Chapitre 19

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Lorsque je toque à la porte de Andy', je n'entends pas de réponse, donc je retente ma chance. Je ne voudrais pas tomber sur des choses compromettantes comme la dernière fois. Deux ou trois secondes plus tard, il me répond avec un "entrez" haut et clair.

Je pénètre donc son dans son bureau et lui fais un sourire. Il hausse un sourcil pour savoir ce qui m'amène, et je lui répond que nous allons passer à table. Il hoche la tête et me dit :

- Ok, j'arrive, mais pas de suite.

Au moment même où il me dit ça, je vois ses traits s'affaisser sous la fatigue et je me rends compte pour la première fois du boulot harassant qu'il abat chaque jours. Il semble... déçus. Peut-être aurait-il voulu passer un peu plus de temps avec la meute ? C'est sa famille, après tout.

Je me dirige vers son bureau et me positionne derrière lui, posant mes deux mains sur ses épaules. J'essaye de savoir ce qui l'attriste autant en lui demandant doucement :

- Hey, ça va ?

Il se frotte les visage de ses deux mains.

- Ouais... Ouais, dit-t-il, avec un air épuisé. C'est juste que...

- Que... ? Je le questionne, essayant de lui tirer les vers du nez.

- Que passer du temps dans ce bureau et non avec toi, ça me déprime, déclare-t-il plus franchement.

Je suis dans l'incompréhension la plus totale. À ce point-là ? Je sais qu'il est amoureux de moi, mais... Je ne savais pas qu'il était si perdu de ne pas passer du temps avec moi. Mon Dieu... Et s'il... S'il s'accroche plus à moi qu'il ne l'est déjà ? Comment je vais faire ?

Je me recule d'un coup, paniqué. Je me rends enfin compte ce qu'implique le terme "âmes-sœurs" et ça m'effraie.

Sentant mon agitation, il se retourne brusquement et essaie de me retenir quand il voit que je me dirige vers la porte.

- Alex, attends ! Je ne sais pas ce qui t'apeure, mais... Il faut qu'on en discute ! S'il te plais !

Remarquant que je suis pas sur le bon chemin pour l'écouter, il me ré-interpelle :

- Alexander. Reste ici.

Je sens que son ton est devenu plus autoritaire, j'ai le sentiment que c'est la voix qu'il prend lorsqu'il est en colère et que c'est maintenant qu'il est un alpha. Malheureusement pour lui, ça ne prend pas et ça ne m'effraie pas le moins du monde. Je m'en vais donc de cette pièce où la tension est palpable.

Lorsque j'arrive en bas, tout le monde est attablé et je suis nerveux. Les regards se braquent sur moi, sentant mon état. Andrew arrive en trombe après moi, et s'assoie, sa mauvaise humeur palpable, puis les loups se mettent à regarder leurs assiettes, apeurés.

Les loups-garous sont très sensibles aux humeurs des autres, surtout à celles des humains, mais ils le sont encore plus à celles des loups de leur meute. Donc, ils sentent mon état, et ils sentent aussi celui de leur alpha. En gros, les lycans sont des éponges à sentiments.

Le repas se passe dans un silence des plus total et l'ambiance y est tendue. C'est alors que Scott brise le silence en posant des questions à Diana :

- Alors, princesse, comment tu as trouvé le voyage avec Alice et les cousins ?

- C'était trop bien !

Tout le monde semble en adoration devant l'enthousiasme de la petite et les traits des personnes autour de la table se détendent, ce qui rend l'ambiance tout à coup beaucoup plus légère. Tout cela rend ma culpabilité tout à coup moindre, car je n'aurais pas supporté de rendre l'atmosphère lourde et froide. Je remercie intérieurement ce petit ange qu'est Diana de se ficher royalement des affaires des adultes et de ne pas se rendre compte de ce qui l'entoure.

***

Nous sommes tous posés de nouveau sur le canapé et nous regardons un dessin animé qui plaît à Diana. Je ne sais plus le titre, mais je crois que ça passait beaucoup, en France, lorsque j'étais petit. Un chat qui attrape une souris, je crois. C'est au moment où le chat s'apprête à bouffer la souris, que je reçois un coup de fil de la part de Papy :

- Jai besoin de toi, c'est urgent, dit-il d'une voix essoufflée et je pressent que c'est important.

- D'accord, j'arrive immédiatement, file-moi l'adresse.

Et il raccroche.

Scott, qui tient dans se serre la petite dans ses bras, me dit d'un ton alerté :

- Tu veux les clés d'une des voitures ?

J'acquiesce, et me lève, essayant d'être le plus rapide possible, je vais chercher mes affaires dans la chambre. C'est mon sac avec toutes mes armes. J'attache des lames là où il en faut et redescend en bas.

Puis, Scott me jette les clés et je sors en trombe dehors. Je mets rapidement le GPS et me dirige vers l'endroit que papy m'a indiqué sur l'adresse.

Au moment où j'arrive, je tombe sur une charmante petite maison de campagne où tout semble calme. C'est trop calme, justement. C'est alors que j'entends un coup de feu. Puis deux. Je me précipite à l'intérieur de la maison et tout redevient comme avant, c'est-à-dire, une ambiance froide et une accalmie glaçante.

A l'intérieur de la maison, tout semble vieux et usé. Un feu crépite dans la cheminée, comme si de rien n'était. Je progresse doucement dans cette vieille baraque à l'aise de la lampe torche. De vieux bibelots ornent les murs ainsi que les étagères, il a des livres partout, ce qui me rappelle douloureusement Maya.

Tout à coup, un grand cri de souffrance se fait entendre. C'est Papy. Mes sens sont en alerte. Je marche tout aussi doucement pour ne pas tomber dans des pièges. Je monte les escaliers en observant ce qui m'entoure.

Lorsque j'arrive devant la pièce d'où provient le cri, et j'entrevoie une personne disparaître par la fenêtre.

Et je vois papy, au sol, dans une marre de sang, qui me supplie de l'aider.

***

Il est dix heures du matin lorsque le médecin m'autorise enfin à aller voir papy dans sa chambre. Il est passé de services en services, et c'était très long. Comme je suis son parent le plus proche, j'ai le droit d'aller le voir. La nuit a été longue.

J'ai plusieurs appels manqués de Andrew, mais je n'ai pas eu envie de lui répondre. Par contre, j'ai eu Scott, apparemment tout va bien à la meute, puis Alice, parce que la petite se demandait où j'étais passé.

Lorsque je passe le pas de la porte, Papy est en train de dormir. Je m'assoie sur le fauteuil qui est juste à côté du lit et serre sa main dans la mienne. Pour la première fois depuis longtemps, je sens une vague monstrueuse de chagrin m'envahir.

La Lune RousseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant