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Steve me secoue l’épaule pour me réveiller de ma stupeur.

- Anna, il faut partir ! me dit -il.

J’acquiesce rapidement d’un signe de la tête et, sans attendre plus longtemps, nous sautons de la voiture pour rejoindre celle des autres.
Le conducteur, dont je ne connais pas le nom, accélère et quitte rapidement le parking. Mais le monstre ne semble pas décidé à partir, car il nous suit de très près.

Dans la voiture, par manque de place, je me retrouve prise en sandwich entre la portière du coffre et Harrington.

Malgré-moi, je ne peux pas m’empêcher de fixer le monstre à nos trousses, la bouche mi-ouverte de stupeur, et les larmes qui menacent de couler.

Les autres semblent discuter entre eux, comme si tout était normal.

- Tout va bien ? me demande Steve.

Qu’il me redemande encore une fois ça et j’en fais de la pâté à flageoleur mental.

- Non, ça ne va pas non, je réponds un peu sèchement.

Il me sert un sourire désolé, et je m’en veux presque immédiatement de m’être emportée. Mais, faute de fierté, je ne m’excuse pas.

Steve me fixe quelques instants, et finit par ouvrir ses bras le plus grand que lui permet le peu de place dans la voiture.
Je l’interroge du regard. Qu’est-ce qu’il fait ?

- Ne me dit pas que tu n’as pas envie d’un câlin, là ? il me demande, un peu vexé.

- J’ai surtout envie de me réveiller de cet enfer, je réponds du tac au tac.

Il hausse un sourcil. Je me mords la lèvre, souffle un grand coup et finis par aller me blottir contre lui. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, mais je l’ai fait. Et je ne regrette pas.

Bien que je ne connaisse pas beaucoup Steve, on ne peut pas nier que ces câlins sont réconfortants. Je laisse alors ma tête se poser sur son torse, et sa main vient encercler mes épaules, puis il me serre un peu plus fort contre lui.

Je ne pleure pas, du moins je crois. Je me contente de profiter du peu de paix que cela me procure, car je sais que cela ne va pas durer.

Quelques secondes plus tard, le talkie grésille. Je me redresse un peu, intriguée. Je me remets à ma place, mais Steve prend bien soin de laisser sa main sur mes épaules. Cela ne me dérange pas autant que je le pensais.

- Qu’est-ce qu’il raconte ? demande Nancy.

- Je ne sais pas, je n’entends pas bien, répond Robin.

- Change de fréquence ? je propose.

Elle me lance un regard, comme si elle était surprise de me voir ici et qu’elle m’avait totalement oubliée, puis elle acquiesce.
Elle change de fréquence et…

- Turn around…

Je lève un sourcil.

- Look at what you see…

Cette fois, je fais les gros yeux.

- In her face… The mirror of your dreams…

Steve et moi échangeons un regard perplexe.

- Mais qu’est-ce qu’il fou ? demande Robin.

- Je rêve où il pousse la chansonnette ? râle le conducteur.

Moi, je n’arrive pas à me retenir de pouffer, tout comme Nancy et Steve.

- Genre c’est le moment, je lâche entre deux rires.

Alors oui, le monstre nous suit toujours, mais Dustin et je ne sais pas qui d’autre chantent, comme si tout était normal. Enfin…

- Eh, j’interpelle Steve en lui tapotant le torse. Il fait demi-tour ?

Il se place devant la vitre arrière et acquiesce.

- Les gars, le flageoleur fait demi-tour ! On retourne à Starcourt !

- Quoi ?! m’exclamais-je.

Mais pourquoi veulent-ils toujours se foutre dans la merde ? Il ne nous suit plus, c’est assez, non ?

- Il faut tuer ce truc, on ne peut pas le laisser se promener tranquillement dans la ville, m’explique Steve d’un ton calme.

Vu sous cet angle, je comprends mieux.
Simplement, j’acquiesce d’un signe de la tête.

Ainsi, on fait demi-tour, et de nouveau en route pour le centre commercial. Ce cauchemars ne finira jamais. J’ai l’impression de vivre la nuit la plus longue de ma vie.

*

Quand on arrive à destination, je ne comprends plus rien.

- Viens Anna, on passe par derrière ! me déclare Harrington.

Ne connaissant pas les lieux extérieurs, surtout en pleine nuit, j’acquiesce et le suis docilement, Robin sur les talons.

Nous rentrons rapidement dans le bâtiment et montons directement au premier étage.

Lorsque l’on arrive près de la rambarde, je suis encore plus perdue. Le Flageoleur Mental semble mort, sur le sol, tandis que la fille au pouvoir est couverte de sang, la rousse est au sol penchée sur… Sur…

- Billy ? je demande.

Steve se tourne vers moi, un sourcil arqué.

- Je ne m’appelle pas Billy, il répond, vexé.

- Mais je sais, sombre idiot. Mais… C’est… C’est Billy ? je demande en avançant pour mieux voir.

Mais Harrington m’attrape la hanche et me tire un peu en arrière.

- Anna, il ne vaut mieux pas que tu voies ça, il me dit tendrement.

Mais mon regard bloque sur mon camarade de classe étendu sur le sol. Est-il souffrant, ou mort ? Vu les pleurs de sa petite sœur, j’opterais pour la deuxième option.

- Annaëlle, s’il te plait, viens, me supplie Steve en me tirant encore un peu en arrière.

Malgré moi, je n’arrive pas à détourner les yeux, et ces derniers commencent à me piquer.
Je crains de pleurer.

Je n’aimais pas vraiment Billy, certes, mais il ne méritait pas de mourir non plus. Et puis, qu’est-ce qu’il fou ici, d’abord ?

- Aller, ça suffit, j’entends.

Sans que je n’aie le temps de dire quoi que ce soit, Steve me porte et me pose sur ses épaules comme un vieux sac.

- Ehhhh, je râle.

- Je t’ai dit de ne pas regarder. Je ne veux pas que tu sois marquée à vie, il déclare.

- Trop tard, je réponds simplement.

Je ne comprends pas tout, quand même.
Que s’est-il passé avec le monstre ?
Et Billy ?
Et Onze ?
Enfin, on est tranquille ?
Ou on risque de se faire attaquer par je ne sais quel monstre, encore ?

Je ne sais pas si j’aurai des réponses rapidement.
Je ne sais pas si j’aurai des réponses tout court.
Tout ce que je retiens, c'est que pour le moment, le calme semble être revenu.

Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant