(Quelques mois plus tard)
« Pouvez-vous écarter davantage les bras, indiqua l'une des vieilles femmes à l'attention de la fillette. »
Bianca obéit immédiatement, étendant les bras des deux côtés.
La servante passa un mètre autour de sa maigre poitrine, et Bianca grimaça face à cette proximité.
Les femmes passèrent sur elle une épaisse parure désagréable, sous laquelle la fillette étouffait. Le tissu était lourd, rugueux, d'un pourpre profond.
D'autres servantes, aussi adroites que ridicules avec leurs aiguilles, s'approchèrent. Bianca serra ses paumes de mains anormalement chaudes, recouvertes de plaques rougies.
Abzal jeta un rapide regard dans le salon, soupirant face à cette vaine agitation. Il se radossa contre le mur de l'entrée, les bras croisés sur sa poitrine.
Magda se tenait assise sur un petit tabouret installé dans le couloir. Leurs appartements s'étaient transformés en un cabine d'essayage, et elle préférait fuir ces pantins.
« Cette séance n'en finit plus, soupira Abzal en s'approchant. »
Magda leva lentement les yeux en direction de son regard sombre et pétillant. Ses cheveux bruns avaient été coupés ras, et sa barbe avait légèrement poussé. La gouvernante se mordit la lèvre inférieure, se détournant.
Abzal sourit, sentant, comme une vingtaine d'années auparavant, la tension envahir l'atmosphère. Il frémit, hésita, puis, lentement, s'approcha de la jeune femme. Sa chevelure dorée tombait délicatement sur ses épaules d'un blanc immaculé. Abzal caressa sa joue du revers de la main.
Magda déglutit, mais le laissa parcourir son bras droit, et saisir ses doigts, avant d'y déposer un baiser humide.
« A quoi joues-tu, Abzal, se plaignit la gouvernante sans le repousser ?
Elle cherchait sa respiration, serrant les pans de sa robe.
-Je termine ce que nous avions commencé, murmura le Seigneur.
Magda se leva du tabouret, le regard brûlant. Mais Abzal ne s'arrêta point.
-Cela ne te repoussait pas auparavant, chuchota-t-il à son oreille.
Le cœur de la jeune femme s'emballa, et elle croisa ses bras sur sa poitrine pour refouler les souvenirs.
-Abzal, nous étions des enfants, répliqua-t-elle en s'éloignant davantage. Tu n'étais pas encore le Seigneur de ce Château, ni...
-Ni son époux, coupa-t-il. C'est ce que tu t'apprêtais à dire, n'est-ce pas ? »
La gouvernante ne répondit rien. Abzal saisit son menton pointu entre son pouce et son index, la poussant à le regarder, l'admirer, le dévorer. Longuement.
« Magda...
Elle hocha la tête en signe de réponse, avant de clore ses paupières.
-Elle n'est ma femme que sur le papier, reprit-il. J'ai grandi avec vous deux, je vous ai aimées toutes deux...
-Mais c'est d'elle dont tu es amoureux, regretta Magda.
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Visage de l'oubli
FantasiElle s'est réveillée, et a réalisé que tout, depuis le commencement, n'était que mensonges. Bianca imaginait les Royaumes du Continent comme des assassins, débutant une guerre sans fin. Elle pensait ses parents comme des ennemis, ceux qui l'avaient...