tut, instantanément. Si la porte ne s'était pas ouverte, il m'en aurait collé une. A la place, il déposa ses lèvres dépourvues d'amour sur le dos de ma main.
— Vous pouvez pas frapper ? grommela-t-il.
— Désolé, je viens juste lui apporter de l'eau.
Mon père me lança un dernier regard, avant de sortir de la pièce, agacé. Je pris la gourde que Gasly me tendait et en avalai plusieurs gorgées.
— Ça va ? me demanda-t-il en s'asseyant sur une chaise.
— Je suis un peu déçue, décrochai-je.
Il avança sa chaise pour se trouver face à moi.
— Je m'en doutais un peu. T'es pas la même tête brûlée que Max, pas vrai ?
Je pinçai mes lèvres sans oser lui répondre. Max était immensément plus talentueux que moi, il était fort, il avait une soif entière de conquérir le monde qu'il réussissait à assouvir. Je ne serais jamais à son niveau, même si je le voulais. Mais de la manière la plus paradoxale qu'il soit, je voulais qu'il arrive encore plus haut, bien que cela puisse impliquer que je tombe plus bas.
J'étais un cœur brûlé.
Aujourd'hui, Max partirait en pôle position. Je ne serais même pas dans ses rétroviseurs.
La main de Pierre se posa sur mon genou. Sa main à lui était douce.
— Le monde de la F1 est pas tendre, raconta-t-il. J'en ai mangé de la poussière avec Redbull, j'en ai eu des résultats merdiques, mais j'ai toujours vécu avec la même passion au fond du cœur qui m'a poussé à avancer.
J'écoutais son discours, la pression s'atténuant peu à peu à l'intérieur de ma cage thoracique.
— Si tu es là ce n'est pas par hasard.
— Merci Gasly, dis-je simplement.
Il afficha un petit sourire, alors que je l'entraînais vers moi pour le prendre dans mes bras. Ses mots m'avaient touché, personne à part mon frère ne m'avait déjà encouragé comme ça, et pas de la même façon. J'avais toujours pensé qu'il existait une vraie rivalité entre les coéquipiers, comme j'avais pu la vivre avec Clément Novalak en Formule 2.
Le pilote hésita à me rendre mon étreinte. Lorsque ses bras se refermèrent sur moi, je souris intérieurement, avec un profond sentiment salvateur qui émanait dans le fond de mon cœur.
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ANATHÈME ; Pierre Gasly
FanfictionDans le feu qui brûlait ses veines, elle n'avait qu'un mot : la liberté. - Amaryllis Verstappen, au nom de toutes ces femmes qui, dans le monde, ne sont pas libres de leurs choix.