La Lune Rousse

Chapitre 30

Cela fait maintenant trois jours que nous sommes dans la maison de la petite dame. Elle s'appelle en réalité Betty et est la grand-mère de Lindsay. C'est assez troublant qu'elle soit si gentille après avoir vociféré des insultes de cette manière. Étrange, mais en vérité, elle adorable, donc ni Melvyn, ni moi, n'en tenons compte.

Par ailleurs, malgré le fait que Betty nous concocte des plats extraordinaires, nous vivons dans un silence pesant. Personne ne parle de ce qu'il s'est passé en Californie ou même de qui est Romy. Ce mutisme cache un gros secret, je le sais, mais je n'ose poser de questions à personne.

Cette ambiance est définitivement lourde ; d'un côté je ne me permet pas de questionner et d'un autre, personne ne répond à mes questionnements silencieux.

***

La vie est définitivement douce auprès de Betty. Malgré ses manières de vieille louve, elle fait preuve d'une gentillesse hors du commun. Lorsqu'elle se lève avant tout le monde - ce qui est souvent le cas -, elle fait des pancakes excellents.

La maison dispose d'un jardin immense qui permet à Betty, Melvyn et Lindsay de se transformer à leur guise et de pouvoir gambader autant qu'ils le souhaitent. Cette bâtisse possède aussi cinq chambres toutes dans un styles des années soixante-dix.

Je suis actuellement dans la mienne et je fixe le plafond en me posant des questions. Celles qui me tournent le plus dans la tête sont celle-ci : Est-ce que Andrew va bien ? Si oui, pourquoi ne m'a-t-il pas déjà appelé ?

Certes, la situation est sûrement plus compliquée que ce que je ne crois, mais quand même. Un coup de fils, ça ne mange pas de pain.

Essayant de ne pas ressasser, je sors de la chambre et vais en direction du jardin. Betty y fait pousser toutes sortes de légumes et de fruits, car elle a un potager et un verger. J'aimerais bien aller voir si elle est quelque part dans cette grande étendue verte pour éventuellement l'aider.

Lorsque je passe par la cuisine et croise Melvyn et Lindsay en train de chuchoter entre eux avec des mines inquiètes. Ils parlent si bas que je ne peux pas écouter. Miraculeusement, j'arrive à entendre un bout de phrase qui ressemble étrangement à « Il ne faut en aucuns cas qu'il sache pourquoi il est là. ».

Lorsqu'ils m'aperçoivent, ils sursautent et détournent le regard comme des gamins pris en faute. Bon... Je sais qu'ils parlaient de moi,

Je continue donc mon chemin vers le verger et ne m'arrête pas plus que nécessaire. En même temps, je prends mon téléphone et essaie de joindre Andy'. Je tombe directement sur la messagerie et cela m'énerve plus que ça ne le devrait. Depuis quand suis-je agacé par quelque de si insignifiant ? Ce n'est pas si grave, pourtant. Il a sûrement plus important à faire que de me joindre...

Et pourtant, rien que cette idée me met en furie. Ce n'est pas ce que je m'imaginais comme relation avec lui et cela me met les nerfs. J'aurais dû me douter que tout ne serait pas idyllique. Et pourtant, naïf comme je suis, je n'ai pas fait attention aux signes évidents. Ces derniers temps il ne mangeait plus avec nous, il passait moins d'heures avec Diana à jouer et je ne l'entendais jamais aller dans sa chambre pour dormir. J'aurais dû me douter ! Maintenant, il est sûrement dans une position délicate et je ne peux plus l'aider.

De loin, j'aperçois Betty dans la verrière. C'est une grande serre en verre pleine de fleurs magnifiques et elle y passe la plupart de son temps. Je la salue et elle me répond simplement d'un signe de tête. Je crois qu'elle est en train de rempoter des fleurs pour les mettre à l'intérieur. Les petits piques qui se trouvent sur la tige et la forme des feuilles m'indiquent que ce sont des rosiers. C'est vrai qu'il n'y en a pas beaucoup dans la serre, ça pourrait faire joli.

***

Nous sommes à table dans la salle à manger et personne ne parle, il y règne un silence de plomb. C'est pesant, comme ambiance.

Alors, je décide de casser la glace et me lance :

- Pourquoi suis-je ici ?

Interloqués, aucunes des personnes présentes présentes dans la pièce ne répond. Betty se contente de dire en soupirant :

- Tu vois, Lindsay, je t'avais dit qu'il ne se laisserait pas faire sans poser de questions.

Puis, elle se lève et quitte la table lentement de sa démarche vieillissante.

Melvyn et Lindsay ne savent pas quoi répondre à ma question, même si malgré ça, je sais qu'ils s'y attendaient. J'allais bien la poser au bout d'un moment.

Alors, c'est Lindsay qui se lance la première et qui se décide à me répondre :

- La situation est compliquée, me dit-elle d'abord et je suis déçu de cette réponse.

Voyant ma réaction, elle continue ce qu'elle est en train de dire.

- Andrew et Romy... Sont des amis de longue date.

Je lui jette un regard qui en dit et qui signifie que je ne crois pas un mot de ce qu'elle me dit.

- Attends, attends, je vais t'expliquer, s'agace-t-elle. Laisse-moi finir. Alors... Andrew et Romy sont des amis de longue date. Ils ont été amants il y a longtemps lorsqu'ils étaient encore des jeunes hommes et non des hommes. Ils devaient avoir la vingtaine, c'est-à-dire à peu près cinq ans après t'avoir rencontré. Mais il me semble que Andrew n'a jamais officialiser la relation au cas où tu reviendrais aux États-Unis. Romy lui en a énormément par rapport à cela et depuis, c'est la guerre entre eux.

Lindsay lâche un lourd soupir après ce monologue et étrangement, elle parait beaucoup plus vieille, comme si elle avait un poids sur les épaules. Malgré ça, elle continue son récit :

- Le problème, vois-tu, c'est qu'il n'y a pas que ça. Romy est une personne en colère, si en en colère que personne ne pourra l'arrêter. Il en veut à la terre entière pour son chagrin d'amour. Personne n'a de preuves contre lui, mais tout le monde le sait, Alex. Tout le monde sait ce  qu'il va se passer...

Elle s'arrête au milieu de sa phrase et n'arrive pas dire les mots tels qu'ils le sont. Je suis pendu à ses lèvres et n'ose pas l'interrompre. C'est alors que Melvyn intervient.

- Il va y avoir une guerre entre ceux qui détestent Andrew et ceux qui trouvent que Romy ferait un bon leader à sa place. Il va y avoir une véritable révolution.