Chapitre 3 : Le lapin bondissant

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     Ce fut à huit heures du matin que, avec de petits yeux, le conseil de Labulat s'était réuni et patientait encore jusqu'à l'arrivée du chef. Il se trouvait autour d'une grande table carrée disposée au centre d'une grande pièce très peu encombrée par d'autres meubles. C'était un lieu que l'on surnommait le « Bureau », en d'autres termes, une grande salle qui servait à accueillir des réunions, des votes pour les habitants, ou même des événements traditionnels lorsque la saison était trop glaciale pour se permettre de les réaliser à l'extérieur. Le bâtiment se trouvait à côté de la demeure d'Alan et Lysia et son entrée donnait directement sur la place centrale où se déroulait le marché hebdomadaire. Assis à cette lourde table, Suzanne, Adrien, Doni et Ben, – deux autres villageois vivant en ces lieux depuis trois ans –, étaient les membres du Conseil chargés de gérer les affaires économiques de la commune. C'était un système que peu de villages avaient adopté à Hyrule, une petite fierté que Labulat possédait.

     Adrien fut à quelques secondes de s'endormir sur sa chaise à plusieurs reprises. Alan les avait fait venir assez tôt et lui-même n'était pas encore présent, ce qui, sur l'instant, agaçait un peu les membres du conseil. Tous les quatre ne savaient quoi dire pendant son absence, Suzanne notaient sur un carnet quelques informations importantes le temps que Ben, en face d'elle, tentait de dissimuler un bâillement de fatigue. Doni, quant à lui, était un grand anxieux et restait immobile, mains croisées sur la table à fixer le bois de celle-ci. Sa jambe droite effectuait de petits mouvements très rapides de haut en bas, toc qui le caractérisait tant. L'ennui était palpable dans l'air, mais avant que le conseil ne finisse par abandonner l'idée qu'Alan les rejoigne après bientôt trente minutes de retard, le fautif débarqua subitement dans la pièce, en ouvrant brutalement les deux grandes portes de la salle.

- Pardonnez mon retard, s'excusa brièvement le chef. J'ai passé une nuit infernale.

     Confus sans pour autant qu'il ne le montre à ses camarades, l'oncle se dirigea vers sa place respective toujours vide au bout de table qui attendait son arrivée comme tous les autres. Il y avait tant de choses à s'occuper pour le village en si peu de temps qu'il avait fini par être désorganisé et oublier l'heure de leur rendez-vous cette semaine-là à cause de sa fatigue, et ses problèmes d'insomnies n'arrangeaient pas les choses...

- Alan, nous avons quelques nouvelles pour toi, s'empressa de partager Suzanne.

     Après un soupir, il se vit obligé de la laisser parler, bien qu'il savait que ce qu'elle allait dire ne ferait que le démoraliser davantage.

- Allez-y, j'imagine qu'elles ne sont pas très bonnes, de toute manière.

     La table se dévisagea quelques secondes afin de déterminer qui allait lui annoncer les faits. Voyant que personne ne se dévouait, Suzanne s'y plia sans plus attendre. De toute manière, il fallait bien lui dire...

- Elle a gagné du terrain.

     Sans même préciser de quoi elle parlait, le chef comprit sans hésitations qui était ce « elle ». Il joignit ses mains en posant ses poignets sur la table et baissa la tête en soufflant. Tous ces efforts pour qu'en résultat, rien ne l'eut repoussée, ne serait-ce que de quelques centimètres. Le village avait beau s'acharner et lutter ardemment, il ne faisait que retarder le moment fatidique, tout le monde en était bien conscient. À contrecœur, il demanda à la tante d'Arthur la distance dont il était question.

- Combien ? dit-il en relevant la tête vers elle.

- Un mètre, répondit Suzanne. En deux semaines.

     Cette précision alourdit davantage le silence présent dans la pièce, seul le raclement de gorge de Ben retentit en résonnant entre les quatre murs de la salle. Du côté d'Adrien, celui-ci prit appui sur le dossier de sa chaise en refusant de continuer à rester là sans rien faire. Il ne comptait plus le nombre de réunion dans ce genre qui, au bout du compte, ne faisait que provoquer un ennui impressionnant chez tous les membres du conseil. Ils en avaient assez de parler, encore et encore, mais de ne jamais agir. Quand allaient-ils passer à la pratique et mettre la population hors de danger ?

La Marque du PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant