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- Théa, action ou vérité ? lui demande le garçon à sa droite.

Je ne sais même pas comment il s’appelle et je ne tiens pas à le savoir.
À quoi ça me servirait de toute façon ?

Un action ou vérité, sérieusement ? C'est le jeu à problème..

- Vérité, elle dit, sûre d’elle.

Je lève les yeux au ciel et prie intérieurement pour que ce jeu se finisse au plus vite.
Je cherche intérieurement un stratagème pour trouver une excuse et m'éclipser. Comme si quelqu'un allait venir me voir ici alors que je ne connais personne...

Je veux partir, mais d’un, je n’ai pas de moyen de rentrer (je ne connais absolument pas la route et je n’ai pas de voiture), et de deux, je ne pars pas sans Théa. Même si elle commence à me les briser sévère, je ne la laisserai pas ici toute seule, elle est trop saoule pour rentrer et prendre le volant sans se tuer.
Ce serait trop dangereux et je veux avoir un œil sur elle au cas où il se passerait quelque chose.

 - La première personne avec qui tu as couchée ? lui demande-t-il en jouant des sourcils.

Théa pouffe comme une enfant et fait un geste de la main.

Mon dieu, au secours.

- Bon ok… C’était Rémi Harleston, en seconde.

Ces histoires, je les connais par cœur. Et je pensais que tout le monde le savait déjà, mais vu la tête que font les garçons, ce n’était pas le cas.
Depuis quand la vie sexuelle des autres est-elle distrayante ?

- Aller, à moi ! elle dit en claquant dans ses mains, joueuse.

Elle me regarde intensément et je regrette soudainement d’exister. Elle ne va pas oser m’interroger, quand même ? Elle connait toute ma vie par cœur, elle n’a rien de plus à me demander que ce qu’elle ne sait déjà.
Mais ce serait totalement le genre à me poser une question dont elle connait la réponse uniquement pour s'amuser et me foutre dans la merde.

Elle me fait finalement un clin d’œil et se tourne vers Rita, une fille du lycée.

- Action ou vérité, Rita ?

Je souffle, soulagée. L’espace d’un instant, j’ai bien cru qu’elle allait faire sa connasse et faire exprès de me poser une question hyper gênante, ou de me demander d’embrasser je ne sais qui. Mais je crois qu’elle a bien compris qu’elle n’avait pas intérêt à faire ça, sinon je lui fous sa caisse au tas. Oui, j'en suis totalement capable.

Quelques tours passent tranquillement et je ne suis pas interrogée. Heureusement pour moi, d’ailleurs.
Je ne fais pas vraiment attention au jeu, préférant me ronger les ongles et attendre un signe du destin qui pourrait m'aider à sortir de cet enfer. Mais je commence à croire que les autres ont oublié que j’étais là, et c’est tant mieux.
Dans mon coin, je bouge le moins possible et essaye de me faire toute petite pour que personne ne me voit et se rappelle de ma présence, ce qui à l’air de bien fonctionner. Ils ne me lancent même pas un regard quand il s’agit de désigner la prochaine victime. C’est ça qui est cool quand on est une nerd, personne ne fait réellement attention à nous et personne en a quelque chose à foutre de notre vie personnelle. Rien de croustillant à se mettre sous la dent, aucun gossip, rien.

Mais évidemment, la calme ne peut pas rester infini. Le garçon, celui qui est assis près de Théa, me fixe intensément.
Je m’embrase sur place et mon cœur s’emballe. Ah non, il ne me plait absolument pas, j’ai juste très peur. Je suis morte de stress.
Mais finalement, il me sourit d’un air machiavélique et se tourne vers Steve.

- Harrington, le roi de la soirée. Action ou vérité ?

Je souffle tout l’air dans mes poumons, heureuse d’avoir évité la catastrophe.

Steve, joueur, s’excite sur le canapé.

- Bon on va changer, je choisis action, il répond avec son sourire habituel.

L’homme semble chercher son action quelques secondes, mais je suis sûre à cent pour cent que dans sa tête, il sait déjà ce qu’il va lui demander de faire.

- Je te mets au défi d’embrasser la plus jolie fille ici, il répond avec le même sourire machiavélique.

Je lève les yeux au ciel.

Allez chercher Nancy !

Non mais sérieux, c’est quoi ces jeux d’enfant ? Et le consentement, vous connaissez ? J’ai l’impression de faire un bon en arrière et je trouve ça tellement ridicule. C’est si cliché, ce genre de jeu, que ça me donne envie de vomir. Et en plus de ça, ils ont l’air
d’apprécier, ces idiots !

Perdue dans mes pensées révolutionnaires, je ne vois pas Steve se lever de sa place et se diriger vers sa victime. Et évidemment, je ne vois pas non plus lorsqu’il se penche vers moi.

Hein ? Pardon ?

Surprise, je recule d’un bon.

Comme par hasard.
Je passe mon tour.
Qui veut ma place ?

- Ok, elle n’a pas envie, on ne va pas la forcer, il dit simplement en se redressant.

Je le regarde sans réellement comprendre. J’étais tellement obnubilée par mes pensées que je n’avais pas compris que c’était moi, celle qu’il voulait embrasser.

Non mais la blague du siècle, faites venir les fanfares.
On est où là ? Dans une histoire à l’eau de rose ? C’est tellement cliché que c’en est ridicule.

- Sur la joue, alors ! crie Théa de sa place.

Je la fusille du regard. Evidemment, il ne lui viendrait pas à l’idée d’essayer de me sauver de cette situation plus que gênante.
Non, à la place, elle m’enfonce. Merci.

Steve m’interroge du regard. Je vois bien qu’il ne veut pas me forcer, mais qui refuserait un baiser de la part du roi du lycée, sérieusement ?
Autour de nous, ils commencent à s’exciter.

- Aller ! j’entends de tous les côtés. Le bisou !

Encore un peu secouée, je hausse les épaules pour montrer mon désintérêt, puis tourne la tête pour lui présenter ma joue.
Plus vite il le fait, plus vite cet enfer prendra fin. Ils auront ce qu'ils veulent et ils me foutront peut-être enfin la paix.
Il sourit, se penche vers moi et dépose ses lèvres sur ma peau.

Il est debout, mais je suis toujours assise. Ainsi, pour éviter de tomber en avant face à la différence de taille, il s’appuie, un bras sur le côté du canapé, et l’autre directement sur ma taille.
Je ne sais pas quel contact me fait le plus embraser ; ses lèvres sur ma joue ?
Sa main sur ma taille ?
Ses cheveux contre mon front ?
Ou simplement son corps trop près du miens ?

Il finit par se redresser et par me sourire.
Mais il a quoi, à sourire tout le temps, lui ?

Par politesse, je souris en retour, totalement morte de honte et gênée.

Je finis par lancer un dernier regard désapprobateur à Théa, puis baisse la tête et triture mes ongles.
Intérieurement, je me promets de passer une soufflante à la blonde pour m’avoir mis dans un tel embarra.

Mais évidemment, ce n’était que le début ! Et ça, je l’ai compris quand Harrington s’est de nouveau retourné vers moi et m’a demandé :

- Action ou vérité ?


Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant