Chapitre 8 : Ridma

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— Elle reprend connaissance.

Une voix féminine prend la parole à de multiples reprises. Je sens mon corps se tendre de douleur quand je tente d'en reprendre le contrôle. Je cligne nerveusement des paupières plusieurs fois pour distinguer une maison au toit plutôt bas qui sent le thym et la réglisse. Au-dessus de moi, on tient une lampe à huile et sa chaleur me brûle les yeux.

— Alors petit colibri, où comptais-tu aller ?

Je pousserais bien un long soupir ou une insulte grossière, mais je n'en ai pas la force. La mauvaise nouvelle apparaît comme un goût amer persistant en bouche. Je n'ai donc pas réussi à m'enfuir. Je suis toujours en vie, cependant, bien que chaque muscle de mon corps me tiraille et s'étire douloureusement. Je tourne la tête, qui semble peser une tonne. Je suis couchée sur un lit de fortune, entourée de pots de fleurs et de plantes aux couleurs multiples. Une d'entre elles semble se déhancher sur elle-même.

— Tlish adore avoir de la visite, affirme de nouveau la femme.

J'observe cet être à la peau rocailleuse, des cailloux et des fleurs parsemant sa chevelure verte bleue comme celle des Sprites à l'extérieur. Elle se déplace lentement comme si chaque pas lui coûtait une énergie considérable.

— La marque a toujours un drôle d'effet sur vous les pirates ! J'adore voir et revoir ça à chacune de vos visites, s'exprime la vieille femme en fouillant dans ses placards.

Le bruit des pots en verre qui s'entrechoquent me fait grincer des dents et remonte jusque dans mes tympans. Même ma tête semble sur le point d'exploser. Elliott soupire en prenant place sur un tabouret à côté de moi, le bas de son visage commence à être recouvert de la marque noire.

— Si la maladie atteint son cœur, il mourra. Sûrement cette nuit, affirme-t-elle de dos comme si elle m'avait vu le contempler avec désolation.

— Qu'est-ce qu'il a ?

Ma voix est rauque comme si on me tirait d'une longue nuit de sommeil, pourtant à l'extérieur le ciel est encore plongé dans les ténèbres. Notre hôte semble avoir trouvé son bonheur et plonge des feuilles séchées dans une tasse en terre cuite fumante. Elle m'amène ensuite le bol délicatement pour m'en faire boire une gorgée. La douleur se dissipe doucement, laissant tout de même sa trace.

Mes yeux se perdent sur ses mains grisâtres, ridées et tremblantes. Son visage serein est affecté par l'âge, mais je devine une belle femme sous ses traits de vieillesse.

— Tu n'as donc rien à me proposer, Ridma ? questionne Elliott le regard vitreux.

Sa voix est couverte de trémolos, ses gestes lents, ses épaules s'affaissent, il paraît abattu.

— Comme je te l'ai dit, Elliott Borthen Battlemourn, ce n'est pas une maladie, c'est un pacte. Je peux sentir l'odeur iodée de ta décomposition à des kilomètres.

La réponse ne semble plus lui convenir, puisqu'il se lève précipitamment de son tabouret qui tombe à la renverse. Les poings serrés contre la taille, une veine apparaît sur son front tant il perd tout son sang-froid légendaire.

— L'unique et dernier pacte que j'ai signé avec ces viles créatures remonte à cinq cents ans ! Avant que nous sombrions avec Morgan... Et tu le sais très bien !

La dénommée Ridma ne sourcille pas face à ce comportement. Comme une grand-mère face à son petit-fils, elle lui indique d'un long doigt anguleux le siège encore au sol pour qu'il le ramasse. Ce qu'il fait non sans lâcher un long soupir d'exaspération, il grimace en massant son bras malade.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant