Chapitre 22

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        Sa voix troublée, triste, sanglotant et aboyant de douleur, résonnait dans la salle vide.

« Maman... ».

Ce mot lui semblait étrange, comme s'il était trop longtemps demeuré coincé dans le creux de sa gorge...Tel un souvenir trop souvent repoussé, recroquevillé dans un contenu alors inaccessible.

Désormais, les souvenirs n'étaient plus seulement des sensations. Ils devenaient des images, des sons, des voix, des personnes...Désordonnés, apparaissant les uns après les autres dans un flou rapide, et douloureux.

Comment tous ces événements avaient-ils pu être si facilement oubliés, effacés ?

Comment avait-elle pu perdre l'entièreté d'une vie ?

Bianca se coucha sur le sol froid, face contre terre, et tapa longuement du poing, s'effondrant sous le chagrin.

Ils lui avaient enlevé son histoire. Ils avaient détruit chaque personne qu'elle avait aimée. Ils l'avaient privé d'une mère.

Désormais, le désir de vengeance emplissait chaque recoin de son corps. Non pas une vengeance enfantine, mais une vengeance mortelle.

Un visage demeurait gravé dans son esprit ; la peau mate, les yeux sombres, les cheveux bouclés.

Son père.

Comment avait-il pu ?

Il avait inventé tant de mensonges, tant de vies différentes...

Bianca réalisa alors l'ampleur de la haine qu'elle ressentait pour lui. Elle l'avait tant idolâtré étant enfant. Mais il s'était servi d'elle sans aucune hésitation. Il n'était qu'un être vicieux, corrompu, et égoïste.

Et il l'avait privé d'une mère.

Bianca se rappela soudain, comme un souvenir brillant plus fort que les autres, ces jours de coma lors de sa huitième année. De la dernière fois qu'elle avait vu sa mère. De ses derniers mots...

Où se trouvait-elle désormais ? L'avait-il enlevé, torturé, ou même tué ?

La jeune fille frémit de douleur, tandis qu'elle se remémorait son visage. Sa peau aussi claire que la sienne, ses yeux azur, ses longs cheveux noirs, sa douce odeur de rose.

Ils lui avaient enlevé toute raison de vivre. Elle était demeurée la prisonnière du pouvoir qu'ils avaient greffé en elle. Cette chose qui grandissait, chaque jour davantage, l'obligeant à agir sous la contrainte. Celle qui usait de ses souvenirs, émotions, faiblesses, et peurs, pour la contraindre à obtempérer.

Jusqu'à la vengeance.


Bianca se releva finalement, et secoua ses vêtements encore emplis de vestiges humains.

Elle prit une profonde inspiration, la colère faisant légèrement rougir ses pupilles.

Ils l'avaient tant fait souffrir durant son existence.

Alors le restant de sa vie ne serait que vengeance, que justice. Et plus jamais on ne l'utiliserait de la sorte.


La jeune fille s'approcha du corps inanimé, et s'accroupit. Son cœur se serra.

En signe de respect, elle ferma les paupières de l'homme.

Sa peau était toujours chaude, comme celle des vivants.

Les souvenirs de leurs entraînements défilèrent alors dans son esprit, et une énième larme coula sur sa joue.

Visage de l'oubliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant