Highness

Chapitre 2 : Quand les étoiles tombent du ciel

— Vous n'êtes pas les bienvenus dans cette demeure !

Alioth avait saisi Deneb par le col, comme s'il s'agissait d'un vulgaire pantin. Il le maintenait en l'air d'une seule main. Même sous forme humaine, la masse d'une étoile restait conséquente. Les lois de la physique ne s'appliquaient visiblement pas à Alioth. Ses capacités défiaient l'entendement.

— Alioth, appela Rhys dans une vaine tentative d'apaisement.

Il se tourna vers lui. Ses iris améthyste brûlaient d'une fureur destructrice : « Tu n'aurais jamais dû les amener ici ! »

Rhys recula, prudent. Il avait légèrement mésestimé l'animosité d'Alioth à l'égard de son espèce. Il croyait impossible qu'elle surpasse celle qu'il lui vouait depuis des millions d'années.

Opportunément, les domestiques avaient été sommés de quitter le hall, avant que cette entrevue ne prenne une tournure trop surnaturelle. L'éclat de lumière qui enveloppait maintenant Alioth ne cessait de grandir, un déploiement de pouvoir qu'il aurait été malvenu d'exposer aux non-initiés.

L'énergie qu'Alioth dégageait, aurait réduit le manoir et ses alentours en cendres, si elle n'était toute entière dirigée contre Deneb qui, par ailleurs, ne survivrait pas longtemps à cet assaut.

Albireo tomba à genoux, écrasée par l'aura destructrice d'Alioth.

— Je vous en prie, implora-t-elle. Nous ne sommes pas vos ennemis.

— Fuis, souffla Deneb dans un râle rauque.

Son agonie déformait ses traits. Sa résistance céda. Son enveloppe se craquela sous l'effet de la pression. Sa peau se veina de sillons lumineux, qui s'éteignirent un à un, avant de s'évaporer en une fine poussière noire.

— Rhys, adjura Albireo.

Il les avait prévenus. Ils n'auraient pas dû s'obstiner. S'impliquer davantage dans cette rencontre n'y changerait rien. Certes il l'avait provoquée, voire encouragée, et pas seulement, comme il s'attachait à le croire, par ennui. Cela ne signifiait pas qu'il devait intercéder en leur faveur.

En dépit de ses réticences, une voix, à peine un murmure, lui dictait d'intervenir. Elle s'était développée au fil des millénaires, tandis qu'il côtoyait les humains, des créatures aussi merveilleuses que terrifiantes.

— Alioth, s'il te plaît, ne pourrais-tu au moins les écouter avant de les occire ? interféra-t-il. A notre échelle, ces étoiles ne sont que des enfants. Elles sont trop jeunes. Tu ne peux les punir pour des actes commis par d'autres.

Alioth l'ignora magistralement. Une fâcheuse habitude. Rhys soupira. Deneb ne se débattait plus. Encore quelques minutes et son supplice prendrait fin.

Rhys tourna la tête vers Albireo. Tétanisée d'angoisse et de frayeur, elle était incapable d'esquisser le moindre geste. Il n'était pas de taille à affronter Alioth et elle l'était encore moins. Alioth n'en ferait qu'une bouchée.

— Deneb ! hurla-t-elle tout à coup.

Son cri de détresse fit trembler les murs du manoir. Alioth sursauta. Il baissa les yeux vers Albireo. Rhys paniqua. Devait-il la prendre sous son bras et s'enfuir ?

Albireo sanglota, éperdue de chagrin. Rhys observait pour la première fois des larmes d'étoiles. Elles ressemblaient à des gouttes de lumières. Après un scintillement éphémère, elles se dissipaient, ne laissant qu'une fine poussière adamantine dans leur sillage.

Étonnamment, Alioth relâcha son emprise sur Deneb, qui tomba à genoux, à peine conscient. Albireo se précipita vers lui pour le soutenir. Alioth se détourna d'eux.