Lorsque nous nous amarrons sur les berges de la Baie de Thiiel, quelques nuages teintés de rose restent suspendus au-dessus de nos têtes, comme si le temps s'était interrompu. Le calme soudain me déstabilise, les cris de l'attaque sifflent encore dans mes oreilles. Les vagues ricochent contre la pierre. Dans le silence, Morgan sort le premier de la barque, tendu, les épaules en avant, il me fait signe de sortir à mon tour.
Son regard est dur, glacial. J'en tremble de la tête aux pieds, la chair de poule court sur mon grain de peau, provoquant un désagréable frisson.
— Tu restes ici, Nika, ordonne le Capitaine.
Je grimpe sur la berge, chacun un sac sur l'épaule, nous avançons au cœur des terres. Il n'y a plus âme qui vive, les commerces ont tiré leur rideau, les étales ont été rangées. Ne reste que des pétales de fleurs qui jonchent le sol et s'envolent à la première bourrasque de vent.
Morgan me saisit le poignet avec force, furieux. Je me dégage de sa prise, le foudroyant du regard.
— Je sais que tu n'aimes pas abandonner tes hommes, craché-je, moi-même irritée.
— Pourquoi penses-tu qu'elle est ici ?
J'inspire profondément, je n'ai que quelques maigres indices et tout provient d'une conversation avec une fleur.
— Elle n'était pas au Lac des Méduses, c'est qu'elle ne peut être qu'ici.
Le rire jaune de Morgan me retourne l'estomac, il balance sa tête de gauche à droite. J'ai réveillé le monstre que j'ai tant voulu ignorer.
— Peut-être qu'elle était sur le Fleuve de la Mort, peut-être sur le navire qui nous a amené ici. Peut-être sous l'eau. Tu savais qu'elle ne craignait pas les piqûres des méduses ?
— Pas comme Dubh ! claqué-je, mon corps transi de peur en me remémorant la scène.
Morgan pouffe avec dédain, il balaie ma remarque d'un revers de main.
— Il a désobéi, c'était sa juste punition.
— Je ne te pensais pas si cruel.
Je plisse les yeux à l'image de l'homme devant moi, cette quête est en train d'avoir raison de sa santé mentale. Mais n'a-t-elle pas déjà détruit la mienne ?
Pourquoi sommes-nous revenus, douce créature humaine ?
Mon poing se serre contre ma taille, j'inspire à nouveau, examinée de la tête aux pieds par le Capitaine.
— Avant l'attaque, j'ai découvert un vase avec une tête de Groac'h sculptée dessus. Tu as dit qu'en trouvant l'objet, on saurait aussitôt. Je ne pense pas me tromper.
Je me mords la langue, gardant le secret de l'Iris pour moi. Morgan fronce les sourcils à la recherche d'un mensonge sur mon visage avant de tourner les talons.
— Il y a plusieurs boutiques de vases, mais Médusa a une passion pour ce genre d'objet en effet. Est-ce que tu te souviens à quoi il pouvait ressembler, encore entier ?
Nous n'irons pas dans cette boutique !
Intimement, je sais que nous n'aurions pas à chercher longtemps pour tomber sur l'échoppe en question, pourtant, au fond de moi, terrassée par la voix de l'Iris, une pensée me souffle de ne pas l'indiquer. De mentir. Je déglutis, secouant la tête pour effacer cette terrible idée.
— Faisons le tour rapidement, ordonne le Capitaine.
Je marche un bon mètre derrière lui, fixant l'ouverture de son sac, apercevant le scintillement de la cloche de verre autour de l'Iris.
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Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacrée
FantasyOh hey Moussaillon ! Etes-vous prêts à braver les dangers aux côtés de notre héroïne ? N'ayez pas peur, saisissez l'ancre ! Je vais vous conter l'histoire de Cameron, orpheline de père, enlevée un soir de pleine lune par la chimère, un navire maudit...