Chapitre 50 - La malédiction

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La perle aussitôt dans sa main, Célériel referme le poing. Un puissant éclat irradie de sa paume, nous éblouissant tous. Elle scintille comme le soleil. Sa clarté est telle que j'ai du mal à garder les yeux ouverts, elle illumine sa peau laiteuse. Un faisceau l'entoure, un halot splendide rayonne autour de sa silhouette.

Je peux sentir toute l'énergie qui émane du bijou et qui galvanise la Sirène. Elle rejette la tête en arrière, poussant un cri qui provient du fond de ses entrailles. C'est inhumain. Son hurlement ricoche contre la pierre et siffle dans mes oreilles. Mon corps est figé de peur, je n'ose la dépasser pour m'enfuir.

Enfin le flambeau s'éteint, Célériel observe ses bras, ses mains, tourne et retourne ses membres.

Elle semble avoir gagné en vitalité, en force, en grandeur. Sa pureté continue de brûler ma rétine. Elle agite ses doigts en direction du sol. Les interstices entre les pavés humides se remplissent d'eau. De l'écume mousse par-dessus la moisissure et la verdure. Puis une flaque recouvre le sol, emportant le poison et le sang de Lirea.

Cette dernière se redresse sur ses coudes, horrifiée, ses yeux écarquillés de peur. Elle tâte le sol pour comprendre ce qui arrive, alors que le niveau continue de monter. Nos pieds sont déjà immergés.

— Vous devriez vous en aller... Avant que je ne change d'avis, chantonne l'Impératrice.

Je mets du temps à réaliser ce qui vient de se produire, je tâte mon buste, sous mes doigts je sens une auréole boursouflée, dernière trace du bijou de famille. Célériel nous rit au nez en disparaissant, les vagues accueillent chacun de ses pas.

— Il faut se préparer au pire, désormais, déclare Lirea en se redressant.

Contrairement à sa sœur, elle est encore affaiblie par l'attaque. Elle s'essuie le menton, sentant et observant l'encre noire qui s'est échappée de ses entrailles durant de longues minutes.

— J'aurais dû me méfier de ses excès de sympathie... et de son thé à la menthe.

Furieuse, elle me foudroie du regard, les poings serrés.

— Tu n'aurais jamais dû lui donner.

Morgan se poste aussitôt devant moi, il est le premier à sortir de la cage.

— Elle t'a sauvé la vie.

Ils se regardent en silence, Lirea pose son regard émeraude sur moi. Elle se contente de hocher la tête en guise de remerciement, puis annonce d'un ton moralisateur :

— Tu as de la chance de ne pas avoir connu Edolym. Elle aurait pris un malin plaisir à faire souffrir le Capitaine Krug en te broyant le cœur.

Ce dernier siffle, commençant à emprunter le chemin de la sortie. Dehors il fait toujours nuit, et bien qu'il ait récupéré un peu de force, il reste affaibli.

— Allons-y, nous devons retrouver La Chimère. On ignore ce que Célériel va faire, elle sera sûrement à nos trousses dans les prochaines heures. Et tu dois absolument prendre l'antidote, Lirea.

Je sors à mon tour, Nika et Elouan dans mes pas. L'eau ne cesse de prendre l'avantage, ralentissant notre allure. Nous gravissons les vieux escaliers déformés mais elle s'amène déjà, effleurant nos talons.

J'ai abandonné ma seconde chaussure, déchiré ma traîne afin de ne plus être gênée. Nous foulons le sol, ne tardant plus sur des discussions sans queue ni tête au sous-sol. À chaque marche que je monte, je songe que je pourrais forcer mon père à s'enfuir avec moi. Qu'importe les pactes. Pourtant il y en a un qui se rappelle à moi lorsque je dérape et que Morgan me saisit la main.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant