Chapitre 2

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Qu'est-ce qui m'a réveillé ? Le silence de la banlieue ou entendre ma mère chantonner depuis la cuisine ? Ouvrant les yeux, je remarque que ma tête repose sur un oreiller dont l'odeur de l'adoucissant fait remonter des souvenirs d'enfance, et la douceur de la couverture qui m'enveloppe est un pur délice. Me levant, je récupère mon sac, je jette sur mon lit ma boîte de biscuits et prends des vêtements de rechange et ma trousse de toilette, histoire de prendre une douche et de me sentir propre. En montant les escaliers, je trouve mes parents en train de prendre le petit déjeuner, tranquillement. Je sors mon téléphone afin de vérifier l'heure, dans mes souvenirs, à six heures la maison était vide. Il est dix heures et les deux me regardent en souriant, comme lorsque je rentrais de l'école et que j'avais fait une connerie, ils m'attendaient avec le même sourire. Je préfère affronter une unité de Talibans à moi seul plutôt que de m'asseoir et de leur faire face. Ce n'est pas de la lâcheté, mais la sagesse de l'expérience de mon enfance, cela n'augure rien de bon.

« Bien dormi, mon grand ? » demande mon père.

Qui est-ce ? Une expérience du gouvernement ? Ils leur ont lavé le cerveau ? Ce sont des sosies, pour me piéger ?

« Oui. Ça fait du bien.

« Va prendre ta douche, je vais te préparer un petit-déjeuner. Tu... tu prends quoi d'habitude ? » réalise ma mère qui ne m'a plus préparé de petit-déjeuner depuis mes huit ans.

« Un café, c'est très bien, et peu importe ce qu'il y a.

— Des pancakes ?

— Ne te donne pas de mal, je vais me débrouiller. Vous n'allez pas au travail ?

— Nous avons pris congé, histoire de passer du temps avec toi », sourit mon père.

C'est définitivement des clones, ça ne se peut pas, il n'a jamais passé de temps avec moi. Montant les escaliers, je tombe sur une photographie de moi, prise peu avant que je ne parte. Je la décroche du mur et je l'emporte avec moi. Dans la salle de bain, je me déshabille et me regarde dans le miroir, comparant les deux portraits. Celui avant mon départ et celui qui revient. Mes traits juvéniles se sont estompés, emportant avec eux les rondeurs de mon enfance. Mon regard s'est durci, tout comme mes traits. Laisser longuement l'eau couler sur moi, j'ai l'impression que le reliquat de sable que je traînais avec moi ces derniers mois s'écoule dans le drain. Je me sens bien quand je sors de la salle de bain, habillé de vêtements propres, je ne me suis pas changé depuis quarante-huit heures. Enroulant mes vêtements sales, je les glisse sous mon bras et descends prendre mon café. Mes parents ne sont plus là, je jette un œil dans les autres pièces jusqu'à entendre du bruit au sous-sol. Descendant, je regarde mon père replier le canapé, ma boîte de biscuits ouverte, posée sur la table basse, ma mère pliant la couverture, sursautant en me voyant.

« Donne-moi ton linge, je vais faire une lessive. Donne-moi aussi ce qui est sale dans ton sac, mon chéri.

— M'man, ce n'est pas...

— Donne-moi tes vêtements ! » dit-elle en criant avant de s'asseoir et de pleurer, prenant la boîte de biscuits, la serrant contre elle.

« Qu'y a-t-il ? » demandai-je en m'approchant, récupérant ma boîte dans ses bras, la refermant et la rangeant dans mon sac.

« Toutes ces médailles, ce sont les tiennes ?

— Non », dis-je en souriant. « Quand on termine notre service, nous avons le droit de piocher dans une boîte les médailles qui nous plaisent.

— Daniel... » murmura ma mère, en s'essuyant les yeux.

« Ce n'est rien, M'man. Je vais bien. Je ne suis pas blessé. Quelques égratignures ici et là, mais c'est tout.

Cover me with loveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant