La Marque du Passé

Chapitre 1 : Nouvelle vie

     Patience, rigueur, et concentration. Il fallait réunir ces trois qualités pour réussir à concevoir des œuvres à la forme travaillée et aux détails si précis. Son apprentissage avait pris des années entières, et il continuait toujours. Avec une grande volonté, elle s'était entourée de personnes qui avaient pu lui donner des conseils l'ayant aidée à s'améliorer, toute seule. Bien entendu, elle ne comptait plus le nombre de réalisations sur lesquelles elle avait échoué, mais avec le temps, elle avait appris à analyser ses erreurs, les corriger, et surtout : rester modeste en toute circonstance. Il s'agissait autrefois de son point faible, mais cela était la clé pour ne pas abandonner à chaque procédure qui prenait des heures et des heures pour simplement y discerner une avancée minime dans son travail. Sa persévérance l'avait également poussée à ne pas laisser tomber, même si cette vertu lui avait parfois joué des tours...

     C'était sa passion, un passe-temps dont elle s'était éprise depuis ses onze ans, alors qu'elle habitait encore de l'autre côté de son pays. Et pour rien au monde, elle ne cesserait de l'exercer, car c'était l'une de ses principales sources de bonheur dans sa vie. Lorsqu'elle sculptait, son environnement autour d'elle se figeait, il ne comptait plus. Le temps semblait passer si vite et les paroles des gens à proximité n'avaient plus aucune importance. Peut-être était-ce une activité plutôt étrange, que peu de personnes pratiquaient, mais soit, cela la rendait d'autant plus fière. Elle n'avait pas besoin de l'avis des autres pour savoir ce qu'elle devait faire pour voir se dessiner un sourire sur ses lèvres et se sentir bien dans cet univers sans limites. Qui mis à part elle serait plus apte à en avoir conscience ? Personne, c'était une évidence, alors elle avait appris à ignorer les mauvaises langues, qui heureusement restaient tout de même rares.

     Sur le marché de son village, qui ne s'étalait pas sur un très grand rayon, Lysia possédait son propre petit emplacement qui lui était réservée pour pouvoir y vendre ses productions. Il s'agissait de petites statuettes de bois taillées par ses soins et aux représentations diverses qu'elle présentait de la manière la plus belle qui soit sur son échoppe, pour attirer les potentiels clients. Manches retroussées en attendant des villageois intéressés, la jeune femme âgée de dix-huit ans continuait à sculpter d'une façon plus que minutieuse sur un établi disposé perpendiculairement à la table de présentations des statuettes. Ses cheveux blonds tombaient jusqu'au milieu de son dos, et certaines de ses mèches étaient tressées. Aidée de gouges et de ciseaux à bois, – outils servant à creuser et entailler la matière –, elle finalisait sa toute dernière œuvre : un rumy, un étrange petit animal discret et luisant dans l'obscurité ressemblant à un lapin. Elle en avait croisé un certain nombre près de son ancienne maison, et elle les trouvait absolument fascinants. Sa statuette de bois faisait presque vingt centimètres de hauteur, Lysia n'avait jamais sculpté quelque chose d'aussi grand, mais il y avait une première fois à tout ; de plus, c'était un défi qu'elle était sur le point de relever.

     Une quarantaine de personnes, soit une dizaine de familles, vivaient en ces lieux. Le cadre y était paisible, et il ne manquait pas de place. Un endroit parfait pour entamer une nouvelle vie simple et heureuse après les terribles événements qui s'étaient produits dans leurs contrées. Ces derniers dataient d'une décennie, mais ils restaient gravés dans la mémoire de tous, notamment car des traces de ce cauchemar n'avaient toujours pas disparu. Le royaume d'Hyrule avait sombré dans une ère lugubre et de désespoir dans lequel le peuple survivant avait dû s'adapter aux nouveaux dangers qui se présentaient à lui. Lysia se souviendrait toujours de ce jour où tout avait basculé, mais il n'était jamais bon à ses yeux de se replonger dans son passé, bon ou mauvais. S'il y avait quelque chose de bien plus intéressant à faire, c'était de regarder vers l'avenir. Seulement parfois, il n'était pas en notre pouvoir de choisir entre les deux.