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Finalement, Steve me sort du centre. Une fois dehors, il décide enfin à me poser sur le sol.

- Je suis désolé pour ce soir, dit-il finalement.

Nous sommes seuls sur le parking, mais je pense que les autres ne vont pas tarder.

- Ce n’est pas de ta faute, je te l’ai déjà dit, je réponds en secouant un peu la tête.

Il acquiesce simplement.

Le froid de la soirée se fait de plus en plus sentir, maintenant que l’adrénaline n’est plus présente.

Je n’arrive pas à croire que je viens de vivre tout ça, en une seule soirée. C’est irréaliste.
Ça se trouve, je vais me réveiller dans mon lit, et je me rendrai compte que tout cela n’était qu’un cauchemars. Est-ce possible ? Je l’espère, en tout cas.

- D’ailleurs, je reprends. Il y a un truc que j'aimerais te dire depuis un petit bout de temps…

Je laisse ma phrase en suspens.
Steve lève la tête vers moi et me transperce avec son regard.
Ça brûlerait presque.
Il m’interroge du regard et m’invite silencieusement à continuer ma phrase.

- Tes vêtements sont ridicules, je finis simplement en essayant de ne pas rire.

Steve me fusille du regard, apparemment déçu par mon aveu, mais finit par rire avec moi.

Non parce que sérieusement, son uniforme de vendeur de glace n’est pas terrible.

- Alors toi, dit-il en s’approchant dangereusement de moi, une étincelle de malice dans les yeux.

Mon cerveau me crie maydé, maydé !

Je rigole et commence à courir à travers le parking vide, Harrington à mes trousses. Il finit par me rattraper et par me poser lourdement sur son épaule. Il me fait tourner en l’air et finit par me reposer.
C’était d’un ridicule, mais sérieusement, j’avais besoin d’un peu de légèreté après ce que l’on venait de vivre.

Au loin, on entend déjà les sirènes des secours se rapprocher. Je souffle de soulagement.

Une fois arrivés, nous sommes tous pris en charge par les ambulanciers, et ils nous font faire des examens en tout genre.
Nos parents viennent nous chercher, et je scrute la foule dans l’espoir de voir les miens.

Quelques minutes plus tard, j’aperçois enfin la tête de ma mère non loin de moi. Je saute du brancard sur lequel j’étais assise et cours vers elle. En me voyant, son visage est illuminé par ce sourire rassuré.
Elle ouvre ses bras et je m’y réfugie rapidement. Elle me serre fort contre elle, et je crois qu’elle pleure.
Moi aussi je pleure.
Même si je n’aime pas ça, ce sont des larmes de joie aujourd’hui.

- Ma chérie… articule-t-elle difficilement.

- Je suis désolée, déclarais-je malgré-moi.

Même si, finalement, je ne sais absolument pas de quoi je m’excusais. Ce n’est pas réellement ma faute si j’ai été embarquée là-dedans.

- Ce n’est rien, ce n’est rien, me rassure-t-elle en passant sa main dans mes cheveux. 

Je finis par me détacher d’elle et l’embrasse sur la joue.

- Je t’aime, maman, je dis finalement.

Des fois, j’ai l’impression que l’on manque de temps pour dire à ses proches qu’on les aime.

- Je t’aime, Annaëlle, répond-elle en m’embrassant à son tour.

Lorsque nous nous séparons, je vois derrière elle Harrington, assis dans une ambulance, une couverture de survie sur les épaules.
Il me regarde tendrement, et quand je croise son regard, il me sourit un peu. Je lui souris en retour.

J’aimerais le remercier pour tout ce qu’il a fait pour moi, ce soir.
Le remercier de ne pas m’avoir laissé crever là-bas.
Le remercier de m’avoir guidé et aidé. Le remercier de m’avoir littéralement sauvé la vie.
Mais je n’y arrive pas.
Pas maintenant, c’est trop tôt, trop frai dans ma mémoire pour réussir à le faire. J’ai besoin de temps, et de repos pour réfléchir. Nous en avons tous besoin.

Alors ma mère m’a pris par l’épaule, m’a serré contre elle une dernière fois, puis m’a conduite jusqu’à la voiture pour rentrer. Mais avant, je lui ai demandé de m’attendre deux secondes. Je suis revenue sur mes pas et je suis allée voir Steve.

- Harrington, appelais-je doucement.

L’intéressé leva le regard vers moi.

- C'est Steve, pour toi, répond-il.

Je souris mais ne prends pas en compte ce qu'il vient de dire.

- Tu as quelqu’un pour te ramener chez toi ? je demande.

On ne va pas le laisser là, quand même.

- Euh, je pense que mon père ne devrait pas tarder, me répond-il.

- Tu es sûr ? On peut te ramener, si tu le souhaites.

Il refuse poliment.

- Très bien. Bonne nuit, alors.

- Bonne nuit, répond-il avec un sourire fatigué. Prends soin de toi, Anna.

Je lui souris en retour.

- Prends soin de toi, Steve.

Un sourire illumine son visage bleuté d'ecchymoses.

Puis je fais demi-tour et retourne à la voiture.

Je n’ai jamais été aussi pressée de rentrer chez moi.

Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant