La Marque du Passé

Chapitre 5 : Dans les ténèbres

     Trois jours passèrent depuis sa dernière conversation tendue avec son oncle, au beau milieu de la nuit. Depuis, rien n'avait été à signaler de ce côté-là, Alan s'était excusé une dizaine de fois, comme à l'accoutumée, et Lysia lui pardonnait ensuite. Mais son voyage à Écaraille n'avait plus du tout été mentionné, comme si le chef du village déniait ce fait. Pourtant, plus le temps passait, et plus la blonde se préparait à partir ; désormais, ses provisions étaient prêtes tout comme sa tenue de voyageur, il ne lui restait plus qu'à dénicher une carte du royaume quelque part et s'occuper de son cheval avant la longue route qui l'attendait. Avant de partir à son tour, Lysia souhaitait cependant attendre le retour d'Arthur qui se devait d'arriver dans la journée, si tout s'était bien passé comme prévu. L'attente se faisait longue et cela ne faisait même pas une semaine que lui, Suzanne et Adrien avaient quitté le village. Seulement, sa patience avait des limites et son inquiétude augmentait, elle ne parvenait point à s'empêcher de penser à tous les scénarios possibles imaginables, du meilleur au pire, même si elle savait parfaitement qu'elle en faisait de trop.

     Ce jour-là était le jour du marché hebdomadaire à Labulat, et comme en fin de chaque matinée, les villageois ouvraient leur petit commerce de nourriture, vêtements, ou bibelots. Côté ouest, un vieil homme était assis sur son petit tabouret derrière son échoppe, attendant que viennent les clients. C'était un paysan qui possédait un champ près du village et il avait toujours été fidèle au marché de ce dernier, il y vendait pomme de terre, salades, et toutes sortes de légumes. Depuis son siège, l'Hylien regardait avec gratitude dans les yeux cette jeune femme qui vidait une caisse d'une quarantaine de carottes afin de les nettoyer et les disposer correctement sur la table pour attirer les villageois. Il s'en voulait de voir quelqu'un d'autre effectuer son travail mais il restait raisonnable et écoutait son physique, il avait ainsi tout de même accepté l'aide de Lysia. Celle-ci avait insisté car elle n'acceptait pas que cet homme âgé souffre en silence alors qu'elle pouvait faire à sa place et de manière plus efficace ce qui l'obligeait à s'accroupir et se relever à plusieurs reprises. Ce n'était trois fois rien, et elle se devait de lui venir en aide.

     De plus, cet Hylien était adorable, d'une gentillesse inégalable, et ne demandait jamais rien à personne. Il prenait plaisir à venir nourrir les habitants de Labulat alors que lui-même n'y résidait pas. Il se déplaçait chaque semaine et n'avait que l'aide de sa femme qui, ce jour-là, était malade et n'avait pas pu lui prêter main forte pour le marché. Lysia le connaissait depuis plusieurs années maintenant et avait toujours vu un cœur bon en ce vieil homme toujours souriant et qui refusait de rester cloîtré chez lui à cause de son âge avancé. Malgré tous les efforts qu'il faisait au quotidien, il était en parfaite santé ! Un fait que la blonde admirait, toute comme son humilité. Elle termina de vider la caisse, et lorsqu'elle la retira de la pile, elle en aperçut une seconde en-dessous, remplie de pommes de terre.

- Encore merci pour le coup de main, ma chère... la remercia le paysan. Je ne suis plus tout jeune comme vous pouvez le constater, alors c'est très gentil de me dispenser de cette tâche.

- Tout le plaisir est pour moi, monsieur Lari ! assura Lysia avec égaiement.

     Elle s'empressa de se charger de la seconde caisse encore pleine au moment où le vieil homme se leva de son tabouret pour l'empêcher de continuer à prendre de son temps, – qu'il savait si précieux pour n'importe qui d'entre eux –, juste pour lui. Mais ce fut si naturel pour Lysia qu'elle enchaîna sans la moindre pause, il fallait bien quelqu'un aide cet homme pour mettre en place son espace de vente de légumes en l'absence de sa femme. Ce dernier se dirigea vers l'Hylienne et la remercia d'une chaleureuse main sur son épaule en lui disant qu'elle n'avait plus rien à faire pour lui.

- Oh, non, vous n'êtes pas obligée de faire cette caisse-là, vous savez, dit-il avec une légère honte.

- Au contraire, monsieur, je ne voudrais pas que vous vous fassiez mal au dos, insista-t-elle.