2. Punition

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Il revint vers moi, quelques minutes plus tard. Je plongeai mes pupilles vertes au sein même de son abominable regard. J'essayais d'analyser ce qu'il avait en tête, de savoir à quoi il réfléchissait, de comprendre ce qui lui plaisait dans la souffrance des autres. De savoir pourquoi il faisait ça, pourquoi il était aussi vil et sans cœur, de comprendre en quoi c'était plaisant de voir les autres souffrir.

Une réponse s'offrit à moi : car, voir les autres souffrir à cause de nous, ça nous rend supérieur et donc plus fort que la personne souffrante. Et c'est souvent quand nous souffrons le plus profondément que nous faisons souffrir les autres, pour nous prouver à nous-mêmes que nous ne sommes pas le seul à avoir mal, pour se rassurer.

Mais ce n'était pas la bonne méthode, loin de là. Ça montrait juste à quel point nous étions impuissants et cruels. Car infliger des souffrances aux autres en sachant ce que ça fait de souffrir à ce point, c'était être cruel, surtout si la personne n'avait rien demandé.

C'est alors qu'il sortit une ceinture en cuire de derrière son dos, alias l'objet de tous mes cauchemars. Il rapprocha son visage du mien et me dit d'un ton lugubre :

- Rejoins-moi à la cave.

Je vis sa bouche s'agrandir dans un petit rictus à faire trembler de peur. Il était tant effrayant avec cet air. Je le haïssais du plus profond de mon être.

Mes mains tremblèrent. Je sentis ma respiration se saccader.

La peur. Elle m'envahissait, comme chaque jour. Je connaissais trop cette émotion, ce sentiment. Chaque fois que je croisais ses iris vertes, je prenais peur. Chaque fois que je l'apercevais, je prenais peur. La peur était en moi à tous les moments. La peur était omniprésente. Cette appréhension de tout et de rien s'était encrée à moi, à mon esprit et à mon corps, pour toujours et à jamais. Et c'était la peur qui me contrôlait chaque jour, effaçant tout le reste de ma vie.

Je respirais lentement, pour calmer la terreur qui s'était emparée de moi, contre mon gré.

Mon père me lança un regard froid, vitreux, vide d'expression, dépourvu d'humanité. Seul un petit sourire malsain était plaqué sur ses lèvres grises. Il me détailla de la tête aux pieds.
J'étais maintenant vêtue de mon long tee-shirt et d'un petit short.

Il m'entraîna derrière lui, jusque dans la cave.

- Je vais te punir pour avoir fait un malaise, cracha-t-il, haineux.

Un frisson partit de la base de ma nuque, pour descendre jusqu'à mon bas dos. Je soufflai un grand coup.

Tout va bien Ashley, tu as l'habitude, ce n'est pas la première fois. Et pas la dernière...

J'essayai de me calmer quand la lanière s'enroula une première fois autour de mon poignet. Ma tête se releva, mes yeux se plissèrent et ma bouche s'ouvrit, laissant échapper un faible cri. Il réitérât l'opération. Je sentais la cuire frapper mon corps. Il me martelait. Des traces rouges apparaissaient rapidement, après le passage de l'objet sur ma peau. Mon sang battait contre mes tempes. J'avais un mal fou à ne pas me laisser happer par une nouvelle crise de panique. Je résistais comme je pouvais. Je sentais le sang me monter à la tête, j'entendais mon cœur cogner dans ma poitrine, mais je ne pouvais rien faire. J'étais à sa merci.

Je finis par laisser la douleur entrer dans les tréfonds de mon âme. Je fis abstraction de tout le reste. Mon attention était fixée sur un point invisible, devant moi. Je n'entendais plus rien, mis à part la ceinture fouettant l'air pour s'abattre sur mon maigre corps, et mon cœur qui battait comme un fou. Je ne ressentais absolument rien. J'étais vidée. Tout en moi s'était évaporer pour rejoindre un univers parallèle, où la souffrance était normalisée. Plus aucun son ne sortait de ma gorge. J'étais juste une coquille vide, perdue, traumatisée et abandonnée.

Damore (en réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant