Chapitre 3

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Lorsque Harry se réveilla, il mit quelques secondes à se souvenir où il était et ce qu'il s'était passé la veille. Mais lorsqu'il s'en souvint, il ne put s'empêcher de vomir. Bien évidemment, cela faisait trop longtemps qu'il avait mangé quoi que ce soit pour que ce fut autre chose que de la bile. Mais à la seule pensée, au seul souvenir de Voldemort penché sur son corps nu, de son visage blafard et difforme à quelques centimètres du sien, de ses mains arachnides sur son sexe... Son corps réagissait presque instinctivement, tentant de recracher, d'exorciser le mal en lui.

Il vomit ainsi jusqu'à ce que ce mouvement ne lui occasionne plus que de douloureuses crampes abdominales, et il frissonna violemment. Il sentait encore la semence du monstre en lui, il la sentait comme une souillure immonde, comme une blessure gangrenée qui progresserait en son sein. Il avait besoin... il ne savait pas trop de quoi il avait besoin en vérité. Il voulait se laver, bien que tous les sortilèges de nettoyage et tous les savons du monde ne pourraient jamais nettoyer cet avilissement de sa chair. Il voulait brûler, mourir par le feu pour peut-être dans la mort être purifié. Ou avaler une potion hautement corrosive, un acide qui rongerait ses organes de l'intérieur pour ne laisser que le vide.

La chambre était plongée dans la pénombre mais il sentait que son bourreau était absent. Il tituba en longeant le mur, les yeux plissés dans l'espoir vain de mieux y voir. Il n'avait jamais autant maudit sa myopie qu'à cet instant. Ses lunettes étaient restées chez Elphias et il doutait fortement que son croque-mitaine personnel ne lui en procure des nouvelles, le condamnant aux tâtonnements et aux migraines ophtalmiques.

Il percevait deux portes et il s'y dirigea mécaniquement. L'une d'elle était verrouillée, mais l'autre donnait sur une salle de bain pourvue d'une baignoire, d'un WC et d'un lavabo. Que ce soit sur les étagères ou les rebords de céramique, tout était vide ou presque. On aurait dit que le propriétaire des lieux n'utilisait jamais cette pièce, et au vu de son faciès, ce n'était pas si étonnant. Sur le rebord des toilettes, il y avait un unique rouleau de papier, et sur la cuvette refermée, il trouva une serviette, un gant et une tenue complète soigneusement pliée et repassée. Manifestement ces choses avaient été posées à son intention.

Le cœur au bord des lèvres, il s'assit dans la baignoire et alluma le jet d'eau chaude à fond. Il aurait aimé pouvoir s'y noyer, comme un ultime pied de nez à Voldemort qui voulait désormais le garder en vie.

Poussant soudain un hurlement, il donna un violent coup de poing dans la baignoire. Puis un autre, puis un autre encore. Il voulait éclater ses doigts sur la céramique, ressentir une douleur suffisante pour peut-être oublier cette souffrance intérieure qui le dévorait. Il voulait barbouiller de sang cette surface trop blanche et trop propre. Il voulait déchirer sa peau, briser ses os, comme la juste punition pour s'être laissé faire et y avoir même pris du plaisir. 

Il haïssait son corps, ces formes qu'il voyait désormais comme androgynes, cette silhouette petite et maigre qui lui avait permis d'être Attrapeur, cette peau presque imberbe contrairement à ses camarades de dortoir, ces yeux qui rappelaient à tous Lily Potter. Mais surtout, surtout, il haïssait son second-genre, qui avait fait de lui une personne faible, soumise et désormais enchaînée au sorcier le plus sadique et le plus hideux de toute l'Angleterre.

Il hurla à s'en casser la voix et martela encore et encore jusqu'à ce qu'il ne ressente plus ses mains, ses doigts devenus rouges et boursouflés. Se couchant sur le côté, il resta un instant comme stupéfié, épuisé, sa volonté anéantie. Il n'avait jamais cru en Dieu, ni en un quelconque esprit supérieur régissant sa vie. Mais s'il existait un Merlin quelque part, il se demanda ce qu'il avait pu faire pour mériter un tel destin.

Il aurait sans doute pu s'endormir là, épuisé par le maelstrom d'émotions qui l'agitait, mais un frisson d'effroi le saisit soudain, le faisant bondir hors de la baignoire. Il ne fallait pas que le mage noir le trouve dans cet état. Il voulait des vêtements pour le protéger, le cacher, aussi maigre ce rempart puisse-t-il être face à sa magie.

Trahis-moi pour survivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant