Chapitre 13 : Le pitoyable renard

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     Une chaleur ardente accompagnait le vent violent qui se déplaçait dans l'air de manière circulaire tout autour de la grande forteresse de pierre. Le chemin qu'il avait emprunté était pentu et le sol tremblait sous ses pieds. Une force incommensurable se déplaçait dans la roche, l'air, et la nature morte de ce lieu surplombant le royaume par sa hauteur. Le ciel était rouge et les nuages se déplaçaient à une vitesse élevée, comme lors d'une nuit de lune de sang... Pourtant, il était seulement vingt heures et le soleil qui se couchait à peine disparaissait derrière ce filtre sanglant qui recouvrait les belles couleurs chaudes du crépuscule. L'homme qui rôdait avec détermination se sentait étrangement à sa place, il avait l'impression de marcher à l'intérieur de lui-même, entre ses peines et ses regrets mêlées à cette haine rouge et hurlante de corruption. Il croyait par le biais de ce chemin rencontrer sa propre personne, comme une introspection profonde. C'était cependant bel et bien la réalité, Alan ne pouvait le cacher, il se sentait dans son élément quoi qu'il fasse. Dans cette forte chaleur et cette force puissante et dissimulée qui grognait. Mais contrairement à ce que l'on pouvait penser, il ne s'agissait pas du volcan d'Ordinn, qui était bien moins mortel que cet endroit, mais du Château d'Hyrule.

     Il voyait dans ces ruines de pierre une opportunité de sauver Labulat, de mettre fin à la pression qui augmentait chaque jour sur son village et ses habitants. Sous cette atmosphère d'apocalypse se cachait des richesses infinies qui n'attendaient qu'à être pillées, ne servant à plus personne. L'oncle n'aurait aucun mal à pénétrer dans la salle du trésor du château. Son frère, à l'époque où il restait sous le nom de Lambda, avait pénétré de nombreuses fois au sein de la forteresse et Alan avait appris de lui pour faire de même. Se retrouver en ces lieux lui rappelait le jour où il avait volé le Masque de Majora, exposé dans une pièce hautement surveillée du château... Voilà qu'il devait faire comme au bon vieux temps, au détail que son ennemi ne serait pas la famille royale, mais sûrement des créatures de Ganon, cette fois-ci. Peut-être que ce changement lui faciliterait la tâche, tout bien réfléchi... Comme il le disait souvent lorsqu'il s'entraînait au combat, les adversaires les plus coriaces restaient toujours les véritables humains.

     Le vent soufflant commençait à lui brûler la peau, l'esprit de Ganon se mit à rugir subitement en se mouvant dans la terre avec haine, Alan souffrit soudain, de maux de crâne violents. Il sentait que ce monstre l'appelait, il sentait que quelque chose en lui l'incitait à rejoindre ses rangs pour le libérer de l'emprise de la princesse qui le retenait dans ces murs. L'homme se secoua pour garder les idées claires, cette sensation maléfique se voyait renaître très légèrement en lui, il ne l'avait pas ressentie depuis dix ans... Ce lieu était si chargé en corruption que son immunité divine qui maintenait claire sa lucidité s'en voyait menacée. Alan ne se laissa pas submergé par la perfidie du Mal et il continua à descendre son chemin pour trouver l'entrée la plus proche. Une fois qu'il aurait pénétré à l'intérieur du château dont une partie était creusée dans la colline sur laquelle il se trouvait, la direction à prendre serait plus claire, bien que depuis la dernière fois qu'il était venu, des couloirs pouvaient être condamnés...

     Quelques mètres plus loin était cachée une entrée à l'est du château qui menait vers l'ancienne grande salle où avaient lieu tous les grands repas royaux. Alan était curieux de savoir à quel point la majestuosité de cette pièce s'était effondrée avec la Calamité. L'oncle avait devant lui un couloir sombre et humide au fond duquel aucune once de lumière ne brillait. Il s'agissait des ténèbres, des ténèbres par lesquels quelques bruits menaçants sortaient à l'extérieur et arrivaient aux oreilles du chef. La peur restait cependant encore bien loin de l'envahir, quel monstre pourrait oser s'en prendre à lui ? Après tout, sa corruption le protégerait de Ganon.

     Une silhouette lumineuse perça l'obscurité du lugubre couloir royal. Une lumière blanche étincelante plus brillante que le feu du soleil qui éblouit le chef de Labulat en un instant. Alan restait méfiant et ne se laissa pas intimider par cette lueur presque divine. Il détendit son bras droit et ouvrit grand sa main lorsque des filets mouvants de corruption vinrent l'entourer, de plus en plus abondamment. Ce flux augmenta de seconde en seconde jusqu'à façonner une épée que l'oncle créa de toute pièce, faite entièrement de malice de la pointe au pommeau. L'homme décida de s'approcher de cette lumière qui avait cessé son avancée. Elle restait au fond du couloir, loin de l'extérieur, comme si celle-ci ne pouvait guère aller plus loin et voir le ciel de crépuscule. Alan se dirigeait peut-être dans un grotesque piège, mais il ne reculerait face à aucun ennemi, l'avenir de son village en dépendait.

La Marque du PasséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant