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- C’est incroyable, les nouveaux se succèdent cette année, déclare Théa près de mon oreille.

Je lève les yeux de mon Rubik’s Cube et lâche un petit « hum ? » d’incompréhension.

Mon amie lève les yeux au ciel et saisit ma tête entre ses mains pour me montrer la direction que je dois suivre. Mon regard tombe sur un mec en débardeur et en jeans que je considère comme bien trop petit pour lui, une clope au bec et une coupe ridicule.

- Oh non, Théa, ne commence pas déjà ! je m’exclame en me massant les tempes.

Cette fille est un vrai piège à mec. Elle est toujours en chasse d’une nouvelle conquête, c’est incroyable le nombre de gars avec qui elle est sortie.

- Arrête, t’as vu son cul, il doit en passer des heures à la salle !

Je souffle et secoue la tête.

Nous n’avons même pas fait notre première heure de cours de cette année qu’elle en a déjà repéré un. J’espère juste pour lui qu’il est solide, parce que Théa risque d’en faire son quatre heures…

- Oui mais toi aussi, tu as une vie sentimentale catastrophique, je dois bien rattraper tes conneries ! reprend-elle en me donnant un coup de coude dans la côte.

Je fais tourner le jouer entre mes doigts et le réalise rapidement. C’est trop simple, ce n’est même plus drôle.

- J’ai peut-être une vie sentimentale merdique, mais moi je ne m’en plains pas, je suis très bien comme ça ! je rétorque.

Et c’est la vérité. Je n’ai pas eu beaucoup d’amoureux en dix-huit ans d’existence, mais j’en ai eu bien assez pour comprendre que l’amour n’était pas fait pour moi.
Je suis très bien toute seule, et me mettre en couple ne m’intéresse pas le moins du monde. Il n’y a que Théa que ça dérange, au final.

Un groupe de garçon passe près de nous et nous siffle bruyamment. Théa leur fait un petit geste de la main tandis que je ne lève pas le nez du cube.

Merde, les garçons sont vraiment débiles.

- Même quand ils te regardent tu ne veux pas leur dire bonjour ! s’indigne-t-elle. Meuf, tu as eu le plus gros glow-up de tout Hawkins, alors utilise cet atout à ton avantage !

Je lui lance un regard noir et refuse d’un signe de la tête.

Dans ses phrase, il n’y a pas que tu faux non plus. Il est vrai que pendant ces vacances, j’ai pas mal changé. Avant, je me sentais très mal dans ma peau. J’ai ainsi décidé de me reprendre en main, et j’ai littéralement changé de tout et pour tout ! Je me suis teint les cheveux en brun, j’ai appris à me maquiller, j’ai payé un abonnement à la salle de sport, j’ai changé mes vêtements, j’ai commencé à manger plus sainement, je me suis affirmée et j’ai pris confiance en moi.

Je suis fière du chemin que j’ai accompli, et je laisse derrière moi cette image d’une fille un petit peu trop maigrichonne, qui ne mange rien et qui fait la gueule tout le temps, qui s’habille avec des t-shirt chat et des jogging galaxie, qui a des cernes énormes, sans oublier l’absence totale de maquillage et le port de grosses lunettes rondes (et oui, je suis myope, c’est pas de chance).
D’ailleurs, une de mes lentilles me gratte sévère.

Enfin bref, j’ai bien changé en quelques mois, et j’assume totalement. Je suis fière de moi, et le premier que ça dérange, et bien il peut aller se faire foutre.

Cependant, j’ai toujours cette étiquette qui crie « NERD » collée à la peau. Car oui, on a beau changer physiquement et se forger un mental d’acier, on ne change pas forcément ce qui nous passionne. Alors pour rien au monde je ne mettrais de côté mon Rubick’s Cube, mes livres de sciences, les revues mathématiques et tout ce genre de choses… Nerd un jour, nerd toujours. Et cela me va parfaitement bien.

- Je ne veux pas que tu quittes ce lycée en étant vierge, elle me dit Théa d’un ton hyper sérieux. C’est trop la loose.

Je souffle une énième fois et lui pince le bras.

- Je préfèrerai autant que tu ne fourre pas ton nez dans ce genre d’affaire, je la préviens. Tu risques d’être rapidement déçue.

- Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas essayer de sortir avec un mec ! s’indigne-t-elle en levant les mains au ciel d’un geste théâtral.

Elle finit par se figer, et par laisser tomber ses bras. Elle se tourne lentement vers moi, les yeux ronds.

- Ou peut-être que tu préfères les filles ? elle me demande, sur ses gardes.

Je souris malgré-moi et lui tapote le dos.

- L’un ou l’autre, c’est pareil, je n’en veux pas, je réponds simplement.

Elle acquiesce d’un signe de la tête et déglutis avant de se diriger vers son casier.

Lorsque je claque la porte de celui-ci, mon regard tombe sur Nancy Wheeler qui est déjà en train de se disputer avec son petit-ami, aka Steve Harrington.
Je lève les yeux au ciel ; ces deux-là se crêpent le chignon plus qu’ils ne baisent.
Avec Théa, nous sommes bien d’accord pour dire qu’ils n’ont rien à faire ensemble. Mais après tout, ce n’est pas ma vie, et tant qu’ils sont heureux, tout va bien.

Mais je crois que je les ai regardés un petit peu plus longtemps que ce que je pense, car mon amie me prend les épaules et pose sa tête dessus.

- Il est beau, hein ? elle me demande. Inaccessible, mais beau. Très bon choix.

Je me retourne vers elle avec une grimace d’incompréhension. 

- Qu’est-ce que tu racontes, encore ? je demande, exaspérée.

- Enfin, t’as une touche sur le mec le plus en vue du bahut ! dit-elle un peu trop fort.

Je couvre sa bouche avec ma main pour la faire taire, en espérant que personne n’ai entendu sa bêtise.

- Arrête tes conneries, Théalyne, sinon je te jure que je vais t’étriper ici devant tout le monde, je la menace.

Elle mime de fermer sa bouche, puis de jeter la clef.

- Mais quand même, avant tu ne disais pas ça, ajoute-t-elle.

Non de Zeus, elle ne la ferme jamais ?

- C’était au collège ! je me défends.

- N’empêche ! contre-t-elle.

Je lui lance un regard noir et la laisse en plan lorsque la sonnerie retentie, bien contente d’avoir une échappatoire.

Ce que cette idiote entend par là n’est pas tout à fait faux. Je dois avouer que quand j’étais au collège, j’avais une petite touche pour Harrington. Bon ok une très grosse touche. Mais j’avais treize ans, et ce n’était pas sérieux. De toute manière, il ne s’est jamais intéressé à moi, et je suis sûr qu’il ne sait même pas que nous partageons la même classe depuis trois ans.

Une fois entrée dans la classe, je m’installe au second rang et sors un cahier et un stylo que je pose proprement sur la table. Les bonnes vieilles habitudes de première élève de la classe, que voulez-vous…
Lorsque le professeur fait irruption dans la salle, le silence se fait. Il s’installe rapidement et commence à faire l’appel.
Arrivé à mon prénom, je grimace.

- Annaëlle Miller ? il appelle.

Je lève la main et réponds présente.
Tous les regards se tournent vers moi, et ils semblent tous étonné de ne pas trouver ici la petite rousse immature qui les a quittés en août dernier.
J’entends même quelques murmures dans mon dos.
J’aimerais leur dire de la boucler, mais je n’en fais rien, et me contente de servir un petit sourire gêné au professeur et de plonger mon nez dans mon cahier.

Annaëlle Miller c’est moi, enchantée…

Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant