Désillusion
ICHIRO
- J'y vais mamie !
- À ce soir, travaille bien ! crie-t-elle depuis la cuisine.
Une once de culpabilité me traverse quand je referme doucement la porte de chez moi. Je lui ai dit qu'exceptionnellement je n'ai pas cours cet après-midi et que j'ai décidé d'aller travailler à la bibliothèque. Or, la vérité c'est que j'ai séché parce que la course à laquelle je participe maintenant chaque vendredi a été avancée de quelques heures exceptionnellement. Mon sac sur le dos pour être crédible et mon casque en main, je me dirige vers mon deux roues en essayant d'enfouir ce sentiment qui me serre la poitrine. Quand je monte sur ma moto, je me répète la même phrase qui réussit à m'apaiser un peu chaque semaine. Je le fais pour ma famille.
J'emprunte ensuite le même chemin que d'habitude. Mon regard s'attarde sur chacune des rues parsemées d'immeubles en piteux état puis sur les ruelles désertes et plus sombres qui me rapprochent du lieu de rendez-vous. Même si ce parcours n'a rien de nouveau pour moi puisque j'ai fini par le connaître par cœur, je ne peux pas m'empêcher d'analyser cet environnement si différent du mien. J'habite peut-être dans un quartier dont les longues tours pourraient rivaliser avec celles-ci, mais les similitudes s'arrêtent là. Là où mon quartier est simplement modeste, celui-ci crie la précarité. Quand j'arrive à destination, c'est-à-dire un grand terrain qui abritait à une époque plusieurs entreprises industrielles avant qu'elles brûlent dans un incendie, je slalome aisément entre les quelques spectateurs déjà présents avant de m'arrêter devant Hawk en dérapant. Une traînée de poussière atterrit sur lui tandis que je pose le pied à terre. J'enlève mon casque, et mon sourire arrogant contraste avec ses sourcils froncés.
- Tu es en retard, grince-t-il les dents serrées.
Je passe une main dans mes cheveux de manière désinvolte pour me dégager le visage avant de sortir mon téléphone de la poche de ma veste en cuir et y jeter un coup d'œil.
- De six minutes, relaxe Hawk.
Cherchant clairement à le provoquer, je me penche vers lui en articulant doucement mes mots comme si c'était un attardé. Sauf qu'il a beau faire quelques centimètres de moins que moi, sa carrure est nettement plus imposante que la mienne et même si ma joue a guéri, les souvenirs de son poing sont encore frais dans ma mémoire. J'ai conscience de tout cela, mais j'aime juste trop jouer avec le feu pour m'en soucier. M'attendant à une remarque acerbe, je me redresse pour l'observer.
- Dépêche-toi de te mettre en position, se contente-t-il d'aboyer. Ne perds pas plus de temps.
- Toujours aussi charmant, déclaré-je en me retournant déjà.
Il pose soudain sa main sur mon épaule pour m'arrêter et je me dégage d'un mouvement brusque. En quelques secondes, je me tourne vivement vers lui puis je le fusille du regard. Mes muscles se tendent et ma prise sur mon casque se resserre au point que mes phalanges blanchissent. Toute once de sarcasme disparaît de mon visage et j'imagine que mon irritation est difficile à cacher derrière la dureté de mes traits.
VOUS LISEZ
Nos combats les plus précieux
Novela JuvenilQuand trois adolescents tourmentés par la vie trouvent la force de continuer à se battre dans leur amitié... Kessyah, Jarek et Ichiro nouent un lien fort et unique lors de leur dernière année de lycée, cette période de croisement entre les derniers...