Chapitre 25

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         Elle marchait dans un couloir glacial, où les pas de quelques-uns résonnaient par milliers.

La fillette regardait brièvement de gauche à droite, retenue aux épaules par la main brûlante de son père.

Elle serrait fort les pans de sa chemise de nuit bleu pastel, pensant à sa mère enfermée dans la chambre.

Les choses étaient allées si vite.

Mais la fillette ne se rendait pas encore compte de l'importance de cette nuit, qui allait changer son destin à jamais.


Bianca se réveilla dans un sursaut de terreur. Sa poitrine semblait prête à exploser sous les battements de son cœur. Son visage, son corps, et ses draps étaient emplis de sang. Son estomac était douloureux. Elle avait envie de vomir.

« Un souvenir...ce n'était qu'un souvenir. », se répétait-elle pour garder contenance.

Mais cette pensée ne calmait pas la douleur.


Chaque nuit depuis la cérémonie, ses souvenirs la hantaient. Comme si elle les avait attisées.

Bianca soupira longuement, et quitta sa couette, remarquant que son poignet était encore gonflé. La marque imprégnée dans sa chair était rougie, et sanguinolente. La voir lui rappelait à chaque instant ce qu'elle était devenue: une meurtrière, ou un monstre.

Elle s'assit au bord du lit, observant la nuit qui englobait le ciel par la fenêtre.

Ses pieds tachetés de pourpre entrèrent en contact avec le sol dans un frisson.


Bianca n'avait pas quitté sa chambre depuis la cérémonie. Du moins n'avait-elle pas eu le droit de la quitter.

Elle était enfermée dans cette pièce, telle un animal.

Des servantes vêtues de noir venaient lui apporter son repas à heures fixes.

Mais le reste du temps, elle demeurait infiniment seule, ressassant ses souvenirs débloqués, écœurée par sa propre vie.


Par moments, elle pensait à la cérémonie. A la rapidité avec laquelle elle avait eu lieu, sans que quiconque ne lui explique de quoi il s'agissait. De ces Cartiens dont elle ne savait rien, et dont elle n'avait aucun souvenir.

La marque sur son bras semblait pointer du doigt une existence de mensonges, et de souffrance.

Sa mémoire resurgissait par moments, dans d'intenses crises, où Bianca perdait entièrement le contrôle de son corps.

Chaque réminiscence était plus douloureuse que la précédente, comme si son corps devait lutter contre la prison de sa mémoire. Sa silhouette était marquée par ces transformations ; amaigrie, cadavérique, et faible.

Bianca sentait encore, dans sa bouche, le goût ferré du sang, qui l'avait habité de longues années. Cette soif pour le combat, pour la mort qu'ils avaient greffé en elle.

Et si elle ne s'était jamais réveillée, que serait-elle devenue ?


La jeune fille était incapable de se lever, encore épuisée. Son corps s'amaigrissait de jour, comme s'il se préparait à l'auto-destruction. Comme si son esprit rongeait le peu de vie restant.

Chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle se remémorait le déroulement de la cérémonie.

Les êtres surnaturels qui l'observaient. La langue inconnue qu'ils parlaient, et qu'elle avait su déchiffrer sans ne jamais l'avoir entendu. Les discussions mentales, dont elle avait retrouvé la faculté. La marque sur son avant-bras, demeurant douloureuse.

Visage de l'oubliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant