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A peine dix minutes plus tard, la voiture s’immobilise devant une grande maison déjà pleine de monde.

Si Théa ne m’avait pas confisqué mon Rubick’s Cube avant de partir, je serais clairement en train de passer mes nerfs dessus.

La maison est gigantesque, avec des lumières colorées dans les jardins, des gens un peu partout avec tous un verre à la main, ils sont bien vêtus, et de la musique assourdissante nous parvient déjà aux oreilles.

- Aller, on va s’amuser ! elle dit en venant me sortir de la voiture.

J’avale la bile qui s’est formée dans ma gorge, puis saisis son bras. Je m’y agrippe comme si elle avait le pouvoir de me protéger, alors que c’est elle qui m’a mise dans cette situation.
Ah, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour ses amies, hein…

Dans mon autre main, je serre le collier pour Steve, repoussant par la même occasion l’envie d’étrangler Théa avec.

Nous nous dirigeons vers l’entrée, et quelques personnes s’écartent quand je passe, puis me dévisagent.
Et après on me demande pourquoi je ne sors jamais ?
Ai-je l’air d’une bête de foire, bande d’enculé ?

Nous nous réfugions dans la maison, d’où la musique est encore plus forte.
Trop forte !

Théa va directement vers des amis à elle et me laisse seule. C’est aussi pour ça que je ne sors pas d’habitude. Car je suis l’amie numéro deux. Je passe toujours après les autres et je finis souvent seule.
Mais bon, c'est pas grave. Je fais acte de présence et je me casse !

Je souffle et cherche le buffet du regard. Le buffet, mon seul ami loyal. Lui et moi, c’est pour la vie.

Une fois en ligne de mire, je m’y rends et me sers un verre de je ne sais quel alcool, mais j’espère que c’est fort. Si je dois rester seule ici toute la soirée, autant que je sois défoncée pour que ça paraisse plus fun.
Même si j’aime la science et les jeux d’intello, j’aime aussi beaucoup l’alcool, alors il ne faut pas me le dire deux fois…

Je finis mon verre d’une traite et m’en sers un deuxième. Je crois que c'est du mojito, mais merde, il est vachement relevé !

Ensuite, je m’aventure un peu dans les abysses de cette baraque trois fois plus grande que la mienne. Je regarde la décoration, les photos de familles, les vases en porcelaine, les escaliers luxueux, les gens qui dansent, leurs habits.
J’en reconnais certains de ma classe et du lycée et d’autres me sont totalement inconnus.

Soudainement, une main se pose sur mon épaule et me fait sursauter.

Théa puta-

- Salut.

Je fais les gros yeux.

- Salut…je réponds presque timidement.

- Alors, tu es venue au final, me dit Steve en souriant.

Malgré ce que je pensais, il n’y a pas une once de colère dans sa voix. On dirait même qu’il est heureux de me voir là.
Il sourit, réellement heureux de me voir et me détaille de haut en bas. Si sa bouche était ouverte, je suis sûre qu'il bavrait...

- Euh, ouais, je n’ai pas trop eu le choix, Théa m’a forcé, je dis en le pointant du doigt un peu plus loin.

Le brun rigole et acquiesce simplement.

Ne sachant pas trop quoi dire, ni quoi faire, je regarde les gens autour de nous.
Et soudainement, je commence à paniquer.
Et si Zach était ici ?

Merde, ça ne sentirait pas bon du tout pour moi !

Je ne sais pas pourquoi je pense à ça maintenant, mais ce n'est pas bon du tout !

Oh non, il faut que je parte, je ne veux pas le croiser.

Qui sait ce qu’il me ferait sinon.

Me voyant paniquer, Steve pose sa main sur mon épaule.

- Tu vas bien ? il me demande d’un air protecteur.

Je fais oui de la tête, même si je ne le pense pas.

- Tu n’as pas à être stressée, il n’est pas là, il m’informe finalement.

Je lève les yeux vers lui, puis fronce les sourcils. Il parle de Zach ?

- Zach n’est pas là, il continue.

Je reste bouche bée. Je suis troublée qu’il ait pu comprendre directement ce qui n’allait pas chez moi.

- Pourquoi ça ? je demande tout de même en croisant mes bras sur ma poitrine.

Steve hausse les sourcils et boit une gorgée dans son verre.

- Car après ce qu’il t’a fait, je n’avais pas envie de l’inviter, il répond comme si tout était logique. Je voulais que tu viennes et je savais que tu refuserais s’il était là. J'ai fait un choix.

Je reste encore plus pétrifiée.
Donc, Steve avait tout prévu ? Mais dans quel but ? Qu’est-ce qu’il veut de moi, à la fin ?

Ne sachant pas quoi répondre une fois de plus, je me contente de lui servir un sourire de remerciement, ce qui semble lui suffire amplement.

- Oh, en fait, je commence en fouillant dans mon petit sac. Tiens. Bon anniversaire.

Je lui tends la boite emballée d’un geste peu sûr. J’ai un peu honte de mon cadeau, sans mentir. Je ne me suis pas vraiment foulée, en fait.
Mais c'est mieux que de venir sans rien.

Steve le saisit et sourit comme un enfant de six ans.

- Merci beaucoup Anna, tu n’étais pas obligée, il répond.

Puis, pour me remercier, il s’avance vers moi et me prend dans ses bras. Son étreinte est plutôt courte et amicale, mais pas moins puissante.
Lorsqu’il me lâche, je remercie les lumières d’ambiance de cacher le rouge qui m’est monté aux joues. Mon corps est en ébullition, comme si le contact avec Steve avait suffi à me faire prendre feu. Je n'ai pas vraiment l'habitude, et ça m'a énormément surpris.
On ne se connait pas et il me prend dans ses bras ? Étrange.

- Y’a pas de quoi… je réponds en souriant, gênée, et en baissant un peu la tête.

Il me sourit et me fixe quelques instants. J’ai l’impression qu’il s’est perdu dans mes yeux, ou dans ses pensées, je ne sais pas, mais dans tous les cas, c’est flippant.

- Je vais retourner voir Théa, je dis finalement pour casser ce moment extrêmement étrange.

L’espace d’un instant, l’air entre nous était devenu lourd et électrique, voir insoutenable. 
Harrington se réveille de sa rêverie et me sourit.

- Pas de soucis, passe une bonne soirée. Si tu as besoin de quoi que ce soit, viens me chercher, dit-il en passant à côté de moi.

Faute de place et trop de gens, je suis obligée de me décaler pour qu’il puisse passer. Son corps rentre en contact avec moi, et pour ne pas me faire bouger, il place ses mains sur mes hanches. Il me maintient en place et se dégage, puis s’en va comme si de rien n’était.

Alors j’avais déjà chaud avant, mais là, je crois que je suffoque. Comment est-ce possible qu’un simple geste, aussi futile soit-il, arrive à me faire prendre dix degrés corporels ?

Je secoue la tête pour me remettre les idées en place et, au lieu de rejoindre Théa, je sors directement pour respirer un peu d’air frais.

J’en ai vraiment besoin.

Remember MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant