𝐛𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐬𝐰𝐚𝐧 ℎ𝑜𝑝𝑒𝑚𝑖𝑛

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟒

Cela faisait plusieurs jours que Namjoon avait décidé du destin de Hoseok. Ce dernier avait déserté le camp. Yoongi se réjouissait de ces chamboulements. Il s'était empressé de se rendre au sommet de la montagne dès que l'occasion s'était montrée. Il s'était langui d'annoncer la nouvelle à Irene. Leurs retrouvailles furent chaleureuses. Du moins, elles l'étaient pour des démons. Leurs peaux nues furent lacérées de leur réjouissance, emmitouflées dans leurs grandes ailes noires.

L'excitation tassée, Irene fut la première à prendre la parole. Elle avait aussi quelque chose à lui annoncer.

— J'ai réussi, lui intima Irene. J'ai fait ma place parmi les créatures.

— Qu'as-tu trouvé ?

— J'ai suivi ce petit sorcier. Celui qui s'est installé tout près de la rivière Han. Je me suis fait discrète et j'ai demandé un emploi dans un endroit proche de ses fréquentations.

— C'est parfait, décréta Yoongi. Absolument parfait.

— Le lieu est idéal pour dégoter tous les potins. J'espère, cependant, que les choses avancent aussi de ton côté. Je ne vais pas tenir longtemps à assouvir le moindre désir de ces créatures. L'odeur des sorciers est pestilentielle. Et les vampires sont si sournois qu'ils pourraient bien me voler dans les plumes. Je ne leur fais pas confiance. À aucun d'entre eux.

— Ne t'en fais pas Irene, lui chuchota-t-il alors qu'il remettait derrière l'oreille de la jeune femme une mèche de ses longs cheveux noirs. La guerre est proche.

***

Plus bas, près de la rivière Han, Hoseok errait. Il avait attendu le retour de Jimin, mais ce dernier avait été occupé en ville. L'université avait pris beaucoup de son temps. La période d'examens se rapprochait peu à peu. La météo rendait les jours moroses. Les dernières traces de l'été avaient définitivement disparu. L'automne avait pris part entière du quotidien des habitants de Sungye. La brume comblait les rues. Le ciel était gris et nuageux. L'humidité était dans l'air. Les fines chemises et les gilets avaient été remplacés par des pulls en laine et des manteaux. L'hiver allait être rude. Hoseok s'en souciait déjà. La nourriture se retrouverait bientôt enseveli sous la neige. Il n'aurait plus rien à se mettre sous la dent, mettant en péril l'appétit de son petit frère à qui il rendait visite clandestinement.

La saison qui s'annonçait allait probablement être la plus dure que les hommes n'avaient jamais vécu depuis leur exil. La mission de Hoseok devait trouver une fin très proche. Seulement, il n'était plus sûr de rien. Ces derniers temps, alors même qu'il attendait fermement le retour du sorcier, il avait pu se donner à une réflexion plus profonde. Il n'était pas bien sûr de vouloir faire une chose pareille. Ce sorcier n'avait pas l'air bien méchant. En mettant de côté son animosité, s'allier à cet être pourrait peut-être s'avérer bénéfique. L'entente pourrait mener à un espoir de paix. Ce serait ce vers quoi Hoseok pencherait si cela ne tenait qu'à lui. Cela dit, Namjoon ne l'entendrait jamais de cette façon. Sa souffrance et sa haine étaient bien trop grandes pour accepter une quelconque forme de pardon. Hoseok devait faire attraction de telles pensées pacifistes. L'important était que son frère était en sécurité et en bonne santé. Si le prix à payer signifiait de trahir un membre du clan ennemi, il le ferait.

Même si Hoseok cherchait à se conditionner, il redoutait malgré tout sa prochaine rencontre avec le sorcier. Cela faisait des jours qu'il attendait son retour devant la petite bicoque. Il avait patienté longuement. La journée, en revanche, il la passait à chasser ou à faire de la cueillette. Il arrivait qu'il passât à son camp avant le coucher du soleil. À la nuit tombée, il guettait les alentours de la bicoque. Jusqu'à présent, ce fut le calme plat. Il dormait à peine. Le froid figeait ses membres. Aucune lumière ne brillait à travers les fenêtres de la maisonnette.

