Chapitre 37 - Thera, terre du Printemps

61 11 0
                                    


Comme la veille, nous nous éloignons des abords de la ville pour nous enfoncer dans la forêt. Je peux entendre, atténué par les chants d'oiseaux, le clapotement de l'eau dont l'odeur iodée se répand au travers des branchages.

Cette fois-ci, nous n'empruntons pas de sentiers sinueux, mais le chemin de pavés ocres principal, nous mêlant à la foule qui s'en va. Certains, à mon image, s'attardent sur le décor bucolique, quand d'autres avancent droit devant eux. Exactement comme Morgan, il lance de temps en temps des regards furtifs par-dessus son épaule. Il se force à marcher le plus souplement possible pour ne pas éveiller les soupçons.

Personne ne semble faire attention à notre petit groupe, les tenues des uns et des autres toutes plus ou moins affriolantes se noient dans ce tableau coloré. J'accélère le pas pour rejoindre Morgan et marcher à sa hauteur.

— Je pense que le plan va fonctionner, affirmé-je.

Il replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille en souriant, il coince ma boucle d'oreille entre le pouce et l'index.

— C'est certain.

La végétation dense aux teintes automnales laisse place à des rivières, des ponts de galets, des murs de rochers couverts de verdure. Nous longeons le cours de l'eau lorsque nous arrivons face aux Cascades. Bien que celle du Grand Cerf que nous avions admiré avec Basil soit splendide, découvrir celles-ci me laisse sans voix.

Caressant les immenses façades de pierre et de terre de plusieurs mètres, l'eau ruisselle contre, formant un amas d'écume blanche mousseuse. Certains courants stoppent leur course bien avant d'arriver à nos pieds, d'autres rejoignent leurs confrères, créant un rideau cristallin.

Face à nous, la plus immense de toutes. Elle brille aux derniers rayons du soleil de fin d'après-midi, son nuage d'écume forme des filets de vapeur qui s'échappent vers les cieux. Par moment, au travers des gouttes, j'ai l'impression qu'un autre monde se cache derrière.

Des oiseaux passent au travers, je sursaute quand une mouette plonge à l'intérieur. Elle ressort quelques instants plus tard, un poisson argenté dans le bec. Mon regard suit les gouttelettes étincelantes qui chutent de ses plumes et j'observe le ballet des Gentlemans sautant à la surface.

— Il faut y aller, murmure Morgan comme s'il craignait de m'effrayer.

Ce dernier m'indique une plateforme plus loin, je découvre des cabines de verre soutenues par d'épais cordages qui s'élèvent vers le sommet de la forêt.

— C'est là-dedans qu'on doit monter ?

Je déglutis, je n'ai pas spécialement peur du vide, mais ce sol translucide n'est pas pour me rassurer.

— Oui, Thera se trouve par-delà la Mer de Cascades, m'explique Morgan en m'indiquant un point au loin.

Nous reprenons notre route alors que les autres matelots font déjà la queue pour monter à bord des cabines. En bas, quatre créatures à la tête et aux jambes de sanglier couvertes de poils drus, mais au buste d'homme, poussent de toutes leurs forces un mécanisme en bois. Une des boîtes en verre s'agite, des personnes à son bord, avant de décoller du sol et d'être tirée vers le ciel.

Mon sang ne fait qu'un tour quand j'aperçois des gardes royaux gérer le flux de passants pour les placer à l'intérieur. Je saisis la main de Morgan, ma Marque d'Elmor frétille.

— Tout va bien, Cameron.

J'ai encore en mémoire la scène du début de semaine en sortant de la Bibliothèque Universelle. À moins de sauter dans l'eau, il sera plus difficile de fuir.

Le capitaine des Abysses - Livre 1 : La perle nacréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant