Chapitre 19

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Le Grand Prix de Monaco, ses paillettes et ses allures d'altesses parfaites. 

Monaco était une terre de lumière, mais une terre qui occultait ses vices. Un monégasque de sang qui montrait au monde entier qu'il aimait un homme profondément, ça ne passait pas. Autrefois, il fut le modèle, si ce n'était le représentant de cette  Mais aujourd'hui, il y avait une amertume générale, des regards et des messes basses qui faisaient dégouliner sur Charles une honte incommensurable. 

Une affiche pleine d'insolence s'éleva parmi les spectateurs, alors qu'au milieu de la grille, c'était déjà l'effervescence. 

Ferrari non è una scuderia di frocione.

Elle était immense, et tous les pilotes automobiles avaient le regard rivé vers elle. Personne ne la comprenait ; seulement les italophones. Je lançai un regard à Pierre, qui s'était qualifié à mes côtés sur la grille. 

— Ferrari n'est pas une écurie de pédés, mima-t-il de ses lèvres. 

Le monégasque se hissa sur le halo de sa monoplace, et surplomba un instant son environnement, comme s'il s'empêchait d'exploser. Il était au milieu de sa patrie ; le Prince le regardait et bien que la haine au fond de lui soit suffisante, il ne voulait pas montrer une attitude débordante. Je pensais à cet homme, autant noble et important. Eprouvait-il du dégoût pour ce citoyen différent ? 

Charles leva son poing serré, dévoilant un bracelet multicolore accroché à son poignet. 

Il ne dit rien de plus. 

Parfois, le silence est d'une éloquence sans pareille. 

Je cherchais Max du regard, cependant son baquet était vide. Je ne savais ni où, ni comment il avait pu s'échapper et lorsque la personne de Sebastien Buemi se précipita vers cette voiture qui n'était pas la sienne, j'avais déjà compris. 

Max ne roulerait pas aujourd'hui. 

Je sentis mon cœur s'accélérer, mes mains devenir moites tandis qu'un mécanicien me sanglait à l'intérieur de mon cockpit. Je voulais voir Max, Pierre, ou qui que ce soit m'empêchant de devenir folle à ce moment-là. 

Mais une silhouette différente s'était approchée de la voiture. 

Je relevai le regard. 

Andrés se tenait là, habillé dans un costume fleuri en soie beige. Il déposa sa main sur le haut de mon dos et se pencha pour me parler, dans son néerlandais plus-que-parfait. Pierre se trouvait dans la voiture devant nous ; son visage était tourné vers le rétroviseur gauche. 

— Amaryllis. J'ai appris pour ton père, commença-t-il. Je pense que le moment est mal choisi pour te parler de ça, mais les mots me brûlent la gorge et je ne peux pas attendre plus. Je suis désolé, profondément désolé, il pinça ses lèvres. Je suis désolé que tu aies pu penser qu'en voulant t'épouser, mon objectif serait de te priver de ta liberté. 

Il prit ma main dans les siennes et la rapprocha de son cœur, malgré le halo qui bloquait le passage. 

— Peut-être ai-je été élevé avec des valeurs un peu trop archaïques, et toi aussi. 

Je hochai la tête, fébrile. Il avait les larmes aux yeux et, pour la première fois de ma vie, je constatais qu'une personne de mon rang avait laissé tomber les artifices. Je passai mon pouce sur le dos de sa main. J'espérai, qu'à travers la visière de mon casque, il put voir la sincérité immense de mon sourire qui plissait mes paupières. 

— Sois heureuse ma belle, même si ce n'est pas avec moi. Et donne tout pour cette course. 

Il se leva à nouveau, un sourire décorant ses lèvres. Il m'envoya un baiser papillon et pressa le pas pour s'échapper de la grille. 

ANATHÈME ; Pierre GaslyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant