𝐛𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐬𝐰𝐚𝐧 ℎ𝑜𝑝𝑒𝑚𝑖𝑛

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑

L'amusement s'était tassé. Les boissons s'accumulaient sur le bar et les clients attendaient. Les serveurs avaient du pain sur la planche. Ils s'en voyaient bien obligés de laisser leurs amis à leurs conversations.

— Nous allons devoir vous laisser, déclara Joy. Les clients attendent qu'on les serve.

Cette dernière s'en alla aussitôt, sous l'acquiescement bienveillant des sorciers. Seokjin se permit de s'attarder quelques minutes de plus. Il avait l'air fatigué. Dernièrement, il lui arrivait de devoir passer des nuits entières à se charger de la gestion du café, et cela, en plus de longues journées de labeur. Ses larges cernes témoignaient ainsi d'un grand manque de sommeil qui commençait à lui peser sur le moral. Joy l'aidait comme elle le pouvait, mais la peine était devenue trop lourde à endosser.

— Tout va bien, Seokjin ? s'enquit Yeri qui s'était aperçue de son état déplorable.

— Joy et moi sommes débordés en ce moment, avoua-t-il.

Le gérant se cachait bien devant sa femme de laisser paraître son épuisement. Au fond, elle en était consciente, l'éprouvant elle-même. Seulement, Seokjin s'entêtait à lui faire croire que des jours meilleurs les attendaient.

— Nous n'avons pas à nous plaindre, poursuivit-il. Nous avons beaucoup de travail, à ne plus savoir où donner de la tête. L'Antique n'a probablement jamais autant attiré de monde. Je devrais en être très heureux. Cela dit, je crains que nous ayons besoin d'un petit coup de pouce. À ce rythme, l'un de nous deux va finir par flancher. Et je ne peux pas demander à Jungkook de faire davantage d'heures supplémentaires. L'aide d'une tierce personne ne serait sans doute pas de trop. Nous en avons les moyens et nous y songeons très sérieusement. Cela impliquerait de mettre certaines de nos convictions de côté, mais si nous pouvons au moins nous voir soulagés de toute cette paperasse, je crois être prêt à faire quelques sacrifices.

Yeri hocha la tête en signe d'approbation. Cette décision lui paraissait sage en vue de la détresse qui émanait des gérants.

— Vous avez le droit de prendre du temps pour vous, lui accorda-t-elle. Vous avez passé bien des années au service des autres. Vous méritez qu'on vous soulage un peu.

— Joy a préparé des affiches, décréta-t-il. Jungkook se chargera de les placarder sur les vitres du café ainsi qu'à différents endroits stratégiques en ville. J'espère que nous trouverons quelqu'un rapidement.

— Je vous le souhaite.

Yeri était une jeune femme bienveillante et dévouée. De temps à autre, il lui arrivait de rejoindre l'équipe de L'Antique pour y faire quelques services en fin d'après-midi. Il s'agissait d'un emploi à mi-temps qui lui servait à financer en partie ses études de biologie. Cela permettait également d'alléger sa sœur Seulgi, qui se chargeait de couvrir les frais à l'aide de son maigre salaire de bibliothécaire.

— Enfin ! s'exclama Seokjin. Je ne vais pas vous embêter plus longtemps. Joy a besoin de moi pour la seconder.

— Ne t'en fais pas pour nous, lui assura Seulgi. Nous avons tout ce qu'il nous faut. Pars remplir ton devoir !

Le gérant ricana.

— Faites-moi signe si vous avez besoin de quoi que ce soit, insista-t-il toutefois. Tu voudrais peut-être boire quelque chose, Jimin ?

— Un verre d'eau me conviendra amplement, répondit ce dernier.

— J'arrive tout de suite.

Seokjin accourut derrière le bar et apporta un verre d'eau à Jimin. Il s'éclipsa finalement pour aller donner un coup de main à Joy. Les deux sœurs et Jimin compatissaient à la vue du couple qui s'acharnait à satisfaire bien chaleureusement le moindre désir de leurs clients. Les temps étaient plutôt durs pour Joy et Seokjin. Ils faisaient mine de rien, mais derrière le succès de leur affaire, se cachait une douleur persistante. En effet, ils avaient pour souhait de fonder une famille depuis des lustres, sans jamais y être parvenus. L'Antique fut le seul moyen qu'ils eussent trouvé pour noyer leur chagrin. Il portait une grande place dans leur cœur. Ils y tenaient comme à la prunelle de leurs yeux. Néanmoins, leur souhait le plus fort demeurait dans les cris d'un nouveau-né qu'ils espéraient entendre un jour résonner entre ces murs.