Remember Me

2

À la fin de la journée, c’est avec joie que je sors du bâtiment pour rejoindre la cours.
Quand je suis enfin l’extérieur, c’est sans grande surprise que je retrouve Théa en pleine discussion avec cul-moulé, près de sa voiture qui fait un bruit à effrayer les canards.

Je souffle et m’avance vers eux pour aller chercher ma copine.

- Salut, je dis pour être un minimum polie.

Mais heureusement pour moi, le mec ne me relève même pas. Je ne sais même pas son nom...
Théa se tourne vers moi, un faux sourire collé aux lèvres.

- J’te ramène ou pas ? je lui demande d’un ton presque agacé.

Je sais très bien que la réponse sera négative, mais je sais aussi que si je ne lui propose pas, elle serait capable de me foutre un procès au cul car soi-disant je serais une amie indigne qui l'a laissé sans surveillance avec un garçon qu'elle connait à peine.
Enfin bref.

- Non merci, on me ramène déjà, elle dit d’un ton mielleux en s’accrochant au bras de l’autre gars.

Sérieusement, même si c’est mon amie, cette situation me donne la gerbe. Elle ne voit donc pas que le nouveau n’en a rien à carrer d’elle ? Une fois qu’il l’aura mise dans son lit, il l’oubliera totalement. Ceci dit, cela ne m’étonnerait pas que ce soit ce que recherche Théa.
Enfin, elle fait ce qu’elle veut de son entre-jambe, cela ne me regarde pas. Tant qu’elle ne se met pas en danger, je m’en fou.

- Ok, alors à demain, je réponds simplement en lui faisant un signe de la main.

Elle y répond et replonge vers sa future conquête.

Moi, je me dirige vers ma voiture et mets rapidement le contact, avide de quitter les lieux. J’embraye et je passe la première et en un roulement je suis hors du parking du lycée.
Je roule tranquillement quelques minutes, les cheveux aux vents, quand un souvenir me frappe de plein fouet.

- Merde ! je peste en pilant au milieu de la route de campagne.

Heureusement pour moi, la ville est déserte à cette heure-ci. En même temps, Hawkins, ce n’est pas très convoité.
J’active la marche arrière et recule pour faire demi-tour.

J’avais totalement oublié que ma sœur m’avait demandé de passer lui acheter un film.
Hier, Kally, ma petite sœur de quinze ans, m’a supplié pour que j’aille lui chercher un de ces fameux DVD pour sa soirée entre copine de ce soir. Et j’avais totalement oublié.
Ma petite sœur est un monstre, mais je remplis mon rôle de grande sœur comme je peux.

Je souffle et change de direction pour me diriger vers le centre-ville. Aucune envie d'y aller, mais surtout aucune envie de m'attirer les foudres de mon démon de sœur. Alors je prends sur moi.

Je roule encore quelques instant, un délicieux son de Vivaldi en fond dans l’habitacle, que c’est relaxant.

Arrivé devant Family Video, je me gare et sort de ma voiture en soufflant. Ça me saoule clairement de venir ici, alors que je pourrais être chez moi à éplucher toutes sortes de revues scientifiques. Enfin, je fais ça pour mon amour de petite sœur, notez bien l’ironie.

Je pousse la porte de la boutique et un ding sonore m’accueille. Aucune personne au comptoir, alors je décide de chercher toute seule ce sue je suis venue chercher, de toute façon ce sera plus simple et plus rapide que si l’un des vendeurs vient me casser les couilles pour me convaincre d'acheter tout leur stock dont j’en carre pas une.

Je trouve rapidement le DVD demandé, mais quand je me balade entre les rayons, je ne peux pas m’empêcher de prendre avec moi un magnifique documentaire sur la mitose et la méiose.

Quand je me retourne pour aller payer tout ça, je suis surprise de voir que je ne suis pas seule dans ce magasin de malheur. Enfin, cela me parait logique, tout de même, mais je ne l’avais pas entendu rentrer.
Je fronce les sourcils en apercevant Steve Harrington près de la caisse.

Ah bah super.

Qu’est-ce qu’il fou ici, lui ?

Idiote, il trait les vaches, ça ne se voit pas ?

Je lève les yeux au ciel et pose les cassettes DVD sur le comptoir pour qu’il remarque ma présence.
Il sursaute et finit par me sourire.

- Bonjour jeune inconnue, bienvenue. C’est tout ce qu’il te fallait ?

Je manque de pouffer tant il est ridicule dans ses paroles, mais je me retiens, par pure politesse.

- J’ai tout ce dont j’ai besoin, je réponds en faisant un sourire presque agacé.

Evidemment, il ne m’a absolument pas reconnu.
Est-ce que cela m’étonne ?
Pas du tout.
Est-ce que je suis quand même un peu déçue ?
Absolument pas, faut pas rêver.

Il saisit mes articles et les scanne avant de me demander de payer le montant indiqué. Une fois ceci fait, il met le tout dans un petit sachet soigneusement déplié, et n’omet pas le tiquet de caisse, au cas ou pour les retours.

Lorsqu’il me tend mon achat, il s’immobilise, la main en l’air au-dessus du comptoir, et il me fixe, les yeux plissés.

- Oui ? j’interroge en attrapant le sachet.

Il penche la tête sur le côté et semble réfléchir. Ok, là, il est carrément flippant. Je vais vite sortir d’ici moi.

- Ta tête me dit quelque chose, il déclare finalement. Mais je ne sais pas d’où.

Si je ne savais pas tout ce que je savais, j’aurais clairement pu dire que c’était une pitoyable tentative de flirt.
Mais non, évidemment.

- Eh oui, Harrington, on est dans la même classe depuis trois ans, je réponds finalement en levant un sourcil.

Il semble surpris que je connaisse son nom, mais il n’a pas à l’être, car moi je fais un minimum attention aux personnes qui constituent ma classe…

- Vraiment ? Je ne savais pas ! C’est quoi ton nom ? il me demande.

Ce n’est pas vrai, ce gars est vraiment un abruti.

- Annaëlle Miller, je réponds d’un ton sec.

Il semble chercher dans ses souvenirs quelques instants et lorsqu’il trouve, un écarquille grand les yeux et ouvre la bouche.

- Mais oui ! Anna Miller ! Bien sûr que je me rappelle de toi ! Tu as beaucoup changé, en quelques mois.

Je ne sais pas vraiment où me mettre. Je ne sais pas si je devrais le remercier, lui mettre une gifle, partir en courant ou faire un malaise.
Au choix.
J’opte pour un simple hochement de tête et un sourire crispé. Et puis, il n’y a vraiment que lui qui m’appelle Anna. Normalement, c’est Annaëlle, pas plus, pas moins. Et c’est censé valoir pour tout le monde, mais apparemment non…

Je me dirige rapidement vers la sortie et, avant que je ne franchisse la pas de la porte, Steve m’interpelle.

- On se voit demain en cours, alors ! il me dit avec un grand sourire.

- Yep, je réponds simplement en claquant la porte derrière moi.

Si seulement j’avais le choix.