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Zach me lance un regard noir, me serre très fort le poignet et me relâche.
Il regarde férocement la personne derrière moi et si un regard pouvait tuer, je suis sûre qu’elle serait déjà morte quatre fois…
Ensuite, il reprend tranquillement sa route vers le lycée, comme si de rien n’était. Comme s’il ne venait pas d’agresser verbalement et physiquement une femme au milieu de la rue. Comme s’il ne venait pas de ma bousiller le poignet.  

Quant à moi, je finis tout de même par me retourner vers mon sauveur, dans le but de le remercier.
Et… Quoi ?
Sérieusement ?
Encore lui ?
Mais, il est partout ?

- Steve… je dis, une peu déçue. Tu me suis maintenant ?

Il passe sa main dans ses cheveux magnifiquement coiffés et rigole nerveusement.

- Non, je ne te suivais absolument pas. Je sors de chez un ami qui habite juste là, il dit en pointant une maisonnette dans le quartier voisin.

- Euh, Harrington, c’était une question rhétorique, je réponds en faisant un sourire crispé.

Il se gratte la nuque et rigole encore plus nerveusement qu’avant.

- Mais je savais, ahah !

J’hausse un sourcil et le dévisage. C’est quoi son problème ? Et puis quand on parle à quelqu’un, on le regarde dans les yeux, on ne le fuit pas du regard, non ? Quelles bonnes manières, dites donc !

Je serre mes mâchoires et je finis par regarder mes pieds.

- Merci beaucoup, je déclare d’une voix fort peu audible.

Il ne me répond pas, fronce les sourcils et saisit mon poignet préalablement « blessé » par Zach.
Mais contrairement à l’autre idiot, ses gestes de Steve sont très délicats et doux, il ne cherche pas à me faire pour ou à être agressif. Je suis assez surprise d’ailleurs, car sa réputation de roi du lycée ne mentionnait pas ce genre de chose. Je le voyais plutôt badboy et grosse brute, mais il n’en est rien du tout. Et fort heureusement pour moi, dans ce cas actuel.

- Il t’a fait mal ? il me demande en examinant ma main, comme s’il était inquiet.

Euh, ça aussi c’est bizarre.

Je me défais finalement de son emprise, gênée de cette proximité qui n’a pas lieu d’être et masse un peu ma blessure.

- Je n’ai rien, je réponds simplement en baissant la tête.

Harrington acquiesce, pas vraiment convaincu.

Décidant que ce moment extrêmement gênant a assez duré, je recommence ma marche vers le lycée. Mais le Roi du lycée n’est clairement pas de l’avis de me laisser tranquille, car il se place à côté de moi et décide de faire tout le trajet avec moi.
Pourquoi ?
Je n’en sais rien, mais je n’aime pas ça du tout. Mais alors pas du tout.
A quoi il joue ?
Qu’est-ce qu’il veut ?

- Tu es sûre que ça va ? Il ne t’a pas touché, j’espère ? il me demande après quelques mètres, en serrant la mâchoire.

- Mais non, je réponds. Oublie ça, s’il te plait.

Il secoue négativement la tête.

- Non, je n’oublie pas. S’il recommence, j’aimerais que tu viennes me prévenir.

On est arrivés devant le lycée, mais nous restons un peu à l’écart. Je crois que ni lui ni moi n’avons envie que les étudiants ne nous voient trainer ensemble.

- Écoute Harrington, je commence en soufflant. Je te suis très reconnaissante de ton intervention, vraiment. Mais s’il te plait, n’essaye plus jamais de me protéger. Passe une bonne journée.

Je n’ajoute rien de plus et n’attends pas sa réponse, puis me dirige vers l’entrée du lycée, tête baissée.

Je suis morte de honte qu’il ait dû intervenir. Je suis très heureuse qu’il l’ait fait, cela va de soit, mais en même temps, j’ai l’impression que je renvoie une image faible de moi-même. L’image d’une jeune fille harcelée dans la rue et qui n’est pas capable de se défendre toute seule.
C’est peut-être le cas, au final ?
Mais je ne veux pas le savoir. Je dois pouvoir me passer d’un individu de sexe masculin pour pouvoir me défendre. Je dois d’autant plus pouvoir me passer d’Harrington, parce qu’il n’a rien à foutre dans l’équation.
On s’est croisé par hasard, un heureux hasard certes, mais un hasard.

Je rentre dans le lycée, la tête remplie de toutes sortes de pensées. Je passe à mon casier rapidement pour chercher mes cahiers et quand j’arrive dans ma salle, je pars m’assoir à ma place en évitant le plus possible de croiser le regard de Zach.
Cette grosse brute me donne envie de vomir, si vous saviez.
Heureusement pour moi, il n’a absolument pas fait attention à ma présence. Comme tout le monde, au final.
Mais être transparente n’a pas que des défauts, je vous le dis. On voit tout et tout le monde, mais nous, personne ne nous voit observer.

Lorsque Steve rentre dans la classe, entouré de ses chiens de garde, je feins l’indifférence, et fais comme si je ne l’avais pas vu.
De toute manière, je suis sûre qu’il a oublié que nous partagions les trois-quarts de nos heures de cours ensemble. Et tant mieux, je n’aurais pas à subir ses regards suppliants ou même ses remarques.

Je ne croise pas Théa de toute la matinée et je suppose qu’elle doit être malade. Le soir, quand je lui téléphone, elle m’informe qu’elle a choppé une horrible gastro, je passe les détails. Je promets de prendre ses devoirs les prochains jours et de les lui apporter.

Je ne parle à personne de ce qu’il s’est passé le matin même. Ni à Théa, ni à mes parents, et encore moins à ma sœur. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai un peu honte. Et surtout, je suis en colère contre moi-même de ne pas avoir claqué cet enculé qui mériterait de finir en eunuque.

Le lendemain, après ma longue journée de cours totalement ennuyeuse en raison de l’absence de Théa, je décide de passer à la bibliothèque municipale, et je prends soin d’emprunter un magnifique livre intitulé « les arts martiaux pour les nuls » …

Je ne sais pas s’il me sera d’une très grande utilité (je n’espère pas avoir besoin de l'utiliser,  en tout cas), mais je l’ai lu en deux heures, et je me sens un minimum rassurée.

Finalement, je l’ai peut-être plus lu pour ma propre conscience que pour appliquer les techniques qu’ils nous décrivent… 

Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant