13 - beyoutiful

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L'art comme garantie de ta beauté

L'art comme garantie de ta beauté

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KESSYAH

Un silence pesant règne autour de la table. Les couverts qui s'entrechoquent, les bruits de mastication et les branches ballottées par le vent sont les seuls sons perceptibles chez moi en ce début d'après-midi. Je retiens un soupir en avalant une bouchée de mon riz et mes haricots verts. Quand je relève les yeux vers les membres de ma famille, le spectacle qui s'offre à moi me désole. Il est clair que sous ce silence religieux se cache une tempête sous-jacente qui emportera tout sur son passage. Chacun à l'une des extrémités de la table, mes parents mangent sans s'adresser un mot. Ils s'ignorent ouvertement depuis le retour de ma mère la semaine dernière. Leur résolution est telle qu'ils en oublient leurs enfants, abandonnés au milieu de cette guerre froide.

Quand ma mère est rentrée après trois semaines passées chez ma tante, j'ai naïvement pensé que les choses allaient s'arranger. Parce que je voulais y croire. Parce que je ne voulais pas perdre espoir. Mais jours après jours mes parents m'ont montré qu'espérer revient à se bercer d'illusions. Ils se sont enfermés dans un mutisme duquel ils ne sortent que pour parler à l'un de mes frères et sœurs et moi. Ils gardent prisonnier tout ce qu'ils ressentent. Ils accumulent leur ressentiment et leur déception vis-à-vis de l'autre. Je sais qu'un jour ils exploseront. Et cela risque de faire des étincelles.

Ensemble nous ne formons plus qu'un simulacre de famille qui s'acharne à suivre sa routine pour ne pas complètement dérailler.

J'ai de plus en plus de mal à supporter cette atmosphère pleine d'hypocrisie et de faux-semblant. Je veux fuir le regard peiné de ma mère quand elle rouvre l'album de famille. Je veux fuir les nouveaux excès de colère de mon père qui sont survenus peu après le départ de ma mère. Je veux fuir la déception dans les yeux de Kenayah, la lassitude dans ceux de Mayron et la résignation dans ceux de Tayron.

Je veux juste retrouver ma famille.

[...]

Ce matin, pour la première fois depuis septembre, j'arrive en avance au lycée. Je m'apprêtais à rentrer me réfugier aux toilettes en attendant que ce soit l'heure, mais j'ai entendu le bruit caractéristique d'un moteur de moto. Je me retourne pour vérifier que c'est bien lui. Ichiro. Il m'adresse un signe de tête avant de ranger son deux roues dans le local prévu à cet effet. Quand il revient vers moi, il se frictionne les mains pour se réchauffer avant d'allumer une clope.

- C'est du gâchis, je lui dis. On va bientôt rentrer.

Il lève la tête pour recracher sa fumée vers le ciel et hausse les épaules.

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