Je me réveille la bouche pâteuse, les yeux brûlants, des mèches de cheveux trempées collent sur ma joue. Je dégage mon visage avec une lenteur affolante. Je m'humecte les lèvres avec le peu de salive qu'il me reste. Une douloureuse migraine s'installe à mesure que je me redresse sur ma couchette. Le sol m'a paru plus confortable durant la nuit, mon dos est une pelotte de laine qu'un chat aurait balancé en l'air avant de la fourrer dans sa gueule, et ceux pendant des heures.
— Hey ! Tu en as déjà mangé un !
Je grince des dents, mes tympans sifflant au moindre mot prononcé trop haut. Je papillonne des yeux, masse mes tempes et quitte mon lit de fortune. Si on peut appeler cet objet de torture un lit.
Elliott me tend aussitôt une couverture, un frisson parcourt mes jambes. Elles sont nues. Je porte une chemise trop large pour ma taille menue. Je fronce les sourcils, collant ma langue sèche contre mon palais rugueux. Un souvenir en entraînant un autre, notre dernière nuit avec Morgan me revient en mémoire. Nous étions proches, très proches. Je n'ai jamais osé faire ce genre de choses avec un homme.
— Couvre-toi, m'ordonne le Timonier.
J'obéis, posant l'épais et long édredon sur mes épaules, couvrant la totalité de mon corps. Une chaise est tirée à table et je m'installe dessus, découvrant un plateau de nourriture que se disputent les matelots.
— Ces rouleaux de printemps sont un délice ! s'exclame Haes en en gobant un, léchant ses doigts de pierre.
J'observe les marins se chamailler, j'entends les insultes pirates fuser, ce qui n'arrange en rien mon mal de tête. Un des fameux cylindres recouverts d'algues vertes m'est tendu, je reconnais la frêle main de Nika. Je le remercie d'un hochement de tête.
Elliott prend place à mes côtés, il dépose une tasse fumante sous mon nez. Je reconnais là l'odeur forte de grain torréfié.
— Du café ? demandé-je en humant le parfum des épices.
— C'est encore meilleur et prodigieux pour ta migraine.
Je fais la grimace, je dois avoir mauvaise mine. J'amène le récipient chaud à mes lèvres, savoure son odeur florale et fruitée avant d'en boire une longue gorgée. La sensation de soif disparaît aussitôt.
— Ces graines poussent à côté du Lac de Latma.
Ma bouche forme un O parfait, je me souviens de cette eau prodigieuse que nous avons bu sur Garoggra avec Morgan. Je cherche ce dernier du regard, il ne fait pas partie de la bande.
— Il avait besoin de prendre l'air, m'avoue son second.
— Est-ce qu'il va bien ?
— Il ne tient plus aussi bien l'alcool, la pourvoyeuse accentue la sensation de gueule de bois.
Je ne le lui fais pas dire. Bien que je n'en ai ingéré qu'une petite partie sur les lèvres de Morgan, les effets d'étourdissement ont laissé place à la nausée. J'ai dû finir par m'endormir la première et le Capitaine m'a certainement mis au lit.
Au sourire que m'offre Elliott, je sais qu'il a compris que nous nous sommes réconciliés. Il a, au moins, la gentillesse de ne rien ajouter. La tasse entre les mains, j'observe l'homme aux boucles dorées chaparder Lasmur qui tente de voler le rouleau de Haes.
Je croque dans le mien, avouant qu'il a un goût délicieux. J'adore le mélange sucré-salé, les fraises sont si juteuses que leur jus coule le long de mon menton. Toujours trop prévenant, Elliott me tend une serviette. Je la saisis puis l'observe.
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Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacrée
FantasyOh hey Moussaillon ! Etes-vous prêts à braver les dangers aux côtés de notre héroïne ? N'ayez pas peur, saisissez l'ancre ! Je vais vous conter l'histoire de Cameron, orpheline de père, enlevée un soir de pleine lune par la chimère, un navire maudit...