La Marque du Passé

Chapitre 7 : À quatre étoiles de la lune

     Ce dîner l'avait ressourcé. Il lui avait permis de prendre une véritable pause pour se reposer et se changer les idées le temps d'une soirée. Durant la nuit qui succéda, il n'avait cessé de songer à son amie en repassant en revue tous les sujets de discussions qu'il eut avec elle. Et surtout, il tergiversa plusieurs longues minutes sur la sensation qu'il avait ressenti, ce chaud dans sa poitrine lorsqu'il avait établi un contact physique sur sa main, et discerné cette étincelle unique dans ses iris bleutés. L'homme n'avait pas le souvenir d'avoir déjà éprouvé un tel sentiment. Il trouva d'ailleurs cette pensée relativement lambine, et dénuée d'originalité, néanmoins ce n'était pourtant que la stricte et pure vérité. Mais non, Nell n'était qu'une amie à ses yeux comme aux siens, cela coulait de source. À moins que ce n'était que ce qu'il voulait se laisser croire, durant toutes ces années ?

     Alan se trouvait à quelques pas de chez lui, devant la maison de ses voisins où il se rendait. C'était la fin de l'aube, il était encore tôt mais l'oncle n'avait aucun doute que ses habitants étaient déjà levés. Les parterres de fleurs qui décoraient la façade étaient encore humides en raison de la rosée matinale toujours présente, et les oiseaux commençaient tout juste à chanter. Suzanne devait sûrement déjà être partie faire un bilan sur l'avancée de la corruption près des champs, tandis qu'Adrien était en train de rendre visite à Doni pour discuter du même sujet. Le chef appréciait la grande investigation du couple pour la perduration de Labulat et de sa communauté, mais de son côté, il continuait à ne pas vouloir voir la réalité en face, ce pourquoi il ne se rendait jamais publiquement sur les lieux rongés par la malice. Mais ce n'était ni l'un, ni l'autre, que l'homme venait voir ce matin-là. Et à l'instant même où il s'apprêtait à frapper pour faire part de sa présence, la porte d'entrée s'ouvrit brutalement, laissant apparaître Arthur essoufflé, tenant un imposant et lourd sac de pique-nique à bout de bras. Le brun se figea en constatant la présence du chef du village.

     Pris par surprise, son cœur sauta un battement en le voyant. Alan était là, grand et stoïque, à le fixer avec ses yeux verts écarquillés, étonné tout comme le vingtenaire de leur coordination à la seconde près. Arthur n'avait pas l'habitude de croiser l'oncle de son amie aussi tôt, ni même à cet endroit, devant chez lui. Une peur naquit même en lui lorsqu'il le regarda dans les yeux, et ce pour des raisons légitimes. Que lui voulait-il ? Après les événements dont il avait également été témoin lors de l'attaque du Lithorok dans la grotte d'Oriolo, le fait de voir le visage du chef lui rappelait de mauvais souvenirs qu'il aurait préféré oublier à jamais. Les souvenirs de son enfance les plus durs.

- Je ne te dérange pas ? espéra Alan.

     Arthur déposa son lourd panier sur le sol le temps de parler, afin de ne pas trop se fatiguer pour rien. Son contenu était divers et varié ; en effet, le grand sac renfermait brioches, pot de confitures, jus d'orange frais, miel, et fruits. En somme, tout ce qu'il fallait pour déguster un délicieux petit-déjeuner au soleil.

- Non, répondit-il sur un ton neutre, je ne faisais que me préparer pour rejoindre Lysia au sommet de la colline.

     Cette réponse n'étonna guère l'Hylien qui aurait pu se douter lui-même de ce qu'Arthur partait faire, et avec qui. Quand Alan et les autres personnes plaisantaient en disant que lui et Lysia passaient leur vie ensemble, ce n'étaient décidément pas des balivernes... D'ailleurs, la blonde attendait déjà son ami depuis quelques minutes à l'endroit convenu, elle s'était ainsi abstenue de l'aider à rapporter toute la nourriture. Il tâcherait de lui en dire deux mots lorsqu'il la rejoindrait. Malgré l'impatience qui se démarquait dans l'air du brun, Alan remarqua aussi une certaine angoisse qui n'était pas anodine, et il comprit sans difficulté à quoi elle était due. Il n'était pas là pour ça, mais l'oncle se devait tout de même de s'excuser pour ce qu'Arthur avait vu, quelques jours en arrière.