Highness

Chapitre 25 : Firmament

Alioth n'aurait jamais imaginé qu'il reverrait le Firmament. Ils se matérialisèrent dans une zone peu fréquentée du Conseil. Albireo chancela. Alioth la rattrapa avant qu'elle s'effondre. Elle avait abusé de ses forces en empruntant le réseau stellaire avec deux passagers. Il lui faudrait quelques minutes pour récupérer. Sa faiblesse lui provoqua un léger sentiment de culpabilité. Il se savait capable de les transporter tous les trois sans en souffrir. Il préférait néanmoins conserver un atout dans sa manche. Il la confia à Rhys et jeta un coup d'œil alentour.

Le vaisseau-satellite, qui accueillait le Conseil, était une conception d'une grande finesse et d'une extrême précision. Il variait et s'adaptait à son environnement immédiat. Alioth apprécierait de rencontrer le constructeur de cette merveille, s'il n'envisageait pas de la réduire en cendres.

Les étoiles adoptaient des apparences aussi diverses que variées pour circuler dans l'enceinte. Il fut surpris de constater que certaines se matérialisaient sous la forme de cristaux d'énergie et modifiaient leurs caractéristiques au gré de leur besoin.

Il se sentit ramené des milliards d'années plus tôt, quand leur civilisation atteignait son apogée. Ses frères et lui étudiaient la résonance morphique et développaient les technologies polymorphes et métamorphes.

L'architecture de l'aéronef lui rappelait singulièrement celle du Sanctuaire des Sept Sages : une structure renforcée de métaux, forgés en délicates arabesques ; de vastes allées constituées de minerais polis et translucides, aux reflets bleutés ; des galeries bordées d'arcades et de colonnes adamantines, ouvertes sur l'infinité stellaire.

— Cela fait partie des nombreux présents dont vous nous avez comblé, Alioth, glissa Albireo avec un doux sourire.

Alioth l'étudia avec circonspection. Son Don d'Étoile s'exerçait bien au-delà de la prescience ou de la post-cognition. Albireo était intuitive, assez pour deviner que Deneb enfreindrait sa promesse.

— Je l'ignorais, se défendit-elle.

— Je n'ai encore rien dit.

— Je ne maîtrise pas ma précognition, plaida-t-elle. Le futur est incertain et inconstant. Certains évènements m'arrivent par bribes. Je ne parviens pas toujours à les interpréter et... mes sentiments obscurcissent parfois mon jugement, avoua-t-elle d'une voix éteinte.

Alioth savait qu'elle parlait de Deneb. Il comprenait parfaitement ce qu'elle ressentait en cet instant. Seren avait souffert le martyr à cause de son aveuglement.

— Comment as-tu anticipé ce que j'allais dire ?

— L'empathie. Il semble qu'elle soit exacerbée par mon Don d'Étoile.

Alioth scruta Rhys qui confirma ses allégations. Si Albireo lui mentait, il l'en informerait. Du moins l'espérait-il, car il semblait s'attacher de plus en plus à sa jeune protégée.

— Je vois.

— Alioth, je sais que notre peuple n'a pas été des plus dignes de confiance par le passé. J'aimerais que vous jugiez de ce que nous sommes aujourd'hui.

Alioth soupira. Albireo s'inquiétait de ce qu'il adviendrait des siens s'il déchainait ses pouvoirs. A l'heure actuelle, elle se figurait certainement la cause de la disparition des Anciens. Toutefois, elle n'oserait pas le formuler à voix haute.

— Je me moque de ce qu'il adviendra du Firmament, rétorqua-t-il. Je viens seulement récupérer ce qui m'appartient.

Il consulta son cristal de localisation. Aucun signe de Seren. La puce avait probablement été désactivée.

— Que cela conduise à une extinction ou à une exécution ne dépendra que de celui qui me l'a enlevé.

Albireo blêmit sous la menace à peine voilée. Rhys fronça les sourcils d'un air réprobateur. Il s'apprêtait à lui reprocher son attitude.