Sa patience se retrouva toutefois récompensée. Jimin était de retour. Il avait bravé la pluie pour se rendre à son atelier. Il portait un long manteau noir sur le dos. Une sacoche en cuir brun pendait de son épaule. Ses lunettes, posées sur son nez, lui brouillaient la vue pour cause de toutes les petites gouttelettes qui s'étaient accumulées sur le verre. Il était entré dans la maisonnette et s'était défait de ses affaires trempées. Il avait filé sous la douche pour se réchauffer. Hoseok, toujours à l'extérieur, s'était caché pour ne pas alerter le sorcier. Il avait attendu qu'il sortît de la salle de bain pour tenter une approche.

Hoseok se sentait comme un fugitif, un criminel. Il sortit de derrière les buissons la peur au ventre. La pluie s'abattait sur sa tête. Il avait traversé la rivière Han qui coulait à torrent. Son courant était très agité. Hoseok non plus n'était pas tranquille. À travers la fenêtre, il aperçut Jimin qui s'était changé. Il portait un t-shirt blanc et un bas beige. Ses cheveux étaient humides. Une serviette entourait sa nuque. Son regard, dégagé de ses lunettes rondes, fut attiré par un morceau de papier. Une illustration, semblait-il. Celle-ci l'invita à jeter un coup d'œil dehors. Ce fut alors qu'il le vît.

Jimin demeura incertain. Rêvait-il ? Il crut reconnaître Hoseok à l'extérieur. Son imagination lui jouait-elle des tours ? Cela lui paraissait inespéré. Dubitatif, il avait cligné plusieurs fois des yeux. La silhouette n'avait pas disparu. Surpris, il se précipita à l'entrée et ouvrit la porte en grand. Hoseok s'avançait à tâtons. Il restait sur ses gardes, bien que le visage du sorcier s'illuminât sitôt qu'il prît conscience que Hoseok se trouvait bien là, devant lui.

— Hoseok ? demanda-t-il d'une voix douce.

Jimin s'était laissé emballer par la joie. Dès lors que Hoseok arriva jusqu'à lui, il fut envahi par la même vague d'émotions dont il s'était épris la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Ils se toisèrent un long moment sans prononcer un mot. Tous deux étaient très troublés.

— Je suis très heureux de te revoir, déclara finalement Jimin qui se sentit de plus en plus gêné par la situation.

Hoseok ne partageait pas son bonheur. Il se sentait honteux pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Il baissa la tête. Face à sa réaction, Jimin s'affola.

— T'est-il arrivé malheur ? s'enquit-il.

— J'ai, commença Hoseok avec difficulté. J'ai commis une faute auprès de mon peuple. Tu ne pourrais pas comprendre si je t'expliquais.

— Je vois.

— Ils m'ont condamné à l'exil.

Cet aveu ébranla Jimin.

— Je ne savais pas que les hommes pouvaient être si cruels envers ses semblables.

Ses pensées furent émises tout haut. Jimin ne s'en rendit compte qu'après-coup. Hoseok appelait à l'aide indirectement. Cela n'était pas commun pour un homme de demander la charité à un sorcier. Jimin serait pourtant prêt à lui tendre la main.

— J'imagine que tu n'as nulle part où aller.

Hoseok secoua la tête. Silencieusement, Jimin hocha la tête, entendu. Il avait une proposition à lui faire, mais cela ne lui semblait pas bien raisonnable. Si l'un de ses amis venait à l'apprendre, ou si même un vampire s'en rendait compte, Hoseok le paierait de sa vie. Jimin se sentait toutefois capable de prendre un tel risque. Il ne pouvait le laisser ainsi démuni et livré à lui-même dans une nature qui reprenait ses droits et qui était source de graves dangers pour un homme seul.

— Je peux te proposer mon toit au moins pour la nuit, se tenta-t-il. C'est un peu absurde quand on y pense, mais je me dis que peut-être...

— C'est d'accord, le coupa Hoseok.

L'humain avait adopté un ton très grave. Il n'avait pas hésité un instant, mais la façon dont il avait accepté cette offre laissa à deviner qu'il devait prendre sur lui. Cela le peinait beaucoup, mais il ne devait pas avoir d'autres choix. Jimin s'écarta donc pour lui laisser libre passage.

— Viens. Entre, l'invita-t-il, ou tu vas prendre froid.