Je suis perdue. C'est certain, je me remémore parfaitement avoir déjà tourné dans cette rue et longé ce mur en ruine. Il neige tant que les flocons recouvrent aussitôt mes pas. Je rebrousse chemin pour la énième fois. Entre le manteau blanc et l'obscurité, j'ai du mal à me repérer, j'ignore si je monte vers l'orphelinat ou si je continue d'avancer vers l'océan.
Mes vêtements sont humides, mon duvet se hérisse partout sur mon corps pour tenter de trouver un peu de chaleur. Bien que je n'aperçoive que des briques noircies par la pollution, c'est l'image de ma mère qui hante mon esprit.
Je m'en veux tellement d'être resté en mer pour envoyer cette foutue mignonette sans intérêt. Si je n'avais pas espéré, je serais encore avec elle. Mon cœur se serre, une petite voix me rappelle qu'il y a peut-être une raison à ma présence ici.
Une quête comme me l'a prédit Ridma. Cette vieille femme de roche me manque, je voudrais la retrouver pour lui poser des milliards de questions. Mais je suis actuellement perdue au croisement d'un carrefour. La nuit, le lieu n'a rien à voir avec celui que j'ai traversé en plein jour.
Je frotte mes mains entre elles, une traînée de sang a formé une croûte sur ma paume que je voudrais arracher.
Il n'y a pas âme qui vive ici, les volets même cassés sont fermés, les bougies sont soufflées, laissant une faible odeur d'épice flotter parmi celle de pétrole. Je balaie la neige sur mon épaule, à force de rester statique je vais finir ensevelie à mon tour.
Je crois m'être éloignée des bas-fonds, les rues sont plus calmes, il n'y aucune taverne dans les avenues que j'emprunte. Mais aucun orphelinat à l'horizon, non plus. Et s'ils disparaissaient complètement ?
Je grelotte à l'idée de devoir dormir contre une poubelle toute la nuit, je serai dévorée par les rats avant de fermer l'œil.
— Halte !
Je bondis d'un mètre en arrière, le cœur battant à toute rompre lorsqu'une lanterne s'avance dans la pénombre. Il me faut un certain temps pour découvrir la personne qui la tient.
Le rouge me saute aussitôt aux yeux.
Un garde royal.
Leurs insignes scintillent à la lueur de leur lampe, deux épées l'une contre l'autre. Je n'avais pas eu le temps de la détailler lors de l'abordage du navire du Prince Hadril. Tout était maculé de sang.
— Que faites-vous dehors ? Les autorités ont annoncé une tempête, vous devriez rentrer chez vous.
Je me pince les lèvres de mécontentement, si c'était aussi simple, je ne l'aurais certainement pas croisé. Il m'éblouit, sans scrupule, à l'aide de sa lampe à huile. Je plisse les yeux quand un second garde arrive à sa hauteur.
Des cheveux de blés m'interpellent aussitôt. Elouan me reconnaît à son tour, il m'offre une référence.
— Mademoiselle, que faites-vous ici ?
— Tu la connais ? demande l'autre garde.
Il fronce le nez, le blond hoche la tête et s'avance vers moi. Il m'examine longuement, je dois être aussi livide qu'une morte. Il passe son doigt ganté sur ma joue lésée.
— Vous vous êtes blessée ?
— Oh oui, ce n'est rien, dis-je en apposant ma propre main sur mon visage.
Elouan m'offre un sourire, il paraît comme un soleil dans les ténèbres.
— Vous devriez rentrer rapidement, désirez-vous qu'on vous escorte ?
De nervosité, je gratte ma paume qui me démange et la croûte de sang se perce. Une goutte tombe dans la neige, alertant les deux hommes.
— On devrait l'amener au quartier général pour panser ses plaies, note le garde dont j'ignore le nom.
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Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacrée
FantasyOh hey Moussaillon ! Etes-vous prêts à braver les dangers aux côtés de notre héroïne ? N'ayez pas peur, saisissez l'ancre ! Je vais vous conter l'histoire de Cameron, orpheline de père, enlevée un soir de pleine lune par la chimère, un navire maudit...