Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacrée

Chapitre 48 - Papa

Morgan. Morgan Krug est face à moi, au cœur d'une grande réception royale. Au nez et à la barbe de tous ceux qui le pourchassent. J'ai un mouvement de recul quand je distingue ses deux iris bleu roi me sonder. La Marque d'Elmor frétille plus fort, elle a retrouvé son double.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? demandé-je alors qu'il mène la danse aisément.

Il porte une tenue sobre, chic, qui le fond dans ce décor luxueux. Un masque bleu sur le nez, personne ne semble remarquer sa présence.

— Je n'abandonne pas mes marins, encore moins ma fiancée.

Mon palpitant s'accélère au timbre de sa voix, c'est bien lui. Je ne pensais pas le revoir de sitôt. Un tour sur moi-même et les images de ma fuite assaillent mon esprit. Il est revenu pour en finir avec moi. Je voudrais hurler mais la peur me noue la gorge.

— Tu... Tu veux me tuer pour trahison ?

Morgan pose sa main sur ma hanche, l'autre contre la mienne tandis que ses pas nous font aller de gauche à droite. Je n'entends plus les timbales derrière nous, ni les discussions enthousiastes des invités. Je n'aperçois plus les verres en cristal, les tables pleines à craquer de nourriture, les trônes où siègent les membres de la famille Ralesfeu.

Il n'y a plus que mon cœur emballé et Morgan. Ce dernier ricane en secouant sa chevelure coiffée pour l'occasion.

— Il m'est impossible de te faire du mal. Cela voudrait dire sacrifier mon meilleur ami, et la Marque d'Elmor m'en empêche.

J'ai presque envie de souffler de soulagement. J'avais oublié qu'il y avait tant de pactes au-dessus de ma tête. Exactement comme mon père, la réalité me frappe de plein fouet. J'écarte ma main de celle de Morgan.

— Je dois retrouver mon père.

— Non, grogne Morgan en me saisissant le poignet.

— Si ! Personne ne m'en empêchera.

Nous échangeons un regard sans dire un mot. J'espère qu'il me comprend et qu'il ne me retiendra pas. Mais c'est mal connaître Morgan Krug, il me garde prisonnière, resserrant sa poigne.

— Cameron, arrête de t'obstiner et partons.

— Je reste, insisté-je en profitant de la manœuvre d'un couple de danseurs pour m'écarter.

Je presse le pas, me glissant volontairement dans les groupes de convives resserrés entre eux pour me cacher. Morgan n'est pas en terrain conquis, je peux prendre de l'avance, mais le temps m'est compté.

Le rideau carmin se dessine déjà devant moi, lorsque j'arrive à m'extirper de la vague d'êtres humains et magiques. Un dernier regard en arrière pour m'assurer que je ne suis pas suivie, quand je me retrouve face à la mine surprise d'Elouan.

Mon cœur palpite dans ma poitrine, ma main sent encore la brûlure de celle de Morgan. Et mes narines sont encore empreintes de son parfum si atypique.

— Cameron, tu vas bien ? Tu sembles confuse.

Il pose le dos de sa main sur mon front comme pour vérifier ma température, je bous de l'intérieur depuis que Morgan est apparu. Mais je ne peux pas l'avouer à Elouan, parce qu'il s'agit d'un ennemi...

— Tu as un peu chaud.

— Est-ce que le Caporal m'a autorisée à entrer ? changé-je de sujet précipitamment.

Je jette des regards hagards autour de nous, il y a tant de monde que j'ai l'impression de découvrir une nouvelle perruque ou robe à chaque fois que je cille. Aucune trace du Capitaine. Je souffle, bien qu'un sentiment amer reste ancré au fond de ma gorge.